La Facebookmania au Maroc

25 novembre 2007 - 23h09 - Economie - Ecrit par : L.A

Ils sont plusieurs milliers de Marocains à avoir rejoint les millions d’usagers du site communautaire Facebook. Retour sur un phénomène numérique. “Réda vous a ajouté en tant qu’ami sur Facebook. Voulez-vous confirmer ?” (en anglais dans le texte). Eh oui ! Il a fini par vous retrouver, celui que vous considériez, en maternelle déjà, comme un boulet. Remis de vos émotions, vous vous souvenez vaguement vous être inscrit sur un “Facetruc.com” il y a quelques jours, rejoignant les quelque cinquante millions de membres de la communauté virtuelle.

“Dans l’histoire de l’informatique, il y a eu l’ordinateur personnel, il y a eu Windows, le Web et maintenant il y a Facebook”, a déclaré, sans modestie, l’un des dirigeants du site à la presse américaine. Facebook (l’appellation est l’équivalent de trombinoscope en anglais), c’est un site de partage communautaire. Un site pas bureaucrate pour un sou : en deux clicks trois validations, vous disposez de votre propre page sur le site. Et tout comme pour Myspace ou Youtube, les Marocains ont plongé avec bonheur dans la “Facebookmania”. En quelques semaines, ils sont passés d’une poignée d’utilisateurs à près de 20 000 sur la plateforme communautaire, en comptant les Marocains expatriés. Le principe est simple : Facebook permet à ses utilisateurs d’interagir avec d’autres utilisateurs et de créer un réseau d’amis sans cesse grandissant.

Vive le voyeurisme

Si depuis le 24 mai 2007, le site est ouvert à tous, il n’en a pas toujours été ainsi. “Il fallait absolument détenir une adresse Internet affiliée à une université et se terminant par .edu pour pouvoir s’inscrire sur Facebook”, se souvient Ghizlaine, qui a fait une partie de ses études aux Etats-Unis. Tout a commencé à Harvard, quand deux étudiants, la vingtaine à peine entamée, décidèrent de créer un réseau pour les étudiants de la prestigieuse faculté.

D’abord réservé aux étudiants de la Faculté de droit, le site finit par s’ouvrir aux étudiants des autres universités, parmi lesquels se trouvent quelques Marocains. “Au début, nous étions une poignée d’étudiants marocains expatriés aux Etats-Unis à être inscrits sur le site. Mais depuis que le site est ouvert, il ne se passe pas un jour sans que j’ajoute 4 à 5 amis à mon répertoire de contacts”, ajoute Ghizlaine. Le secret de cet engouement ? “Facebook regroupe les fonctionnalités de plusieurs sites en un seul. C’est en quelque sorte Meetic, Myspace et Copains d’avant réunis”, analyse Abdelhak Bentaleb, consultant spécialisé dans les NTIC.

Traduction : le site communautaire fait office de site de rencontres, de réseau professionnel, de blog, tout en permettant de retrouver ses amis d’enfance. En s’inscrivant, l’internaute décrit son profil, peut mettre en ligne sa photo, préciser son statut matrimonial, sa religion… et même son humeur du jour, avec la possibilité de restreindre l’accès à sa page. Mais ceux-là se font rares. La plupart exhibent fièrement leur vie privée, parfois à grand renfort de photos. “En vérité, le premier attrait de Facebook, c’est de permettre une intrusion voyeuriste dans la vie des gens”, reconnaît cette étudiante casablancaise. Et à chaque modification entrée sur l’espace personnel, vos contacts sont avertis. “Je trouve que c’est un peu trop. On est inondé de mails et de messages en tout genre. Telle personne est en vacances, telle autre a rompu ses fiançailles….”, caricature Bentaleb.

Assiduité virtuelle

Facebook donne également accès à toutes sortes d’applications, surtout ludiques. Villes visitées, connaissances cinématographiques, tests de QI… Des centaines de quiz et de questionnaires sont mis à la disposition des membres du réseau, en échange de l’accès à leurs fiches de contacts. Une autre distraction consiste à rejoindre des groupes ou des “causes”, dédiés à des sujets parfois improbables (lire encadré). “C’est un moyen comme un autre de faire partie de la Toile, et de passer son temps à ne rien faire de très concret. Et plus la cause est débile, plus on s’inscrit”, ironise cet internaute.

