On parle depuis quelque temps d’un retour massif des Marocains du monde. Est-ce vrai ? Si cela est le cas, quelles sont les mesures d’accompagnement en leur faveur ?
Abdellatif Maâzouz : Nous ne disposons pas de moyens rigoureusement scientifiques pour savoir si les gens rentrent définitivement ou s’ils viennent uniquement pour les vacances. Les outils dont nous disposons n’indiquent pas pour l’instant de retour définitif. Nos MRE trouvent du travail même si c’est dans des conditions plus difficiles, voire informelles. En outre, la crise n’est pas localisée, elle affecte plusieurs pays et le Maroc n’est pas épargné. Certains de nos concitoyens ont même commencé à migrer du sud vers le nord de l’Europe.
Concernant les mesures d’accompagnement en faveur des MRE rentrés pour cause de crise, nous œuvrons pour faciliter leur réinsertion. Concrètement, notre assistance se situe au niveau de l’orientation. Si le MRE a un projet, nous lui montrons les avantages dont il peut bénéficier au niveau du financement et de ce que prévoient les textes pour une meilleure insertion. Pour les enfants qui n’arrivent pas à s’inscrire ou trouvent des difficultés à s’insérer dans des cours dispensés dans les langues qu’ils ne maîtrisent pas, nous travaillons avec le ministère de l’Education Nationale pour qu’il y ait des rattrapages et pour les intégrer au fur et à mesure aux programmes nationaux.
Parmi les MRE qui ont opté pour un retour définitif au Maroc, combien sont repartis ?
Abdellatif Maâzouz : Je vous ai dit que nous n’avons pas de données fiables sur d’éventuels retours définitifs. Nous travaillons avec nos amis du Haut Commissariat au Plan pour essayer de mettre en place un mécanisme d’observation à cet effet.
Nombreux sont les MRE qui se plaignent des services consulaires. Que fait votre ministère pour améliorer la situation ?
Abdellatif Maâzouz : Vous savez, pour juger un état de choses, il faut comparer l’existant avec le passé. Bon nombre de Consulats et d’Ambassades d’aujourd’hui n’ont rien à voir avec ce qu’ont été ces administrations il y a seulement quelques années. Un effort constant est fourni pour l’amélioration des locaux, le renforcement des ressources humaines, la modernisation des outils de travail et des modes de gestion, la simplification des procédures, la généralisation de la couverture géographique pour une meilleure proximité des administrés, etc.
L’ambition du Gouvernement est d’améliorer cet effort de normalisation à travers un plan bien établi et suivi à cet effet. Nous apportons notre contribution au rapprochement des administrés des Ambassades et Consulats en mettant à leur disposition les fonds pour l’opérationnalisation des dispositifs d’aide juridique et sociale destinés à soulager les démunis parmi les MRE. Bien sûr, il y a des réclamations de temps en temps, ici ou là, notamment à cause de l’encombrement occasionné par le renouvellement des cartes d’identité et des passeports biométriques, mais ce sont des circonstances passagères et généralement les MRE ont plus de raisons d’être satisfaits des services consulaires et apprécient la modernisation constatée. La qualité des services rendus aux MRE fait l’objet d’une attention particulière en termes d’accueil, d’orientation, de disponibilité et de célérité, surtout en période estivale où toutes les administrations redoublent d’efforts pours satisfaire l’usager MRE. D’ailleurs, la journée nationale de la communauté marocaine à l’étranger du 10 août prochain, portera justement sur "l’optimisation des prestations des services au profit des Marocains du monde".
A quand le vote des MRE ? Quelles sont les raisons de ce blocage ?
Abdellatif Maâzouz : Il faut rappeler que la Constitution marocaine est l’une des rares, voire l’unique au monde à avoir consacré cinq articles à la diaspora (16, 17, 18, 30 et 163). La participation des MRE dans tous les chantiers de développement du pays (politiques, économiques, sociaux…) serait d’un grand apport. Nous faisons en sorte que les compétences marocaines soient de la partie. Elles peuvent venir comme elles peuvent nous appuyer de là où elles sont. La participation politique n’est pas en reste. Nous voulons que les MRE soient mobilisés également dans cette dynamique de représentation et de participation à la gestion de la chose publique au Maroc. D’ailleurs, je suis persuadé que la mobilisation des élites marocaines pour les causes nationales est plus efficiente par le biais de groupes organisés dans les pays de résidence qu’à travers la participation aux institutions nationales. La mise à contribution des compétences et des ressources expatriées dans le développement du pays constitue une opportunité pour la pleine expression de cette volonté de participation. Le vote des MRE est aussi un mode d’expression qui fait l’objet d’une concertation nationale. Les modalités techniques et juridiques de sa mise en œuvre sont à l’étude à l’instar de bon nombre de dispositions prévues par la nouvelle Constitution.
