La douane marocaine a mis en place un régime d’admission temporaire pour les moyens de transport maritimes privés, en particulier les bateaux de plaisance, appartenant à des personnes résidant à l’étranger.
Un dispositif de surveillance des importations a été mis en place. En cas d’importations massives, les mesures de sauvegarde seront activées pour quatre ans maximum. Produits concernés : le riz, l’huile d’olive, le sucre, les farines, le papier et les jus. La Confédération de l’agriculture demande l’instauration immédiate de la déclaration préalable d’importation pour le riz et l’huile d’olive.
Il y a un mois, La Vie éco faisait état de difficultés d’application des accords de libre-échange signés entre le Maroc et d’autres pays, ou groupe de pays. Piégé par ses accords ? Certainement. Aujourd’hui, les choses se corsent pour le Royaume. L’accord dit d’Agadir signé avec la Tunisie, l’Egypte et la Jordanie et celui signé avec les autres pays de la Ligue arabe commencent à produire leurs effets. L’Administration marocaine, elle, tente de s’adapter tant bien que mal.
Elaborés par plusieurs administrations, aux objectifs antagonistes, ces deux accords présentent des risques pour certains pans de l’économie. Il a fallu leur mise en application effective pour s’en rendre compte. L’inquiétude est telle que le ministère du commerce extérieur vient de mettre en place un dispositif dit de surveillance aux frontières. Objectif : contrôler le niveau des importations de certains produits de manière à anticiper un éventuel préjudice à l’encontre de la production locale.
Cette décision fait suite à des requêtes que le ministère a reçues des professionnels de filières comme le riz où ces derniers faisaient état d’un raz-de-marée du riz égyptien sur le marché marocain, mettant en danger la production nationale.
« On ne peut attendre que le mal soit fait pour réagir »
« Nous avons fait notre enquête en nous basant sur les importations de riz entre les mois de janvier et d’avril 2007, elles ne sont pas anormalement élevées et il n’y a, pour l’instant, aucun préjudice porté à la production nationale », rassure d’emblée Mustapha Mechahouri, ministre du commerce extérieur. Pour lui, il est trop tôt pour parler de préjudice et encore moins de mesures de sauvegarde qui pourtant sont souhaitées par les professionnels.
C’est le cas de la Confédération marocaine de l’agriculture (Comader) dont le président, Ahmed Ouayyach, demande une application immédiate de mesures de sauvegarde pour le riz mais aussi pour d’autres produits comme l’huile d’olive ou encore le sucre. « Nous ne pouvons pas attendre que le préjudice soit constaté et le mal fait pour réagir, ce sera trop tard », insiste M. Ouayyach. Pour lui, il faut tout de suite que les autorités compétentes marocaines imposent des mesures pour limiter les importations de certains produits des pays arabes, notamment les fameuses déclarations préalables d’importations (DPI). « Il y a dans la région du Gharb un millier de petits producteurs de riz qui exploitent chacun une parcelle de moins de cinq hectares et nous ne pouvons pas les donner en pâture ». Le président de la Comader fait allusion notamment aux importations de riz en provenance d’Egypte avec qui le Maroc a signé l’accord d’Agadir justement.
Mais quid du sucre alors, pour lequel ni la Tunisie, ni la Jordanie, ni l’Egypte ne sont connus pour être de grands producteurs ? En fait, le problème du sucre se pose plutôt au niveau de l’accord de la grande zone de libre-échange qui lie le Maroc aux autres pays de la Ligue arabe. Et là, le problème est beaucoup plus sérieux.
40% de valeur ajoutée : trop peu ?
Explications de Hassan Serghini, directeur de la programmation et des affaires économiques au ministère de l’agriculture, qui mène par ailleurs les négociations du volet agricole dans le cadre des accords de libre-échange. « Certains pays arabes, notamment du Golfe, sont devenus de véritables plateformes pour des produits comme le sucre, les jus... ». Ces pays importent ainsi le produit, opèrent des transformations et le réexportent vers le Maroc, entre autres, avec des droits de douane de 0% en vertu de l’accord de libre-échange. Bien entendu, et comme le stipule l’accord, le produit final doit comporter au moins 40% de valeur ajoutée intégrée dans le pays exportateur.
C’est ce qu’on appelle la règle d’origine. Or, c’est justement cette règle des 40% que le Maroc remet en cause aujourd’hui. Pour Mohamed Fikrate, DG de la Cosumar, « le fait de faire subir au produit de petites transformations ou de le mettre dans un bel emballage ne peut pas justifier les 40% de valeur ajoutée ». Idem pour d’autres produits comme les jus, les farines, les pâtes alimentaires importés de plus en plus massivement de certains pays du Golfe.
Hassan Serghini confirme que le raffinage et l’emballage ne permettent pas d’atteindre la valeur ajoutée minimale de 40% et que ces produits ne devraient pas, par conséquent, bénéficier des taux zéro en vertu du libre-échange.
Cela étant dit, il y a un problème et de taille : le Maroc a signé des accords de libre-échange qui l’engagent. Comment faire alors ?
