La contrebande et la contrefaçon des produits hors normes font rage dans notre pays. Cependant, le code des douanes mis en application depuis septembre 2000, ne prévoit des peines d’emprisonnement que pour les seuls cas de trafic de stupéfiants et de contrebande. Pourtant, plusieurs entreprises continuent de subir le fardeau des charges d’exploitation et la concurrence du secteur informel. Il suffit de faire un tour dans les centres-villes pour se rendre compte de la fragilité de notre économie.
Les étalages de différentes marchandises, parfois impropres à la consommation, n’en finissent pas. D’après les chiffres officiels, la contrebande a fait rapporter aux réseaux de distribution près de 15 milliards de DH en 2002. Elle a représenté 12% des importations du Maroc. Les 15 milliards de la contrebande devraient générer en termes de taxe 7,5 milliards de DH chaque année qui sont donc perçus en moins par l’Etat.
Rien qu’à travers les villes spoliées de Sebta et de Mellilia qui écoulent leurs marchandises à Bab Sebta, la contrebande fait perdre au Maroc 10,5 milliards de DH et 450.000 emplois par an. Ces deux villes représentent un commerce annuel de 23 milliards de DH. Les commerçants espagnols savent bien qu’ils baisseraient le rideau si les contrebandiers marocains s’abstiennent à importer les produits ibériques.
La contrebande du Nord du pays frappe des secteurs aussi divers que les cosmétiques, les pneumatiques, les détergents, les pièces de rechange, les produits agroalimentaires ou l’électroménager. Ces produits sont destinés à alimenter les marchés de l’informel des principales villes du Royaume. Les cigarettes constituent le marché de prédilection de ce genre de trafic illégal.
Près de 8% des consommateurs marocains des cigarettes s’approvisionnent régulièrement sur le marché de la contrebande. Celle-ci engendre un manque à gagner estimé à 700 millions de DH pour la Régie des Tabacs dont 500 millions de DH pour le Trésor public. La moyenne annuelle des saisies de paquets de cigarettes de contrebande est évaluée à 700.000 paquets.
De pauvres passeurs sont utilisés par des réseaux et des professionnels de la fraude. La preuve vient d’être donnée après l’arrestation de ce camion bourré de marchandises de contrebande, aux environs de Moulay Bousselham, province de Kénitra.
Pour ce qui est de la contrefaçon, plusieurs industries et multinationales au Maroc sont confrontées à ce problème qui se manifeste par l’utilisation frauduleuse des emballages des produits, à des fins commerciales. De telles pratiques sont à l’origine de plusieurs préjudices et sont à condamner pour plusieurs raisons.
D’abord, les produits contrefaits touchent à la sécurité du consommateur et peuvent être très dangereux pour sa santé. Ensuite, et d’un point de vue économique, la contrefaçon remet en cause l’image de marque des entreprises productrices et provoque une baisse de leur chiffre d’affaires. A cela s’ajoute le fait que la contrefaçon échappe au système d’imposition ; ce qui constitue un manque à gagner pour l’économie marocaine.
Enfin, d’un point de vue éthique, la contrefaçon peut remettre en cause la crédibilité du commerçant et ses valeurs : dimensions fondamentales dans une relation fournisseur/client. Aujourd’hui, il semble que le gouvernement est décidé à faire partie ce problème de ses priorités. Une loi récemment votée rend les tribunaux de commerce compétents sur la question des contrefaçons. Les décisions prises par les tribunaux semblent avoir eu un effet dissuasif sur les commerçants qui réfléchissent à deux fois avant de proposer des produits contrefaits.
Ainsi et grâce à une politique juridique offensive face aux producteurs et revendeurs de produits d’imitation de la Chemise Lacoste, la marque au crocodile est en passe de mater la contrefaçon au Maroc. La raison : une série de procès intentés par cette marque contre les producteurs et revendeurs de produits contrefaits. Les tribunaux de commerce ont prononcé des décisions très encourageantes pour la société, allant de la confiscation des produits au versement de dommages et intérêts.
A noter que les cargaisons de produits imités viennent essentiellement de l’Asie, de l’Europe et de l’Algérie. La contrebande, elle, est alimentée à partir de Dubaï, de l’Espagne et même, des Etats-Unis. Le phénomène s’est tellement raffiné qu’il est difficile de distinguer la copie de l’original dans le souk. Il arrive même que le consommateur achète une imitation à un prix plus élevé que l’original.
Le phénomène de la contrefaçon se développe de façon catastrophique et les premières victimes sont les clients, les consommateurs et les citoyens qui se font avoir en terme de sécurité et de santé. Il est donc nécessaire de combattre ces deux fléaux qui font fuir les investisseurs, portent atteinte aux opérateurs économiques nationaux et mettent en danger la sécurité économique du pays.
El Mahjoub Rouane pour lematin.ma