Les Nations unies ont apporté un démenti formel au sujet d’une éventuelle démission de Staffan de Mistura, l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara.
Il y a vingt-huit ans, le 14 novembre 1975, était signé à Madrid l’accord tripartite entre le Maroc, l’Espagne et la Mauritanie qui achevait en principe la décolonisation du Sahara. Il stipulait entre autres la rétrocession aux deux pays du territoire que Madrid a occupé depuis le début du siècle, suite au partage arbitraire décidé en 1905 à Algésiras entre les grandes puissances.
L’accord de Madrid constituait la conclusion plus ou moins spectaculaire de trois ou quatre longues semaines de laborieuses négociations maroco-espagnoles.Elles réunissaient côté marocain Ahmed Osman, alors Premier ministre, et Ahmed Laraki, ministre des Affaires étrangères. Côté espagnol ensuite, Cortina Mauri et Lopez Bravo ; côté mauritanien enfin Hamdi Ould Mouknass, ministre des Affaires étrangères. Cet accord intervenait dans une atmosphère d’autant plus tendue que le généralissime Franco vivait ses dernières heures, le souffle suspendu aux déclamations d’un cardinal, et que Juan Carlos s’efforçait d’asseoir sa légitimité dans un pays versé pendant des années dans les limbes du franquisme pur et dur.
Un va-et-vient caractérisait les préparatifs de cet accord arraché après une course contre la montre, déjouant les plans des militaires et de l’extrême droite espagnols, tous deux hostiles au Maroc. Ils étaient cependant pris de court par le lancement, le 6 novembre 1975 de la Marche Verte au cours de laquelle 350.000 volontaires marocains avaient franchi les barbelés que les tercio (légion étrangère espagnole) avaient dressés en guise de frontière.
Une page nouvelle de l’Histoire du Maroc était ouverte, légitimée et favorisée en effet par la décision que la Cour de justice de la Haye avait rendue un mois auparavant, le 15 octobre, spécifiant l’existence de " liens juridiques et historiques entre les populations du Sahara et le Royaume du Maroc ", confirmant par ailleurs " les liens d’allégeance entre ces dernières et le sultan du Maroc ".L’accord de Madrid était ensuite – et ce n’est pas le moindre événement – entériné le 28 décembre 1975 par l’Assemblée générale des Nations unies. Il parachevait aux yeux de la communauté internationale une décolonisation menée au terme d’une longue négociation entre Rabat et Madrid sur fond de débats et de résolutions à l’ONU. Il a toujours valeur juridique ne serait-ce que parce que les Nations unies ne cessent de préconiser le dialogue et la négociation comme le seul moyen pour régler les différends.
La décolonisation du Sahara n’avait-elle pas obéi à cette règle érigée en vertu ? Que les négociations aient été tendues et longues entre le Maroc et l’Espagne n’a pas empêché les parties de finaliser un accord qui a valeur de test et de jurisprudence en matière de paix. L’occupation du Sahara marocain remonte à 1905, suite à des tractations, c’est le cas de le dire, entre les puissances coloniales (France, Angleterre et Espagne) qui s’étaient attribuées des zones d’influence en Afrique, le nord et le sud du Maroc revenant à l’Espagne. Or celle-ci, en prenant possession du Sahara , et tous les documents historiques consignés le prouvent, n’a pas trouvé un territoire vidé de sa substance, une terra nullius comme l’on a coutume de dire.
Non seulement le Sahara était habité, certes par des nomades qui se livraient à des activités pastorales, mais que les populations étaient toutes marocaines. A Lâayoune , Smara, Boujdour, Dakhla, Tifariti, Zag, Sidi Ifni, les populations n’ont jamais cessé de réaffirmer leur attachement au Maroc et au Roi du Maroc. S’il fallait brandir un seul argument dans ce sens, on citerait volontiers la monnaie qui était frappée à l’effigie du sultan, les prières du vendredi qui étaient dites au nom de ce même Roi, les marques d’allégeance que les tribus lui manifestaient régulièrement. Peut-être faudrait-il ajouter que l’Histoire du Maroc elle-même procède du sud, en ce sens que la plupart des dynasties en proviennent et qu’à l’inverse, les Rois du Maroc , d’Ibn Toumert et Youssef Ibn Tachfine à Mohammed VI, en passant par Moulay Ismaïl et Hassan 1er, ont toujours veillé à leur profondeur stratégique que constitue le sud et le Sahara.Ce n’est pas l’effet d’une vision ou d’une allégorie, mais le Maroc tire ses origines, dira-t-on, du Sahara parce que, des siècles durant, ces provinces ont constitué le prolongement de sa vocation africaine que le colonialisme a baptisé empire chérifien avant de le battre en brèche.L’anachronisme qu’a constitué l’occupation espagnole du Sahara n’avait d’égale qu’une volonté de maintenir cahin caha un empire en Afrique pour faire contrepoids à la France, au Portugal et à l’Angleterre.La désintégration des empires qui a marqué l’après-guerre dans les années 60 illustrait même un principe historique connu depuis Périclès en Grèce, à Rome et jusqu’à aujourd’hui encore : après la grandeur et l’apogée, la décadence. La mort dans l’âme, parfois acculées de force, les puissances coloniales ont chacune à sa manière abandonné leurs empires.
L’Espagne n’y échappa guère, interpellée qu’elle était par une vaste réforme et la modernisation que lui proposait Juan Carlos de Bourbon.En se désengageant du Sahara par la négociation, et non par l’effusion de sang, elle illustrait le parfait modèle de règlement de conflit ou de différend au nom du principe consensuel. L’accord tripartite de Madrid du 14 novembre 1975 auquel l’ONU a donné son aval, qu’elle enregistre dans ses archives comme un document officiel dans le rayon des procédures de décolonisation, serait-il renié et caduc ? Le gouvernement espagnol brûle-t-il aujourd’hui si facilement ce qu’il a adoré la veille ?
Hassan Alaoui - Le Matin
Ces articles devraient vous intéresser :