Le chantier de la lutte contre la corruption a encore du plomb dans l’aile au Maroc. Mohamed Bachir Rachdi, Président de l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPPLC), ne nie pas l’existence du phénomène. Dans la première édition de la « Lettre de la probité », éditée par cette instance, à l’occasion de la journée nationale de la lutte contre la corruption, célébrée le 6 janvier de chaque année, il affirme que le mal est « en tête des facteurs qui sapent les fondements de l’État de droit et favorisent les différentes formes de privilèges, de clientélisme et de népotisme », rapporte Maroc Diplomatique.
Il faut retourner en 1998, pour relever les nombreuses initiatives anti-corruption lancées, concrétisées par l’adhésion du Maroc à plusieurs conventions internationales, notamment la convention des Nations unies contre la corruption (CNUCC), la convention arabe contre la Corruption (CAAC) et la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption. Plus tard en 2015, le pays procède à l’adoption et la mise en place de plusieurs mécanismes et plans gouvernementaux, dont une « Stratégie nationale anti-corruption » (SNAC) dans le but de renforcer l’arsenal juridique pour la lutte contre la corruption. Mais avant cela, la Constitution de 2011, a mis l’accent sur l’engagement du Maroc dans l’adoption des principes de bonne gouvernance, d’intégrité et de transparence.
Un petit bilan aujourd’hui permet d’affirmer que le mal continue de progresser dans le royaume. Pour mesurer l’impact des actions menées par le Maroc contre la corruption ces 20 dernières années, il faut se référer à une enquête menée par l’Institut Royal des Études stratégiques (IRES). Les conclusions de cette enquête soulignent que la corruption au Maroc s’affirme comme l’un « des principaux obstacles à un vivre-ensemble apaisé ». En réalité, deux décennies plus tard, tous les signaux sont au rouge, prouvant ainsi l’échec patent de la lutte contre le mal. En effet, plusieurs rapports, analyses et enquêtes, nationaux et internationaux, confirment que la corruption s’est implantée dans tous les secteurs d’activité, confortant ainsi son ancrage destructeur. Le Maroc se positionne au 73ᵉ rang mondial (sur 180 pays), dans le classement des pays, selon l’Indice de perception de la corruption (IPC). Le royaume gagne ainsi huit places et trois points par rapport à l’année 2017. Mais en 2019, le pays a reculé de 7 places pour se trouver à nouveau au 80ᵉ rang mondial sur 180 pays, perdant ainsi 2 points et totalisant le score de 41 sur 100.
Une autre étude significative, menée par l’INPPLC intitulée, « situations de la corruption au Maroc : Étude approfondie de l’Indice de perception de la corruption_R.004/2020 », vient confirmer l’ampleur du phénomène. Elle relève que « la position du Maroc, depuis plus de 15 ans, se caractérise par une relative stagnation, avec un classement oscillant entre les 73ᵉ et 90ᵉ positions ». En clair, le pays continue à souffrir de l’ampleur du phénomène de la corruption et de la perception qui l’accompagne. Une récente enquête de Transparency Maroc démontre quant à elle, que « 74 % des Marocains estiment que le gouvernement n’est pas à la hauteur pour enrayer ce fléau ».
« Des efforts indéniables déployés, oui peut-être, mais, les résultats, eux, sont mitigés, relevés par des évolutions en dents de scie dans la plupart des classements internationaux », conclut cette enquête de Transparency Maroc. Et à l’Association marocaine de protection des fonds publics, de préciser que « le phénomène fait perdre au Maroc, annuellement, 5 % de son PIB ». Selon elle, « ce fléau continue donc de remettre en cause l’égalité des chances et celle d’avoir accès aux moyens de produire et d’assurer les conditions d’une meilleure et plus équitable répartition des richesses ».
Avec la crise sanitaire due au Covid-19, le phénomène de la corruption s’est amplifié. Selon Mohamed Bachir Rachdi, Président de l’INPPLC, « le Maroc se trouve aujourd’hui plus que jamais face à de grands défis ». Le royaume « se doit d’opérer les inflexions majeures qui s’imposent, en veillant à accélérer les réformes structurelles, pour créer les conditions favorables au nouveau modèle de développement souhaité ». Aussi, devrait-il faire « de la transparence et de la gouvernance responsable, un socle incontournable pour pouvoir satisfaire les besoins et les attentes légitimes des citoyens ».