Au Maroc, le nombre de femmes célibataires ne cesse d’accroître, avec pour conséquence la chute du taux de natalité. Quelles en sont les causes ?
France, depuis les premières vagues de migration des Maghrébins dans les années 60, le profil des femmes migrantes a énormément évolué. Plusieurs générations de femmes se sont succédé au cours des cinquante dernières années. Les femmes migrantes représentent 47 % de la population immigrée dans le monde. En France, elles constituent 41,1 % de la population immigrée tunisienne et marocaine, et 39 % des Algériens. Hafida Chekir, maître de conférence à l’université de Tunis et spécialiste de la question, recense trois catégories de femmes migrantes.
Tout d’abord, celles entrées via le regroupement familial. Elles ont rejoint leur mari, travailleur immigré de la première heure. Elles sont nombreuses à être issues de milieux ruraux, venues pour élever leurs enfants, entretenir leur foyer et s’occuper des affaires familiales. Elles ont eu à cœur de veiller au maintien des traditions et au respect des coutumes du pays d’origine.
Ensuite, les femmes seules qui ont immigré pour des raisons économiques, de leur plein gré. Elles sont une entité économique autonome. Venues trouver un emploi ou poursuivre leurs études, elles sont aussi motivées par le désir d’échapper à l’emprise des contraintes culturelles, du religieux ou des problèmes politiques, et elles manifestent un désir d’émancipation par la migration.
Enfin, celles nées en Europe, dans le pays d’accueil. Seconde génération de migrantes, elles continuent à porter les stigmates du déracinement transmis par leurs parents. Souvent de double nationalité, elles ont adopté leurs mœurs et leurs habitudes tout en restant attachées à leurs traditions familiales et sociales : un mélange entre les traditions du pays d’origine et celles du pays d’accueil. Plus que toute autre, elles sont confrontées aux dilemmes qui peuvent les mener jusqu’à des conflits familiaux douloureux.
Des discriminations au quotidien
Ces femmes connaissent des discriminations qui peuvent porter sur l’exercice de la citoyenneté et la vie publique, et sur l’exercice des droits socioprofessionnels. Par exemple, le statut des femmes est pris en considération dans l’octroi du visa de séjour aux femmes puisque sont privilégiées les épouses et les mères qui ont droit au regroupement familial depuis la loi de 1974. Le célibat constitue souvent un frein à l’obtention ou à la régularisation du titre de séjour. Corollaire : le divorce entraîne le non-renouvellement du titre de séjour, plaçant les femmes dans une situation de dépendance vis-à-vis des maris.
Quant aux femmes étrangères non ressortissantes de la Communauté européenne, elles ne peuvent être ni électrices ni éligibles, à l’exception des élections locales ou municipales dans certains pays de l’Union et ceux, contrairement au traité de Maastricht (1992), qui stipulent que le droit de vote aux élections locales leur est accordé si elles séjournent cinq ans au moins dans le pays d’accueil.
Le seul droit qu’elles peuvent exercer pleinement est la liberté d’association. Elles peuvent y adhérer librement ou créer leur propre structure. Elles sont nombreuses, d’ailleurs, à avoir intégré des collectifs de défense des immigrés, des sans-papiers, des sans-logement, etc. Hormis la très médiatique association Ni putes ni soumises, elles sont dans les associations de quartier, dans des associations telles qu’Une chorba pour tous où elles mettent à contribution leurs savoir-faire.
Un rôle économique ignoré Le rôle économique de ces femmes est peu mis en avant. Pourtant, elles contribuent, aussi bien dans le pays d’origine que dans le pays d’accueil, à l’amélioration des conditions de vie. D’après les données de “l’enquête Emploi” de l’Insee, en 2000, les femmes représentaient un tiers des actifs maghrébins en France. Femmes de ménage, assistantes maternelles, auxiliaires de vie…, plus de la moitié des migrantes travaillent dans le service aux personnes ou plus largement dans le secteur des services, permettant ainsi aux familles européennes d’améliorer leur qualité de vie. Dans ces secteurs subsiste encore une forte économie souterraine, avec tout ce qu’elle peut engendrer comme exploitation économique et discriminations.
Elles sont plus actives dans le développement du pays d’origine D’après le Rapport 2006 du Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap), les salaires transférés par les migrantes sont utilisés principalement pour couvrir les besoins quotidiens, les frais de santé et d’éducation. Pour ces analystes, c’est un “schéma qui reflète les priorités des femmes migrantes en matière de dépense”. Elles seraient plus portées que les hommes à investir dans leurs enfants et dans les sociétés traditionnelles. Les hommes tendent à dépenser les salaires rapatriés dans des biens de consommation, par exemple des voitures et des appareils de télévision, ou pour investir dans des biens immobiliers ou du bétail. Toutefois, les femmes n’exercent que peu de contrôle sur la prise de décisions financières, la gestion des avoirs et de la propriété. Ces transferts de salaires auraient encore un plus grand rôle dans la réduction de la pauvreté et le développement si les femmes n’affrontaient pas une discrimination en matière de salaire, d’emploi, de crédit et de propriété, si elles n’étaient pas exclues de la prise de décision au sein de la famille.
Paroles de femmes “Je rêve d’égalité professionnelle, c’est-à-dire à travail égal, salaire égal ; à investissement égal, avancement égal. Et, petite cerise sur le gâteau, ne plus entendre la question : ‘T’es prête à mettre ta carrière en jeu pour avoir des enfants ?’ Pas de sacrifice individuel, mais un effort collectif !” Leila 30 ans, journaliste
“Je voudrais que les hommes mariés portent également le nom de leur femme.” Zoulikha, 29 ans, artiste
Le Courrier de l’Atlas - par Nadia Lamarkbi
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