Ils sont quelques 23.000 Marocains sur 26.000 étrangers basés en Corse. Le chiffre représente 10 % de l’ensemble des habitants de l’île estimés à 260.000. De quoi alarmer une population corse en crise identitaire. Depuis le début de l’année, une vingtaine d’attentats par explosif ont visé des biens appartenant à des familles marocaines. Magasins, appartements, entreprises, agences bancaires... rien n’a été épargné. Rien, jusqu’au drapeau marocain du Consulat du Maroc en Corse qui a été enlevé et brûlé au début du mois de juillet.
L’heure est mauvaise pour les Marocains de Corse. Au cours des six premiers mois de l’année 2004, une trentaine d’agressions racistes a été commise en Corse, a annoncé, le vendredi 23 juillet, le procureur général de Bastia, Patrick Lalande. Les Marocains ont été les plus touchés.
Selon des sources judiciaires citées par l’agence française de presse AFP,
“parmi les 30 actes racistes, il y a une très forte majorité d’incendies volontaires de véhicules, ainsi que des plastiquages de voitures, de magasins ou de maisons, mais aussi quelques agressions physiques”.
À noter que les actes comptabilisés sont ceux revendiqués par des groupes racistes. C’est donc sans compter les agressions et violences quotidiennes qui passent sous silence. Croulant sous les menaces, bon nombre de nos compatriotes en Corse n’osent pas se plaindre.
“I Arabi Fora” (les Arabes dehors),
“Terra corsa a i Corsi !” (la terre corse aux corses !). Les murs de Bastia couverts de slogans racistes disent tout de la situation qui prend des formes de plus en plus alarmantes pour les autorités corses, ouvertement menaçantes pour les communautés arabes basées en Corse, à leur tête les plus visibles : les Marocains. Comme si les slogans ne suffisaient pas, les organisations racistes corses mènent une véritable “campagne de communication” quasi-institutionnelle. En pleine psychose chez les uns et indignation chez les autres, l’organisation “Clandestini Corsi” enfonce le clou en envoyant un communiqué daté du 7 juillet aux rédactions corses où elle déclare : “Nous sommes en droit de ne pas accepter ce type de population et les plus réticents seront éliminés physiquement”. Population que le groupe raciste n’hésite pas à qualifier de
“racaille s’enrichissant sur nos terres”.
En 2003, 299 “faits racistes et xénophobes en France
Le dernier rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) confirme la fibre raciste corse. En 2003, 299 “faits racistes et xénophobes (hors antisémitisme)”ont été enregistrés en France. Dans la catégorie des “actions les plus graves” qui sont estimées à 92 faits, 56 ont été commis en Corse contre 36 dans le continent. Militante associative pour
les droits des immigrés en Corse, Vincencini Noëlle a été à la source des tournures scandaleuses que prennent dorénavant les actes de violences contre les Marocains dans son pays. “Depuis 18 ans, nous avons constitué un collectif antiraciste, avec beaucoup de problèmes d’ailleurs, puisque nous avons été attaqués par des groupes racistes corses. Mais avec l’avènement des socialistes au pouvoir qui se sont montrés plus attentifs vis-à-vis de ce qui se passe nous sommes arrivés à rompre le silence”. Le fait que ce type d’agressions devient depuis quelque temps de plus en plus médiatisé ne veut en rien dire que le phénomène est récent. “Il y a plusieurs années déjà, la situation était tout aussi violente. Il y avait énormément d’actes racistes anti-marocains qui se produisaient chaque jour mais qui passaient sous silence (...) Nous avons commencé petit à petit à les alerter en les publiant dans des journaux. À l’époque, on ne leur consacrait que 3 lignes sur 6 pages d’agressions”.
Lamia Bouzbouz - La Gazette du Marpc