Pourquoi se fâcher ? Ce premier tour ne concernait que huit circonscriptions régionales, seulement 199 lieux de culte, soit 20% du futur CFCM. Malgré la guerre en Irak, qui pouvait laisser craindre un désintérêt, voire un boycott de cette consultation, le taux de participation a été particulièrement élevé, de l’ordre de 87%. Mais, hormis en Alsace et dans les deux départements franciliens des Yvelines et du Val-d’Oise, les grandes régions de peuplement d’origine musulmane n’étaient pas concernées par ce scrutin. Le Nord-Pas-de-Calais, l’Ile-de-France, Rhône-Alpes, la Lorraine et la région Paca voteront dimanche prochain. Dans ces conditions, il est difficile de tirer des conclusions définitives sur les forces et faiblesses de telle ou telle fédération islamique en France.
Si l’on s’en tient au petit échantillon électoral sélectionné dimanche dernier, la compétition semble devoir se réduire à un match entre la FNMF, la Fédération nationale des musulmans de France, et l’UOIF, l’Union des organisations islamiques de France. La première défend les intérêts d’un islam d’origine marocaine, la FNMF s’appuyant sur les représentations consulaires de ce pays. La seconde, l’UOIF, structurée idéologiquement par le fondamentalisme des Frères musulmans, tente de dépasser les clivages entre l’Algérie et le Maroc, grâce à un maillage militant que pourrait envier feu le Parti communiste. Derrière, font plutôt bonne figure les musulmans d’origine turque, regroupés par une logique identitaire sur les listes du CCMTF, le Comité de coordination des musulmans turcs de France, lié à Ankara. Au vrai, seules les listes de la Grande Mosquée de Paris, soutenue par l’Algérie, semblent à la peine.
Ainsi la Mosquée a-t-elle fait pâle figure dans les Yvelines et dans le Val-d’Oise, département où elle bénéficiait a priori de relais à Argenteuil et Pontoise. Ce sont les « Marocains » qui l’ont ici emporté. Mais sous couvert de l’étiquette FNMF, un élu de la mosquée salafiste des Mureaux vient d’être désigné. La Mosquée de Paris a également subi un revers dans la région Centre. Pour le plus grand profit, encore, de la FNMF. Mais, en l’occurrence, c’est encore un intégriste, membre du Tabligh, qui a profité de cette liste « marocaine ».
En Alsace, c’est l’UOIF qui a avancé ses pions. L’entente entre le « marocain » Abdellah Boussouf et les « turcs » proches d’Ankara du CCMTF a été contre-productive. En s’alliant aux intégristes turcs du Milli Görüs, bien structurés à Strasbourg, l’UOIF a réalisé un score inespéré.
Dans son fief d’Aquitaine, l’UOIF, qui bénéficie de l’implantation des étudiants musulmans de Bordeaux, a réalisé un carton plein. Les travailleurs ruraux d’origine marocaine, pourtant nombreux en Gironde et dans le Lot-et-Garonne, ne sont pas parvenus à contrebalancer l’islam citadin de l’UOIF.
La Bretagne, les Pays de la Loire, le Limousin, le Centre et, à plus forte raison, la Corse sont des régions où la population musulmane est trop faible pour qu’on puisse tirer des enseignements de ce premier tour. Dans l’Ouest, les « algériens » sont peu nombreux, ce qui ne pouvait que handicaper la Mosquée de Paris. « Marocains » et « turcs » étaient sans doute surreprésentés dimanche dernier. En deçà de ces clivages « nationaux », on peut d’ores et déjà se demander si l’islam le plus rigoriste ne sortira pas gagnant de ces élections organisées par la République.
Source : http://www.figaro.fr/