Qui veut la peau de Si Abbas ?

28 mai 2008 - 23h15 - Maroc - Ecrit par : L.A

Cette question taraude nombre d’observateurs politiques qui constatent une sérieuse levée de boucliers dans une partie de la presse nationale ces dernières semaines contre l’actuel Premier ministre. Et ce ne sont pas les dénégations éloquentes et crédibles de M. Fouad Ali Al Himma, exprimées dans l’entretien qu’il vient d’accorder à notre confrère La Gazette du Maroc, à l’occasion de la parution (réussie) de sa nouvelle formule, qui pourront y changer quelque chose.

On relève, en effet, que des quotidiens connus jusque-là pour leur alignement sur les thèses officielles, comme Le Matin du Sahara, par exemple, prennent de plus en plus souvent, dans des éditoriaux virulents, la plume pour stigmatiser M. Abbas Al Fassi en établissant, comme dans l’édition du lundi 19 mai dernier, un parallèle particulièrement déplacé entre le dynamisme réel du Souverain et l’apathie supposée du Premier ministre et de son gouvernement. Mais est-il vraiment approprié d’évaluer l’action gouvernementale à l’aune des activités et responsabilités de SM le Roi, Chef de l’Etat et Père de la Nation ? Le Matin du Sahara, que l’on dit « à l’écoute » de certains cercles proches du Palais, est-il ici en mission commandée ou agit-il en franc-tireur ?

Difficile d’apporter une réponse à cette question, mais force est de constater que le porte-parole de l’establishment politico-institutionnel verse désormais dans la pratique des feuilles de choux, au risque de décrédibiliser l’ensemble de l’information qu’il est destiné à diffuser…

Au risque également d’induire dans l’esprit de certains l’idée d’une « commande ferme » donnée à l’éditorialiste afin de déstabiliser une équipe gouvernementale dont la composition a été, pour la première fois dans l’Histoire moderne du Maroc, conforme à l’esprit, la pratique et la logique des démocraties constitutionnelles pluralistes ! Le Matin serait donc chargé de détruire, quelques mois à peine l’entrée en fonction de cette équipe gouvernementale nommée pour une législature, l’image ainsi construite d’un Maroc respectueux des règles de la démocratie universelle ?

Autrement élaboré, par contre, est l’éditorial de mercredi de notre confrère Abdelmounaïm Dilami, dans l’Economiste, qui, tout en se montrant sévère envers le Premier ministre, adresse au chef de l’Exécutif des reproches sensés et, nous semble-t-il, mérités du fait de sa catastrophique gestion de la question sociale lors du round tripartite d’avril dernier.

On sait que le gouvernement a effectivement accordé de lourds avantages financiers à ses interlocuteurs travaillistes, alors que le syndicalisme marocain se caractérise par des pratiques obsolètes, l’absence de transparence et une sous représentativité à faire pâlir d’envie la pléiade de « hizbicules » qui peuplent encore notre champ politique…

Abbas El Fassi et ses ministres n’ont certainement pas démérité depuis leur arrivée aux affaires. Mais, là où le bât blesse, c’est qu’ils sont dans l’incapacité profonde de traduire en termes communicationnels leur démarche et les acquis qu’elle a pu produire en quelques mois. Manque de charisme, discrétion trop affirmée des uns et des autres, tels sont les principaux reproches que l’on peut adresser au Premier Ministre auxquels s’ajoutent des pratiques anciennes et peu crédibles, comme l’ouverture de polémiques par journaux « affidés » interposés.

Le gouvernement dispose pourtant d’armes aussi performantes que nombreuses pour répondre aux attaques et « répandre sa bonne parole ». N’est-il pas l’ordonnateur de nos deux chaînes de télévision nationale ? N’a-t-il pas, à la tête du ministère de la Communication, un remarquable dialecticien possédant parfaitement l’Arabe et le Français, capable de débattre et d’argumenter grâce à une solide expérience professorale et politique ?

Plutôt que de servir la soupe, par « Hiwar » interposé, à un fieffé malin du nom d’Abdelilah Benkirane, excellent faire valoir du PJD, qui a littéralement « étouffé » le pâle Mustapha Alaoui et ses confrères mardi dernier sur la première chaîne, les décideurs de nos rares débats politiques devraient d’abord songer à proposer à l’opinion publique des programmes destinés à expliquer la conjoncture actuelle, les composantes d’une situation délicate, les enjeux actuels et futurs, le rôle des différentes institutions en charge de la politique nationale.

Cela éviterait, sans doute, au Matin du Sahara de devenir, d’un coup, le premier quotidien officieux d’opposition au Premier Ministre, un rôle qui, objectivement, ne lui sied guère et pour lequel, visiblement, il n’est pas encore très bien préparé…

Source : Nouvelle Tribune - Fahd Yata

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