Pour étayer ses propos, le ministre a passé en revue tous les indicateurs de performance de la filière immobilière. « Au premier semestre 2008, les ventes de ciment ont enregistré une hausse de 14% par rapport au 1er trimestre 2007.
Les encours de crédit ont quant à eux augmenté de 43% et les investissements directs étrangers (IDE) de 63%. Tous les indicateurs sont au vert. Cela prouve que le secteur vit une dynamique depuis plus de 5 ans », affirme M.Hejira.
Il ajoute que les chiffres relatifs à la propriété prouvent nettement la bonne forme de l’immobilier. En effet, 57% des ménages étaient propriétaires de leurs logements en 2004 contre 64% actuellement. « Ce taux atteindra 80% en 2012 », souligne le ministre de l’habitat.
Cependant, il ne nie pas l’existence de facteurs conjoncturels de ralentissement, comme l’augmentation des prix des matières premières et des prestations des entreprises, l’inadéquation entre l’offre et la demande et le ralentissement des acquisitions, particulièrement dans le segment du haut standing.
Le haut standing est saturé
M. Hejira fait remarquer, toutefois, qu’en dépit de ces facteurs de ralentissement, il existe « un côté vert » où l’on retrouve des éléments structurels positifs. Et cela commence par le potentiel de développement du secteur bancaire qui offre beaucoup de possibilités de financement.
Une opinion largement partagée par Noureddine Charkani, DG de Wafa Immobilier (groupe Attijariwafa bank), qui souligne que « près de 31 milliards de DH de plus ont été injectés dans le secteur immobilier cette année ». Les encours de crédits immobiliers, rappelle-t-il à ce sujet, ont progressé de plus de 30% sur les 9 premiers mois de 2008 par rapport à décembre 2007.
Les tenants de la bonne forme du secteur invoquent aussi la forte tendance à la propriété ainsi que le poids de la démographie. En effet, 60% des Marocains ont moins de 30 ans. Le potentiel de la demande est donc énorme.
Toujours pour étayer ses propos concernant l’avenir du secteur, M. Hejira cite la dernière enquête du Haut commissariat au plan (HCP) sur les dépenses des ménages. Il en ressort que les ménages urbains marocains qui dépensent moins de 1 500 DH par mois sont de l’ordre de 5%.
Ceux qui dépensent entre 1500 et 3000 DH constituent 25% alors qu’ils sont 42% à disposer d’un budget compris entre 3000 et 6000 DH et 24% entre 6000 et 15.000 DH. Ceux qui dépensent plus de 15.000 DH par mois ne constituent que 4% de la population.
Selon le ministre, la première grande surprise de ces statistiques concerne l’importance de la classe moyenne qui « ne peut être constituée que par les ménages dépensant entre 3000 et 15.000 DH par mois ».
Et de souligner que la proportion des riches donne déjà un premier élément de réponse concernant le tassement des ventes dans le segment du haut standing. « Etant composé d’une population déjà propriétaire en grande majorité, ce segment offre maintenant peu d’opportunités », analyse le ministre. L’essentiel de la demande se trouve donc dans la « classe moyenne ».
« Sans le programme des logements à 140.000 DH, les 25% de la population qui ne dépensent pas plus de 3000 DH ne pourront pas, calcul à l’appui, devenir propriétaires.
Il est tout à fait impossible pour cette frange d’accéder à un logement qui coûterait ne serait-ce qu’un peu plus de 200.000 DH », explique M. Hejira qui soutient que ces chiffres « montrent que le secteur de l’immobilier dispose encore d’une grande marge de développement ».
Un avis que Youssef Ibn Mansour, président de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers, ne semble pas partager. Car, « s’il est vrai que le secteur de l’immobilier connaît un développement important, il n’en demeure pas moins que l’Etat a changé de stratégie et que le partenariat public/privé se fissure », remarque-t-il. Pour preuve, M. Ibn Mansour souligne qu’aucune entreprise spécialisée dans le logement social n’a signé de convention avec l’Etat en 2008.
« Ce qui posera un grand problème dans les années à venir puisque, comme l’a démontré M.Hejira, près de 60 % des Marocains arrivent sur le marché de l’immobilier et seront d’abord intéressés par ce segment », prédit-il.
Omar Farkhani, président fraîchement réélu à la tête du Conseil de l’ordre des architectes, insiste quant à lui sur la qualité du produit. Il estime qu’il ne suffit pas de produire en quantité et insiste sur la nécessité de normaliser pour bâtir un espace de vie de qualité. M.Farkhani a par ailleurs été le seul intervenant à évoquer le locatif, une composante essentielle d’une bonne politique du secteur immobilier.
D’où « la nécessité d’une réforme du contrat de bail », conclut M. Farkhani.
Au final, le débat, très riche et intense, entre les différents intervenants a permis de dégager un certain nombre de constats qui font pratiquement le consensus : le secteur de l’immobilier n’est certes pas en crise mais il est tout aussi vrai, et tout le monde l’a reconnu, qu’il y a un blocage de taille dû au fait que les acquéreurs potentiels, aujourd’hui, ont de plus en plus de mal à trouver un logement et à l’acheter.
Les promoteurs immobiliers continuent de produire des logements qui, en termes de standing et de prix, ne répondent pas aux attentes de la classe moyenne, alors que cette dernière constitue le plus gros réservoir de clientèle. Le ministre de l’habitat les a encore une fois exhortés à s’intéresser à ce segment.
Source : La vie éco - Naoufal Belghazi