En 2023, malgré les chocs endogènes, la conjoncture internationale et la stagnation de l’activité, le secteur de l’immobilier au Maroc a montré sa résilience. Et, les perspectives pour l’année prochaine s’annoncent meilleures.
La scène est digne d’un thriller hollywoodien. Dans un café du quartier Maârif de Casablanca, Mustapha Him, MRE rentré au pays pour investir dans l’immobilier, s’avance vers un homme attablé tout seul devant sa tasse de café.
Cet homme n’est autre que le responsable du service des propriétés à la commune de Maârif de la métropole. Him le salue et lui tend une petite mallette contenant 160.000 DH. « Il manque 40.000 DH que je vous remettrais lundi sans faute », chuchote Him. L’homme attablé prend la mallette et signifie à son interlocuteur qu’il a intérêt à ce qu’il apporte la somme qui manque sous peine de « ne jamais pouvoir jouir de son terrain ». Him fait un signe de la tête pour dire qu’il s’exécutera et laisse partir l’homme et la mallette. A la sortie du café, des agents de la Brigade centrale de police (BCP) surgissent et arrêtent l’homme à la mallette. Il est conduit aux locaux de la BNPJ et y est accusé de corruption.
Peine réduite en appel
L’homme nie et affirme que les 160.000 DH lui appartiennent, mais c’était compter sans le piège que lui a été tendu par Him avec la collaboration des services de la wilaya de Casablanca et de la BCP. En première instance, l’accusé écope d’un an de prison ferme pour corruption, mais la peine est réduite à 8 mois en appel.
L’affaire, qui est loin d’être bouclée avec l’arrestation du responsable communal, remonte à 2005. Mustapha Him achète un terrain dans le quartier de Maârif et décide d’y construire un immeuble. Pour ce faire, il doit d’abord réussir à déloger, Sita, société déléguée à la gestion des déchets à Casablanca. Cette société exploite ce terrain après autorisation de la commune de Maârif. Expropriation ? Non, puisque les responsables de cette commune indiquent à Him que le terrain appartient à la ville en vertu d’un jugement de 1936 : vérification faite auprès de la Conservation foncière, aucune inscription au profit de la commune ne figure sur le bien immeuble. Si la justice a donné le terrain à la commune cette dernière aurait dû l’enregistrer avant l’expiration des 30 ans de prescription. Commence alors un parcours du combattant pour Him qui n’arrive pas à jouir de sa propriété même s’il dispose du certificat de propriété et de l’enregistrement auprès des services de la Conservation foncière. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, Him reçoit une proposition du responsable du service des propriétés à ladite commune : pour 200.000 DH, ce responsable communal, qui n’a pas précisé s’il agissait pour son propre compte ou pour celui d’un supérieur hiérarchique, ne conteste pas la propriété devant la Justice et laisse Him accéder à son terrain. Excédé, ce dernier refuse de se prêter au jeu de la corruption et décide de faire intervenir les supérieurs hiérarchiques du responsable qui lui a fait la proposition. Him porte donc l’affaire devant Mohamed Sajid, maire de Casablanca, qui s’empresse d’appeler les agents de la BCP. « Je me souviens de ce jour-là. C’était en juin dernier. Quelques minutes après le coup de fil de Sajid, deux agents de la BCP et Mohssin Mekouar, chef de cette brigade en personne, étaient à la mairie. Ils avaient un ordinateur portable et m’avaient demandé d’appeler tout de suite le responsable de la commune pour lui fixer un rendez-vous », raconte Him.
Les péripéties continuent
Le responsable communal est alors arrêté et condamné. Mais les péripéties de Him n’en finissent pas pour autant. A commencer par son permis de construction qu’il n’arrive toujours pas à avoir cinq mois après sa première demande. « J’ai fait une demande de permis de construire en octobre dernier, mais je n’ai pas encore eu de réponse », s’indigne-t-il. Et d’ajouter, « c’est à croire que tout le personnel de la commune s’interpose entre moi et mon bien, comme s’ils voulaient se venger pour leur collègue arrêté pour corruption ». Pourtant, en matière de permis de construire, l’absence de réponse de l’administration dans un délai de 60 jours après la première demande, équivaut à une acceptation. Fort de cette disposition légale, Him entame les constructions. Trois jours après le démarrage, il reçoit la visite du caïd du quartier du Maârif qui arrête le chantier avec l’aide d’employés de cette commune. Him réclame alors au caïd un écrit constatant l’arrêté du chantier pour pouvoir aller devant le tribunal administratif et demander un jugement prouvant son droit au permis de construire. Mais le caïd refuse et lui signifie qu’il doit régler ses différends avec la commune et le Conseil de ville. Consterné, Him se retourne vers Sajid qu’il estime être la plus haute autorité élue de la ville de Casablanca, mais ses « entretiens avec le maire sont restés sans effets », déclare-t-il.
En dépit de nos nombreuses tentatives, Sajid est resté injoignable. Pourtant, le Conseil de ville n’avait pas hésité à faire avorter la tentative de corruption. Pourquoi donc fait-il traîner le permis de construire ?
Négociation ou chantage ?
L’affaire du terrain du Maârif n’est pas le seul litige qui oppose Him à la ville de Casablanca. La société Romandie Parc, dans laquelle Him est actionnaire minoritaire, dispose d’un jugement en première instance qui ordonne à la ville de payer 76 millions de DH à ladite société.
L’indemnisation concerne une occupation illégale d’un terrain appartenant à Romandie Parc. De là à dire que le Conseil de ville veut joindre les deux dossiers pour essayer de « négocier » un désistement de la part de Him dans cette seconde affaire, il n’y a qu’un pas, que Him s’empresse de franchir.
L’Economiste - Naoufal Belghazi
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