Attentat à la bombe contre une école islamique, profanation et tentatives d’incendie de mosquées et menaces. Les Marocains des Pays-Bas sont, depuis l’assassinat du réalisateur néerlandais Theo van Gogh, la cible de représailles. Au Maroc, c’est le silence radio.
Depuis l’assassinat de Theo van Gogh par un présumé islamiste néerlandais d’origine marocaine, les actes de violence ne cessent de se multiplier contre les institutions et lieux de cultes musulmans du Pays-Bas. Plusieurs attaques ont ciblé ce week-end des mosquées, sans faire de dégâts importants. Des tracts insultants ont été placardés sur une autre mosquée du grand port néerlandais. Et à Amsterdam, un centre d’accueil d’immigrés a été barbouillé de peinture rouge.
Certains politiques s’y sont mis à leur tour en fustigeant directement le Maroc. Le commissaire européen au Marché intérieur, le Néerlandais Frits Bolkestein, connu pour ses critiques contre l’Islam et la société multiculturelle, est aller même jusqu’à déclarer dimanche que « le Roi du Maroc devait se prononcer contre l’extrémisme musulman et montrer clairement que son pays ne veut pas être un exportateur d’assassins ».
Depuis, les autorités néerlandaises s’emploient pour contenir cette déferlante de haine. La surveillance a été renforcée autour des 90 mosquées marocaines du pays. Divers responsables politiques ont regretté ces agressions condamnant des actes « stupides » perpétrés par des « idiots ». Néanmoins, ces actes expriment bien un sentiment d’hostilité grandissant à l’égard des immigrés musulmans chez de larges franges de la population hollandaise. Selon un sondage de la chaîne RTL Nieuws, 47 % des Néerlandais disent se sentir moins tolérants à l’égard des musulmans depuis l’assassinat du cinéaste.
Ces tendances, incompréhensibles dans une société connue pour sa légendaire tolérance, reflètent le profond malaise qui traverse les Pays-Bas depuis quelques années. Au centre de ce marasme, se trouve la question de la population immigrée. Le meurtre a été prétexte à pléthore de reportages sur la difficile intégration des 900.000 musulmans, dont 300.000 d’origine marocaine, sur les 16 millions de Néerlandais.
Au Maroc, la couverture médiatique de l’affaire Van Gogh, à l’origine de ces évènements, a été, dans l’ensemble, faible. Aucun responsable politique ne s’est exprimé sur le sujet. Et sur les développements qui ont suivi le meurtre, le département chargé des Marocains résidant à l’Etranger a encore une fois brillé par son silence. Contacté par ALM, la ministre Mme Chekrouni était tout simplement « injoignable ». De sources diplomatiques marocaines, on se borne à expliquer que le meurtre de Van Gogh est « une affaire strictement néerlandaise, dont l’auteur est un Néerlandais qui a tué un autre Néerlandais. » Dès lors, « les autorités de ce pays ont demandé à leurs homologues marocaines de ne pas intervenir et de faire des déclarations qui vont à l’encontre de leur politique d’intégration », précise-t-on auprès de l’ambassade du Maroc aux Pays-Bas. Et l’autre nationalité (la Marocaine) de l’auteur du meurtre ? « Cette mention n’aurait pas été mise à l’évidence de cette manière s’il s’agissait d’une nationalité espagnole ou une autre nationalité européenne », renchérit un responsable ayant requis l’anonymat.
L’embarras des responsables marocains est à peine perceptible, mais on préfère garder le silence pour le moment. Et il y a de quoi, en effet. Il y a quelques mois, l’on a promptement célébré les 400 années de l’amitié marocco-hollandaise. Malgré lui, Van Gogh vient d’en dévoiler aujourd’hui une face moins réjouissante.
Youssef Chaoui - Aujourd’hui le Maroc