Chakib Benmoussa, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement primaire et des Sports, s’est exprimé sur l’adoption par des institutions éducatives étrangères au Maroc de programmes promouvant l’homosexualité.
Le Maroc traîne un boulet qui inhibe sérieusement ses chances de décollage économique et social : 10 millions de Marocains ne savent ni lire ni écrire. Le dernier recensement de la population, celui de 2004, qui donne ce chiffre, ajoute qu’un peu plus d’un million d’enfants âgés de 9 à 14 ans sont non scolarisés.
A cette masse d’analphabètes formée par les jeunes en âge de scolarité, il faut ajouter les 400 000 enfants qui quittent annuellement les bancs de l’école (ils étaient 368 000 élèves en 2004-05). Et c’est l’enseignement primaire, censé dispenser l’éducation de base, sans laquelle tout enfant sera un analphabète, qui vient en tête (ou plutôt en queue de peloton). En effet, 216 176 élèves ont quitté l’école en 2005-06.
Cette déperdition scolaire, estimée à 6% des effectifs inscrits en 2006, annihile tous les efforts entrepris par le Maroc en matière de généralisation de la scolarité au niveau de l’école primaire : 93% des enfants entre 6 et 11 ans sont en effet scolarisés.
Un manque à gagner de plus de 2 milliards de DH dû au taux élevé d’analphabètes
Par rapport aux autres pays du Maghreb, le Maroc est mal classé en termes de capacité de rétention des enfants à l’école : en Algérie et en Tunisie, le taux d’abandon scolaire varie entre 2 et 3% en cinquième année de l’école primaire. On s’en doutait, parmi les enfants non scolarisés ou déscolarisés au Maroc, ce sont les filles (58,4%) et les enfants habitant en zones rurales (80%) qui sont les grandes victimes. Par ailleurs, 40 % de ces enfants non scolarisés ou qui ont quitté précocement l’école sont en situation de travail.
Cela signifie d’abord un énorme manque à gagner économique à souligner. Une étude, menée en 2006 par le secrétariat d’Etat chargé de l’alphabétisation et de l’éducation non formelle, en partenariat avec l’Unicef, sur « La non scolarisation au Maroc, une analyse en termes de coût d’opportunité », a calculé les bénéfices que le Maroc aurait pu tirer s’il ne traînait pas ce taux élevé d’analphabètes. Chaque année d’étude supplémentaire passée dans le primaire, calcule ce rapport, « est susceptible de procurer 12,7% d’augmentation de salaire (contre 10,4% dans le secondaire) ». Le gain est plus élevé d’environ un point pour les filles, et ce aussi bien dans le primaire qu’au niveau du collège. En bénéfices nets, le manque à gagner net total pour la société représente pratiquement un demi pourcentage du PIB de l’année 2004.
Il est estimé à 2, 8 milliards de DH. C’est dire le rôle déterminant de l’éducation fondamentale dans le processus du développement d’une société. Ce n’est pas un hasard si l’économiste Amaryta Sen, prix Nobel d’économie 1998, place la généralisation de l’éducation de base au cœur du processus du développement humain. Au-delà de l’utilité directe dont un tel investissement est susceptible de faire bénéficier les individus et l’ensemble de la société, cet économiste met l’accent sur le rôle majeur de l’éducation dans l’amélioration des potentialités humaines élémentaires : instruit, l’homme serait plus épanoui, sa capacité de choisir et de se prendre en charge serait plus importante.
Fournitures scolaires, frais d’inscription, d’assurance..., des éléments de dissuasion
Pourquoi ce taux élevé d’enfants qui abandonnent les classes pour aller rejoindre la masse élevé des analphabètes adultes ? Deux raisons sont invoquées par le département de tutelle. Il y a d’abord la pauvreté des ménages marocains qui les rend incapables de subvenir aux besoins scolaires de leurs enfants, et il y a ensuite la qualité logistique et pédagogique de l’enseignement, particulièrement dans le rural.
La première catégorie des causes, appelée causes extrascolaires, influe considérablement sur le choix que fait un ménage de ne pas inscrire son enfant à l’école, et sur celui de l’en soustraire une ou deux années seulement après son inscription. D’autant que, dans le monde rural et dans les milieux pauvres des zones urbaines, un enfant est, por ses parents, lui-même source exploitable de revenus. Le revenu qu’apporte un enfant qui travaille, selon une enquête qualitative menée en 2004 par Nahed Bennani dans le cadre de son DESA (enquête qui a concerné 50 enfants), est de 300 DH en moyenne : il s’agit d’enfants qui travaillent dans les secteurs de l’agriculture, de l’artisanat, dans les ateliers de mécanique et dans la rue.
L’achat des fournitures scolaires vient en tête des raisons de l’abandon scolaire. Elles représenteraient en moyenne 10% des revenus, soit environ 1 200 DH par enfant lors de chaque rentrée scolaire. Ce chiffre, multiplié par le nombre d’enfants par ménage, s’avère assez lourd.
