Aux Etats-Unis, elle correspond à peu de choses près, à un citoyen actif pouvant s’acheter une automobile de bas de gamme et un logement qu’il payera pendant qu’il est en activité. La catégorie que l’on appelle là-bas les « power workers », sort de travailleurs pauvres. En France, le débat sur la question fait rage. La sortie de François Hollande, secrétaire général du Parti socialiste, proposant d’augmenter les impôts pour les salaires les plus hauts, a relancé le débat sur la classe moyenne. Au centre duquel la sempiternelle question : qui en fait partie ?
Au Maroc, le débat en est encore à ses balbutiements. A ce jour, aucune étude ne permet de définir de façon assez consensuelle le concept de classe moyenne. Le Haut commissariat au Plan (HCP) renvoie aux différentes enquêtes sur la consommation et dépenses des ménages dont la dernière remonte à 2001. Le croisement des données semble indiquer que ce noyau social central est idéalement situé « aux environs de 68.400 DH de salaire annuel ». Ce que l’Observatoire des conditions de vie de la population du HCP, présidé par Abdelkhader Teto, ne confirme ni n’infirme. Quand bien même, une réponse tranchée ne nous avancerait pas à grand-chose, tant les critères de définition de la classe moyenne vont bien au-delà du revenu ou encore de l’accès aux services et aux équipements sociaux. Alors, peut-on parler de l’existence ou l’émergence d’une classe moyenne au Maroc ?
La réponse de l’universitaire Najib Akesbi, renseigne encore plus sur l’ambiguité de la question. « Je suis tenté de vous faire une réponse de Normand. Peut-être bien que oui, peut-être bien que non ». Sa première option tient du fait que « tout simplement parce que dans une société où il y a une classe de riches, incontestable, il y a forcément une classe de pauvres, et entre les deux il y a une classe moyenne ». Et dans le cas où c’est le non qui l’emporte, c’est aussi simple, « parce que la classe moyenne, évidemment, ce n’est pas la résultante de l’addition d’indicateurs de consommation. Ce n’est pas plus un positionnement en termes de classe, mais c’est avant tout un sentiment d’appartenance selon une culture, une idéologie, des habitudes, des façons de consommer et de vivre ».
La Banque Mondiale relativise encore davantage la définition de la classe moyenne. Son économiste en chef, en charge du Maroc, de l’Algérie et la région Mena, José Lopez Calix, préfère l’acceptation absolue où « la classe moyenne se définit de par le niveau de revenu ».
La définition mondialement retenue, met en avant les spécificités culturelles, basées sur des critères socio-politiques. Le directeur de l’Observatoire français des inégalités, Louis Maurin, lui, aborde le débat au sens sociologique. « La classe moyenne, c’est l’ouvrier en fin de carrière qui a son pavillon, c’est l’instituteur qui débute, c’est l’infirmière, c’est la secrétaire de direction..., des gens qui ne sont pas les plus à plaindre ». Ramenés à l’exemple du Maroc, ils correspondraient à si méprendre à ces ménages qui se font piéger par des courtiers véreux au crédit à la consommation. L’émergence de la société salariale, le « plein-emploi », la fin progressive des rentiers, l’allongement de la vie, la généralisation des assurances sociales et maladies... ont ensemble contribué à « l’élévation du plancher social et à l’abaissement du plafond, entre lesquels une grande classe moyenne a gagné en homogénéité ». La généralisation du Ramed et de l’Amo facilite l’approche-définition de la classe moyenne.
Classe moyenne, un terme ambigu
Dans son livre « Destins de générations », Louis Chauvel, professeur à Sciences Po-Paris, parle de classes moyennes au pluriel. « Classes moyennes » est un terme ambigu qui exige clarification. Dans le monde des sciences sociales, « classes moyennes », fait partie de ces appellations sans origine contrôlée ni définition dont la popularité vient de ce que leur imprécision permet de dire tout et son contraire, plus encore dans un contexte comparatif où les traditions nationales divergent, écrit Chauvel. Il parle de définitions obsolescentes et déstabilisées.
Source : L’Economiste - R. H. & B.T.