Le roi Mohammed VI a adressé mardi 26 septembre une Lettre royale au Chef du gouvernement, annonçant une révision approfondie du Code de la famille (Moudawana), près de 20 ans après celle opérée en 2004.
Le nouveau code de la famille marocain représente une vraie révolution pour les femmes marocaines des deux rives de la Méditerranée, mais son application devrait prendre du temps, selon les participants d’un colloque franco-marocain qui se tient mercredi et jeudi à Rabat.
Près d’un an après l’annonce, par le roi Mohammed VI, d’une réforme fondamentale de la "Moudawana", entrée en vigueur le 9 février, les associations franco-marocaines réunies par le Haut conseil français à l’intégration (HCI) restent enthousiastes mais n’ont pas caché qu’il faudrait du temps pour faire entrer dans les moeurs les nouvelles règles, et critiquent une information insuffisante.
Le nouveau code limite de façon draconienne les possibilités de répudiation de la femme, fait quasiment disparaître la polygamie, et vise également la protection des enfants et le droit de garde de la femme.
"Une grande question demeure, estime Sabine Raczy, rapporteur du HCI et magistrate, comment cette réforme va-t-elle être appliquée devant les tribunaux ?"
Les associations féminines marocaines, qui ont bataillé pour l’adoption de ce nouveau code, concèdent qu’il ne pourra s’appliquer sans tensions. "Nous sommes conscientes du travail qui doit être mené pour changer les mentalités des hommes et même des femmes, et des juges", désormais présents à toutes les étapes de la vie familiale, affirme Zaria Mrini, présidente de l’association Ennakhil pour la femme et l’enfant.
Mais elle voit déjà une évolution positive dans l’augmentation du nombre de femmes osant demander de l’aide dans les "centres d’écoute" mis en place par les associations. "Une barrière psychologique et culturelle est tombée", dit-elle.
Alors que "la place prépondérante donnée au juge fragilise la réforme", selon Yves Rabineau, magistrat français de liaison auprès des autorités judiciaires marocaines, "car les juges, dans le monde entier, sont conservateurs", l’association Ennakhil réclame une présence accrue des associations près des tribunaux, avec un rôle de "médiateur familial".
Présidente du tribunal de première instance de Casablanca, Zhor El Hor compte sur une féminisation des tribunaux, le Maroc comptant 518 femmes juges, soit 18%. "Sortir une nouvelle loi, ce n’est pas difficile, mais changer les mentalités demande beaucoup d’efforts", reconnaît-elle.
Avocate et membre de l’Union de l’action féminine (UAF), une des plus représentatives du mouvement des femmes, Aïcha Loukhmas estime de son côté que "les résistances sont fortes de la part des hommes en général pour ce qui touche surtout la tutelle ou le divorce", et cite des cas de jeunes filles de 18 ans pour qui "le juge a bloqué la procédure de mariage de façon indirecte".
Reste aussi à passer le message en France, où les immigrées "n’ont pas suivi l’évolution en cours au Maroc et sont encore moins informées que les Marocaines", témoigne Fouzia Assouli, présidente de la Ligue démocratique pour les droits des femmes, qui a organisé des "caravanes" jusqu’au fin fond du Maroc, mais aussi, en France, en région lyonnaise avec l’association "Femmes contre les intégrismes".
"Pour une fois, les femmes immigrées étaient étonnées et fières de voir que les Marocaines luttaient pour l’égalité", dit-elle.
Afp - L’intelligent
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