Vous avez déclaré récemment que le gouvernement s’engage à mettre en place une politique de migration intégrée et homogène. Pouvez-vous nous expliquer votre approche ?
Abdellatif Maâzouz : Tels que nous les avons inscrits dans le plan d’action de l’actuel Gouvernement, investi en janvier 2012, les principaux axes de notre politique au service de nos concitoyens de l’étranger se déclinent selon cinq axes prioritaires.
A travers un travail coordonné et concerté entre les différents intervenants institutionnels et avec les associations concernées, le Gouvernement se penche sur l’amélioration et le développement des services administratifs à l’attention des marocains résidant à l’étranger dans le but de défendre leurs droits et préserver leurs intérêts à travers la généralisation de l’appui juridique, judiciaire et administratif. La mise en place de programmes de communication, de conseil et d’orientation, le renforcement et l’amélioration des performances du réseau consulaire pour rehausser les services administratifs rendus à nos concitoyens vivant à l’étranger.
Sur le plan culturel et éducatif, en réponse aux sollicitations croissantes des Marocains résidant à l’étranger, le Gouvernement œuvre, dans le cadre d’une approche concertée et intégrée, à développer, diversifier et élargir des programmes d’éducation, d’encadrement religieux, d’enseignement des langues et cultures du Maroc ainsi que l’appui aux activités d’ordre culturel.
Au niveau social, le Gouvernement s’active à renforcer le dialogue, à diversifier les voies de coopération et à intensifier la communication avec les gouvernements des pays de résidence afin d’optimiser la défense des droits et acquis légitimes des marocains résidant à l’étranger, ainsi que pour étendre et actualiser les conventions bilatérales de protection sociale établies avec ces pays.
Dans le domaine économique, le Gouvernement œuvre pour la mise en place d’un programme d’action intégré assurant les moyens et les mécanismes à une nouvelle génération d’investisseurs marocains de l’étranger dont, à titre d’exemple, la création de services d’orientation et d’accompagnements de projets d’investissements, la mise en place de mécanismes d’incitation, et de financement plus performants, etc.
Enfin, sur le plan de la participation à la vie publique, et répondant aux attentes légitimes des marocains résidant à l’étranger relatives à une participation active dans les différents segments de la vie publique, le Gouvernement poursuit la mise en œuvre appropriée des nouvelles dispositions de la Constitution du 1er juillet 2011 concernant les marocains résidant à l’étranger, notamment dans les articles 16, 17, 18, 30 et 160 dont je viens de parler.
Les profonds changements sociaux et culturels de l’immigration des Marocains dans le monde et l’émergence d’une nouvelle génération d’immigrés mieux intégrés et plus qualifiés que leurs parents, requièrent une nouvelle approche. Que prévoit votre département dans ce sens ?
Abdellatif Maâzouz : L’un des principaux axes sur lesquels nous travaillons est celui de l’enracinement sans déracinement. C’est-à-dire de veiller à ce que les Marocains s’intègrent bien dans les pays d’accueil mais sans pour autant rompre les attaches avec leur pays d’origine notamment en veillant à préserver leur identité. A cet égard, un effort particulier est mené sur le plan culturel et celui de l’enseignement des langues. L’objectif est que les jeunes des 2ème, 3ème et bientôt 4ème générations restent attachés au Maroc non seulement par la pensée et le cœur, mais aussi par la culture.
Nous travaillons avec les pays d’accueil, au point de militer, pour que la langue arabe soit intégrée comme langue officielle étrangère dans le cursus régulier du système de l’enseignement. Car, nous vendons l’idée qu’il y a près de 4 millions de MRE qui vivent en Europe, 600 millions d’arabophones à travers le monde, et que Européens et autres doivent connaître cette langue, ne serait-ce que pour mieux connaître une partie de leurs concitoyens. Cette jeunesse est une véritable aubaine : c’est un levier de développement pour le Maroc, notamment à travers le renforcement des relations politiques, économiques et humaines entre le Royaume et les pays de résidence ou de concitoyenneté respectifs. Pour capter et canaliser l’énergie de cette jeunesse vers le développement du pays, toute une politique de mobilisation des compétences marocaines expatriées est mise en place à travers, notamment, un réseautage géographique et thématique de ces compétences et un portail informatique, le FINCOME, véritable plateforme d’échange planétaire pour identifier, faire connaître et tirer profit de nos compétences répandues à travers le monde.