« J’ai décidé de quitter la France durant les élections présidentielles de 2022, à cause des polémiques nauséabondes entre Éric Zemmour, le Rassemblement national, sans parler des Républicains. J’avais l’impression que tous les maux de la France étaient de notre (musulmans) faute », raconte Farid* à TSA, un cadre commercial d’origine algérienne installé en Suisse où, il a trouvé un travail conforme à ses compétences. Il se plaît déjà dans le pays voisin. Il a même connu une promotion. Il est passé de simple employé à directeur commercial « en peu de temps », ce qui est « effectivement plus difficile pour les personnes issues de l’immigration » en France, dit-il. Un an et demi plus tard, Farid ne « regrette rien ». Il compte faire venir sa famille en Suisse dès l’été prochain. « On a ce sentiment d’oppression constante », a assuré à France Info, Myriam, 25 ans et bac+5 en ressources humaines. Excédée, la jeune femme a décidé de quitter la France pour une destination très lointaine, le Japon, où son voile « ne suscitera pas de réaction ».
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Le phénomène de la fuite des cerveaux musulmans a d’ailleurs inspiré trois sociologues, Julien Talpin, Olivier Esteves, et Alice Picard qui ont publié vendredi dernier un livre au titre évocateur « La France tu l’aimes mais tu la quittes », après avoir réalisé une enquête à travers un échantillon de 1000 personnes et 140 entretiens approfondis. « En tirant dans le tas pour soi-disant réduire l’immigration notamment d’origine musulmane, les extrémistes de tout bord ont fini par cibler tous les musulmans y compris ceux qui sont Français », analyse un chef d’entreprise ayant requis l’anonymat. La perception que l’extrême droite a de l’islam est notamment à l’origine de cette fuite des cerveaux. « L’Islam n’est pas compatible avec la République », répète souvent le polémiste Éric Zemmour, président du parti Reconquête ! « Est-ce qu’il y a une forme d’islam qui est compatible avec la République ? Je veux encore le croire. Parce que si la réponse est non à cette question, cela veut dire qu’il y a 4 à 5 millions de Français musulmans qui n’ont pas la place chez nous », disait l’ancien premier ministre Alain Juppé a posé une question similaire, sur Radio J, quelques jours après l’éclatement de la guerre entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza.
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La fuite des cerveaux musulmans n’est pas sans conséquence pour la France. « Ce départ vers des horizons plus cléments de nos concitoyens musulmans est une perte immense pour la France en termes de talents, de compétences et de contributions », commente Chems-eddine Hafiz, recteur de la grande mosquée de Paris dans un intitulé « ’Quel gâchis ! » Émigration musulmane : le cri d’alarme d’une France en perte de diversité’ », publié sur le site de l’Institution. « Les musulmans sont indubitablement un maillon essentiel de notre société, ayant enrichi, qu’on le reconnaisse ou non, notre histoire, notre culture et notre économie », a-t-il ajouté. Sur X, Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste déplore : « Les discriminations, le racisme sont à l’origine d’un gigantesque gaspillage humain et de perte de talents ». « Il y a une fuite des cerveaux, on se prive de talents », s’alarme dans Le Parisien Mariam Khattab, spécialiste en ressources humaines au cabinet de recrutement Mozaïk RH.