Plusieurs solutions existent. D’abord, il y a les mesures dites de sauvegarde. Ces mesures permettent à un pays, en dépit de ses engagements dans le cadre d’un accord de libre-échange, de prendre des mesures pour protéger sa production nationale quand celle-ci subit un préjudice réel à cause des importations massives. L’accord d’Agadir et celui de la zone de libre-échange arabe prévoient ce type de mesures. Sauf que leur activation est subordonnée à des conditions dont la plus importante est de prouver qu’il y a effectivement importations massives et préjudice (voir encadré en page précédente). Raison pour laquelle, dans le cas du riz égyptien, le ministre Mustapha Mechahouri n’a pu activer les mesures de sauvegarde, l’enquête préliminaire menée auprès des services douaniers n’ayant pu établir ni un niveau élevé des importations ni un préjudice à la production locale.
Une réunion qui tourne mal, les Marocains se retirent
« Pourtant, le risque de préjudice est réel », avertit Hassan Serghini du ministère de l’agriculture, puisque l’Egypte est connue pour être un grand producteur de riz. Comment parer à ce risque ? Pour les spécialistes de la question, la réponse est simple : le Maroc doit absolument renégocier les règles d’origine. Plus concrètement, il faut redéfinir, ou plutôt relever le niveau minimal de valeur ajoutée réalisée dans le pays d’origine à partir duquel le produit est éligible à l’exonération des droits de douane.
Dans le cas du sucre, le ministère de l’agriculture est d’avis que le seuil des 40% soit supprimé et remplacé par le principe dit de « l’entière obtention ». En d’autres termes, le produit doit être entièrement, ou presque, originaire du pays depuis la matière première (canne à sucre ou betterave) jusqu’à l’emballage en passant par le raffinage.
C’est précisément ce que le Maroc est allé défendre le 6 juin au Caire à l’occasion de la session extraordinaire du Conseil économique et social arabe. En marge de cette session se tenaient en effet des réunions techniques. L’une d’entre elles avait pour objet l’accord sur la grande zone de libre-échange et devait statuer plus précisément sur la question des règles d’origine.
Le Maroc aura-t-il réussi à se faire entendre ? Sans doute, mais pas là où on l’attendait. En effet , la réunion a été houleuse est s’est terminée en queue de poisson. Selon des membres de la délégation marocaine présents à cette réunion, « les représentants de certains pays du Golfe ont tenté de faire passer des résolutions qui ne servaient que leurs intérêts, notamment en mettant les règles d’origine à des niveaux bas ». Selon les mêmes sources, le document final émanant de cette commission, et qui devait être soumis par la suite aux ministres du commerce des pays membres pour approbation (une simple formalité en somme), comportait des points auxquels le Maroc n’adhérait pas. Résultat : la délégation marocaine, qui comprenait également des représentants du secteur privé (agriculture et agroalimentaire notamment) a préféré quitter la salle en signe de protestation contre ces tentatives.
Finalement la séance a été levée sans que les membres aient pu aboutir à un accord et rendez-vous a été pris pour les mois à venir en vue de poursuivre les négociations. En attendant, et pour ce qui est de l’accord d’Agadir, une réunion ministérielle est prévue le 21 juin à Amman, en Jordanie. Le Maroc s’y rendra pour essayer de défendre deux points : les mesures de sauvegarde (comme pour le cas du riz) et des règles d’origine confortables. Ce que Mustapha Mechahouri traduira en des termes plus diplomatiques en parlant d’« examiner les mesures à prendre par les quatre pays en vue de protéger les productions nationales ». Espérons que la délégation ne reviendra pas une fois de plus bredouille !
Mesures de sauvegarde, ce que prévoient les accords
L’article 15 de l’accord d’Agadir donne la possibilité aux pays d’appliquer des mesures de sauvegarde dès le moment où les quantités importées sont anormalement élevées, causant un préjudice à la production locale similaire. Mais, pour les modalités de mise en œuvre de ces mesures, l’accord d’Agadir s’est aligné tout simplement sur les dispositions des accords de l’OMC. Lesquels accords prévoient une procédure précise pour l’activation des mesures de sauvegarde :
• Les mesures de sauvegarde ne peuvent être prises qu’après une enquête qui doit prouver qu’il y a effectivement préjudice pour la production nationale à travers notamment des importations massives dépassant le seuil de 25% de la production locale.
• L’enquête ne peut être ouverte que suite à la demande expresse des opérateurs du secteur lésé.
• Les mesures de sauvegarde ne peuvent être appliquées que pendant la période nécessaire pour réparer le préjudice causé, sans, pour autant, qu’elle dépasse quatre ans.
• Des mesures de sauvegarde dites provisoires sous forme de majoration des droits de douane peuvent être prises en cas d’urgence et sans attendre la réalisation de l’enquête, et ce pour une durée ne dépassant pas 200 jours. C’est généralement le principe qui est activé par le Maroc pour protéger la production céréalière.
La vie éco - Saâd Benmansour
Ces articles devraient vous intéresser :