Toutefois, il n’y a pas que les fournitures scolaires proprement dites qui pèsent, mais aussi les frais d’assurance, ceux qu’il faut payer à l’association des parents d’élèves, les nécessaires débours pour la tenue vestimentaire, sans parler des frais de cours supplémentaires (voir témoignage ci-dessous). Ce constat fait douter les rédacteurs de l’étude précitée réalisée en partenariat avec l’Unicef, du principe de la gratuité de l’éducation fondamentale stipulé par la Charte d’éducation et de formation, un principe qui reste plus théorique que pratique. « Si l’Etat ne met pas le paquet pour résorber ce problème, il y a fort à parier que l’hémorragie liée à la déperdition scolaire continuera », clame un inspecteur de l’enseignement fondamental. Une prise en charge des fournitures scolaires par les pouvoirs publics s’impose donc, assène-t-il.
D’autant qu’elle « est de nature à compenser les coûts supportés par le budget de l’Etat dans l’éducation non formelle », souligne l’étude précitée. En effet, le nombre des bénéficiaires de cette éducation non formelle a atteint, en 2005-2006, 34 293 élèves, sachant que l’Etat participe par une subvention qui va jusqu’à 1200 DH par élève au profit des associations qui s’en chargent, soit 41 MDH.
La qualité de l’école est aussi à l’origine de l’abandon scolaire
Il y a d’autres causes extrascolaires qui font fuir l’enfant de l’école, outre la pauvreté des ménages, toutes liées aux difficultés sociales et familiales où baignent les enfants en âge d’aller à l’école. Une enquête menée par l’Unicef en 2004les énumère ainsi : le travail des enfants, l’état de santé de l’élève, la séparation des parents (divorce), l’analphabétisme des parents, l’attitude négative des parents vis-à-vis de l’école, l’éloignement des écoles et des collèges, le mariage précoce des filles, le mouvement des populations (flux migratoires).
Enfin, le facteur économique est loin d’être le seul responsable de l’abandon scolaire : la qualité de l’école y participe d’une façon décisive. La relation de l’enfant avec son école est tout sauf une relation d’amour : là aussi les raisons sont multiples. L’échec scolaire est dû à la mauvaise relation de l’élève avec ses enseignants, relations souvent fondées sur la violence et la dévalorisation de l’enfant, au manque de matériel pédagogique, à l’inadaptation des structures, à l’absentéisme des enseignants, au manque désastreux d’activités parascolaires et ludiques, au défaut de formation initiale des enseignants aux besoins de l’école et des élèves. La liste des raisons qui démotivent l’élève et l’incitent à chercher d’autres opportunités en dehors de l’école est relativement longue. Ce sera alors l’analphabétisme pour toute la vie, la rue et son cortège de délinquance, de drogue, de chômage, ou d’envie d’émigrer sous d’autres cieux à la recherche d’une vie meilleure.
Que faire pour arrêter l’hémorragie ? Quoique modeste en terme d’efficacité (le chantier est vaste : on compte actuellement 1 018 000 enfants non scolarisés ou ayant quitté l’école) le travail du secrétariat d’Etat chargé de l’alphabétisation et de l’éducation non formelle n’est pas à dénigrer. En partenariat avec un tissu associatif très actif, dense, puisque faisant appel à quelque 32 000 associations, il a pu lancer une stratégie autour de deux axes.
Essayer d’abord d’arrêter le flux qui alimente le contingent des analphabètes, en identifiant les enfants qui risquent d’interrompre leur scolarité : un travail préventif qui touche ceux qui ont des difficultés scolaires ou ont des problèmes sociaux. Offrir ensuite, dans le cadre d’un travail curatif, aux enfants non scolarisés ou ayant quitté précocement l’école, une deuxième chance dans le cadre de l’éducation non formelle, en vue de leur réinsertion scolaire ou de leur insertion professionnelle ou sociale. Pour les premiers, le Secrétariat d’Aniss Birou a essayé d’installer, dans les écoles primaires, des cellules de veille, avec un taux de couverture de 72% en 2005 et de 87% en 2006. Objectif : travailler sur les causes qui font fuir les enfants de l’école pour les éloigner des comportements à risque (vagabondage, délinquance, exploitation dans le travail…) et essayer d’en retenir le plus grand nombre.
Concernant les seconds, le Secrétariat offre une école non formelle aux enfants qui ont échoué pour essayer de repêcher et de réintégrer dans l’éducation formelle ceux qui peuvent l’être.
Les résultats sont modestes sur le terrain : le nombre des bénéficiaires de cette éducation non formelle au titre de l’année 2005-06 n’a pas dépassé les 34 294 élèves, dont 17 255 ont été pris en charge par les ONG et c’est le rythme moyen annuel qu’ont pu soutenir jusqu’à ce jour les pouvoirs publics pour résorber la masse de ces laissés-pour-compte de l’école. Le Secrétariat ambitionne de baisser le taux de déperdition scolaire à 2% annuels à l’horizon 2010 au lieu des 6% actuels, sachant que le coût de l’éradication de l’analphabétisme des jeunes est estimé à 1 580 million de dirhams. Vaste et ambitieux programme.
La vie éco - Jaouad Mdidech
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