« Je me fiche que le nom soit ‹Mocro Maffia›. Je vois des Albanais avec des passeports italiens, des Nord-Africains qui viennent d’Espagne, des Turcs, des citoyens britanniques, des Hollandais, des Irlandais… c’est l’image parfaite de la collaboration entre toutes les mafias du monde. L’intégration dans le crime est parfaite », fustige Ahmed Aboutaleb, maire de Rotterdam, 62 ans, auprès d’El Paìs. Ce sexagénaire et Ahmed Marcouch, 55 ans, ancien policier et maire d’Arnhem depuis 2017, tous deux nés au Maroc et sociaux-démocrates ont un point en commun : ce sont les deux édiles connus aux Pays-Bas pour avoir tenté de mettre un frein au recrutement de jeunes garçons dans les gangs. À l’opposé du discours plus permissif du maire d’Amsterdam, qui appelle à ouvrir le débat sur la régulation des drogues pour contrer les mafias, ils jouent eux la carte de la fermeté.
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Marcouch a une parfaite connaissance du terrain. « Quand j’étais policier à Amsterdam, on attrapait des trafiquants de 23 à 25 ans… mais aujourd’hui, on voit des jeunes de 12 et 13 ans trafiquer », souligne-t-il. À l’en croire, les communes et les pays ont des frontières, mais le crime organisé n’en a pas. « Et, quand on le qualifie d’organisé, c’est parce qu’il l’est, plus que le gouvernement en matière de lutte contre la criminalité », déplore l’édile d’Arnhem. Son collègue Aboutaleb renchérit : « Depuis 15 ans, le gouvernement néerlandais néglige ce problème, il n’est pas suffisamment prioritaire ». Rotterdam, qu’il dirige est une commune qui gravite autour du plus grand port d’Europe et compte plus de 600 000 habitants. « Je constate aujourd’hui que mes jeunes, les enfants des quartiers les plus vulnérables, sont embauchés par des criminels pour faire leur sale boulot. Nous les appelons les ’soldats de la rue’. Ils sont payés des milliers de dollars s’ils parviennent à transporter de grandes quantités de drogue. C’est pour cela que nous nous sommes mobilisés », ajoute-t-il.
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Un travailleur social connait le mode de recrutement des mafias. « D’abord, ils invitent [un enfant] chez un garçon plus âgé, où ils lui offrent de l’herbe et des jeux vidéo gratuits. Ensuite, ils l’utilisent pour leurs propres affaires : collecte, distribution, pose de bombes, coups de couteau, bagarres », explique-t-il. « Très vite, le changement est visible : ils commencent à porter des vêtements Gucci, des baskets cool, deux téléphones portables, de l’argent liquide. [Quand cela se produit], on sait déjà qu’ils ont été pris [dans une affaire criminelle] », explique Geke Kersten, directrice de l’école Leerpark à Arnhem.
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Face à l’incapacité du gouvernement de venir à bout du trafic de drogues, d’empêcher le recrutement des enfants par les mafias, l’édile d’Arnhem a déployé une myriade d’accompagnateurs de rue et de travailleurs sociaux dans les écoles et les centres-villes, pour connaître les quartiers de fond en comble. Ils peuvent ainsi prévenir les comportements antisociaux et réagir rapidement dès qu’ils en constatent les signes. Pour protéger les jeunes, « il faut lutter [agressivement contre la criminalité], mais il faut aussi investir dans l’éducation, dans les facteurs socio-économiques qui les influencent, pour qu’ils ne finissent pas [dans un mauvais endroit] », recommande Marcouch. De son côté, Aboutaleb essaie de faire bouger les lignes avec ses collègues des grandes villes portuaires comme Anvers et Hambourg. Il s’est rendu dans plusieurs pays d’Amérique latine pour tenter de trouver des solutions. Actuellement, l’édile de Rotterdam mène une initiative auprès de l’Union européenne pour tenter de stopper le trafic dans les pays d’origine de la drogue.