Le gouvernement marocain s’apprête à modifier le Code de la famille ou Moudawana pour promouvoir une égalité entre l’homme et la femme et davantage garantir les droits des femmes et des enfants.
Malika, 16 ans, renvoyée de l’école à 14 ans après avoir redoublé trois fois sa 6ème année, elle a passé près de deux ans à excercer de petits boulots peu fructueux ; Fayçal, lui, est âgé de 15 ans, arrivé à Casablanca avec son père à l’âge de 5 ans, il a grandi dans le souk de Derb Gallef où son père était commerçant, fréquentant la rue et les magazins des petits boutiquiers, il n’a connu l’école que de loin ; Mourad, quant à lui, a 15 ans, il a arrêté l’école à 14 ans, passant une année à trainer dans Casablanca, s’adonnant aux petits larcins, il nous raconte son quotidien fait de bagarres au couteau entre gamins de la rue.
Pourtant, pour tous ces gamins, reprendre le chemin de l’école et avoir accès à une instruction minimale qui leur permettra peut-être un jour une correcte réinsertion sociale n’est plus un rêve illusoire. Certains comme Malika rêvent ainsi de devenir chanteurs, d’autres plus sagement se verraient bien artisans ou commerçants.
Une chose est sûre, l’Association Al Ikram qui les accueille est devenue pour ces jeunes gens, pris dans la spirale infernale des dangers de la rue, un havre de paix et d’instruction ; en somme un lieu synonyme d’espoir et de rêves.
Fini les journées passées à errer dans les rues de Casa, fini les petits boulots harassants et parfois dangereux, fini l’absentéisme chronique. Les jeunes gens d’Al Ikram se rendent chaque matin aux cours qui leurs sont proposés.
En effet, fondée en 1994, l’Association Al lkram, parrainée par des donateurs privés et la Fondation Mohammed V, s’est, dès ses débuts, fixé comme objectifs de venir en aide aux plus démunis et particulièrement d’aider à l’instruction et à la réinsertion des enfants déscolarisés ou en situation d’échec scolaire.
Ainsi, pour la seule ville de Casablanca, pas moins de 10 centres destinés à l’accueil des jeunes en difficulté ont été ouverts et près de 700 enfants sont aujourd’hui suivis par l’association. Parmi les centres créés, six sont destinés au soutien scolaire et à l’accueil des enfants en situation d’échec scolaire et quatre autres proposent des programmes d’éducation informelle. Répartis aux quatre coins de Casablanca, ces centres se trouvent à l’intérieur même des quartiers les plus défavorisés ou encore dans leur périphérie.
Nous avons visité, le centre El-Fida, siège de l’association, situé aux abords du boulevard Zerktouni. Là, une trentaine de jeunes suivent le programme d’éducation informelle mis en place par l’association ; ainsi, tous les matins, ils viennent assister aux quatre heures de cours qui leur sont proposées. Dispensés par dix jeunes licenciés qui sont salariés par l’Etat, ces cours reprennent les matières enseignées dans les programmes de l’Education nationale et comprennent aussi une initiation à l’informatique. Cette formation informelle, lorsqu’elle est suivie avec assiduité, doit permettre aux enfants en difficulté de réintégrer l’école au bout de trois années. Hormis les éducateurs pédagogiques, le centre Fida comprend aussi deux assistants sociaux chargés d’aider les enfants qui ont de grosses difficultés et de maintenir le contact avec leurs familles, un coordinateur pédagogique détaché de l’Education nationale et un moniteur d’échec. Des bénévoles, parfois psychologues, médecins psychiatres ou encore généralistes assistent l’association dans sa tâche de suivi matériel, social et psychologique des enfants en difficulté.
Cependant, tout ne va pas sans mal à l’association Al Ikram. Le premier problème auquel sont confrontés les membres de l’association demeure celui du manque de fonds qui restreint les capacités d’accueil de l’association. D’autre part, celle-ci ne dispose toujours pas dans ses centres de pédo-psychiatres permanents pouvant suivre au quotidien les enfants en difficulté. De même, les éducateurs chargés de dispenser les cours du programme d’éducation informelle sont de jeunes licenciés fraîchement sortis des facultés n’ayant pas reçu de formation pédagogique spécifique et encore moins une formation d’éducateurs spécialisés. Enfin, pour les enfants qui suivent les programmes d’éducation informelle, chaque après-midi devient une pause où ils sont à nouveau livrés à eux-mêmes et parfois même à la rue, un vide éducatif qui déstabilise les jeunes et ne facilite pas la tâche des éducateurs.
Voilà donc autant de points négatifs auxquels les membres de l’association, permanents et bénévoles, s’attachent à remédier. Ainsi, un projet d’ateliers pédagogiques visant à occuper les après-midi des jeunes des centres est en cours d’élaboration. Proposant aux jeunes des ateliers de théâtre, de musique ou encore d’art plastique, ce projet qui a déjà été expérimenté à petite échelle à travers la mise en place d’un atelier musical semble obtenir un franc succès auprès des jeunes gens de l’association.
Si les enfants en difficulté disposent donc aujourd’hui de nouvelles chances de réinsertion sociale, il n’en demeure pas moins que des associations telles qu’Al Ikram qui oeuvrent à les aider, sont aujourd’hui encore confrontées à des problèmes structurels importants et à un déficit de personnel spécialisé.
Libération ( Casablanca)
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