La preuve : le groupe des “Fans de Tajine de jelbana bel qoq” a réuni près de 500 personnes, devançant la “Couscous team”, qui n’en compte qu’une vingtaine. Quant à la cause “Pour plus de tolérance des ’Stafite’ envers les jeunes couples marocains”, elle compte plus de 800 supporters ! “Mais dans la plupart des cas, il ne s’agit que de feux de paille, des groupes créés sur un coup de tête et qui cessent rapidement d’être actifs”, analyse cet informaticien qui a suivi le phénomène depuis sa naissance. Pour autant, les “Facebookers” se distinguent par une assiduité virtuelle exceptionnelle. “Au Maroc, on compte à peine quelques dizaines de blogs actifs, alors que les milliers de Marocains inscrits sur Facebook se connectent en moyenne 3 à 4 fois par jour”, affirme Tarik Essaâdi, bloggeur de la première heure et journaliste à emarrakech.info. Bentaleb apporte cependant une nuance de taille : “Facebook est à son apogée, tout comme Myspace ou Mirc l’ont été il y a quelques années. Mais les internautes finiront par se lasser de ce phénomène. Quant aux Marocains, comme d’habitude, ils suivront la tendance”.

Le business aussi…

Mais pour l’heure, la chose n’est pas d’actualité. Car c’est bien la fréquence des visites au niveau international qui a assuré le succès commercial de Facebook. Le géant Microsoft a en effet déboursé quelque 240 millions de dollars pour une participation minoritaire dans le capital (1,6%), ce qui correspond à une évaluation du site de réseaux sociaux à 15 milliards de dollars ! Car si l’inscription au site demeure gratuite, la survie de Facebook passe par la commercialisation des informations recueillies. Les annonceurs ont en effet la possibilité d’analyser le profil de chacun des utilisateurs et de diffuser des publicités ciblées. C’est ainsi qu’en accédant à leur profil, nombre de Marocains ont pu remarquer l’intrusion récente d’une bannière pour l’obtention de Green card américaine, sésame convoité chaque année par des milliers de Marocains. Comme quoi Big Brother a de la suite dans les idées.

Facebook étant un vivier gigantesque de prospects et de clients, des Marocains y ont créé des vitrines de leur marque, histoire d’alimenter le buzz. C’est le cas de certaines enseignes d’habillement comme “Hmar ou bikheer”, ou encore “Gazal”, qui y ont lancé leur groupe de fans. D’autres, restaurateurs ou propriétaires d’établissement nocturnes, y font la promotion des évènements qu’ils organisent. Mais pour l’instant, aucun n’a jugé utile de s’inscrire sur hatebook.com, un site satirique qui est l’antithèse de Facebook. Son slogan ? “The enemies of your enemies are your friends”, (les ennemis de vos ennemis sont vos amis). Allez, vous devez bien en avoir quelques-uns en tête...

Insolite : Des groupes bien de chez nous

Sur Facebook, les groupes créés par des Marocains se suivent mais ne se ressemblent pas. Beaucoup rivalisent dans l’absurde, avec un indéniable sens de l’humour. “L’internationale des Marouquins” a drainé environ 150 membres, tous unis pour la cause maroco-capillaire rousse. Trois cents personnes se sont jointes au groupe “Cotisons pour acheter à Aziz El Berkani une Partner”, dédié au chanteur de raï oujdi cocufié par un rival motorisé. Mais c’est dans les groupes à connotation patriotique que les Marocains se donnent le plus souvent rendez-vous. C’est le cas pour “Touche pas à mon Sahara”, ou encore, le “Groupe de soutien Tanger 2012”. Plus inattendu, “M6, The King of Cool !”, qui a vu le jour il y a quelques semaines, rassemble déjà plusieurs centaines de membres. “Je n’ai pas demandé à être marocain, j’ai juste eu de la chance” regroupe, quant à lui, près de 3000 membres ! Facebook s’est donc bien implanté au Maroc, au point que certains y trouvent à redire. C’est le cas notamment des membres du groupe “À bas les Khorotos sur Facebook”, qui trouvent que le site s’est exagérément démocratisé et n’est plus “suffisamment” élitiste. Mais attention, assurent les créateurs du groupe, c’est “just for fun”, juste pour rire. Heureusement...

TelQuel - Youssef Ziraoui

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