Bleu Mogador, cure de jouvence de la musique gnawa

29 février 2008 - 23h06 - Culture - Ecrit par : L.A

Bleu Mogador perpétue et modernise la musique gnawa du Maroc. Invitée à la deuxième édition du Festival mer et désert, qui se tient jusqu’à lundi à Dakhla, la formation, composée de jeunes musiciens d’Essaouira, a enchanté le public par sa générosité et son énergie. Elle nous a raconté son parcours et expliqué les origines de l’envoûtante musique gnawa. Interview.

Ils sont huit. Huit musiciens marocains originaires de la ville d’Essaouira. Le plus jeune a dix-neuf ans, et le plus âgé n’en a que vingt-huit. Ils ont créé le groupe Bleu Mogador en 2004 par amour de la musique et de la tradition gnawa, qu’à l’égal d’autres formations ils modernisent en pratiquant la gnawa fusion. En 2005, ils ont participé au Festival des jeunes talents où trois cent soixante groupes marocains ont été mis en compétition. Lors des éliminatoires, ils sont arrivés à la première place à Essaouira puis à Marrakech. Qualifiés avec 16 autres groupes lors de la phase finale à Rabat, ils ont remporté le premier prix. Une récompense qui leur a permis de participer à de nombreux festivals et de faire une tournée en Tunisie en 2006.

L’année dernière, ils ont publié leur premier album, Zid Fhbalak, et préparent déjà le prochain. Afrik.com les a rencontrés au Festival mer et désert de Dakhla où ils ont joué mercredi soir, et s’est entretenu avec deux de ses membres : Oussama Chtouki (basse), dix-neuf ans, et le leader du groupe, Azeddine Khazragi (chant, gembri, djembé), vingt-deux ans.

Dans un monde de plus en plus mondialisé, où les jeunes sont chaque jour plus nombreux à être séduits par les musiques pop, rock, rap, reggae ou techno, vous avez choisi de jouer de la musique gnawa, très ancrée dans la tradition marocaine. Pourquoi ?

Azeddine Khazragi : J’ai choisi cette musique parce que je l’aime, parce que c’est la musique traditionnelle d’Essaouira où nous vivons, et plus généralement du Maroc. Aujourd’hui, il y a beaucoup de jeunes qui pratiquent ce style. Depuis trois ans, à Essaouira, il y a même un festival de musique gnawa très populaire qui récompense les jeunes talents.

Oussama Chtouki : Tu sais, quand ici tu dis à quelqu’un Essaouira, il te répond : gnawa ! C’est automatique. Cette musique fait vraiment partie de l’identité de notre ville. C’est normal que nous l’aimions.

Au-delà de la tradition et du désir de la perpétuer, qu’est-ce qui vous séduit dans la musique gnawa ? Et qu’est-ce qui, de votre point de vue, plaît tant au public qui était très enthousiaste lors de votre passage sur scène au Festival de Dakhla ?

Azeddine Khazragi : Le gnawa n’est pas une musique normale. C’est une musique de transe. Elle soigne les gens. Quand on fait des soirées traditionnelles, ils passent par sept couleurs représentants sept états différents symbolisés par des couleurs : blanche, verte, bleue, bleue ciel, rouge, noire, jaune. A chaque étape correspond une façon de jouer. Et la musique soigne.

Elle soigne ? Qu’est-ce que vous entendez par là ?

Oussama Chtouki : Oui. Les gens rentrent en transe. On met de l’encens… Et quand ils sont envoûtés, ça les libère. Les psychiatres, eux, ne parlent pas d’envoûtements, mais de problèmes psychologiques.

D’où vient cette musique et ces pratiques qui lui sont associées ?

Azeddine Khazragi : En fait, leurs origines sont en Afrique noire. Le gnawa est venu avec les esclaves qui ont été amenés au Maroc il y a plusieurs siècles par les caravanes. A Essaouira, il y a deux grandes familles originaires du Soudan et de la Guinée qui sont les dépositaires de cette tradition.

Et comment y avez-vous été initiés ?

Azeddine Khazragi : Essaouira, c’est tout petit. Les gnawa font beaucoup de soirées. Je les ai écoutés et je me suis lancé. Mais, en général, les musiciens ont des maîtres. Moi, je préfère ne pas être sous l’aile d’un maître parce que quand on rentre dans cette initiation, on peut partir très loin…

La musique que vous jouez n’est pas du gnawa traditionnel, mais du
gnawa fusion. Quelle est la différence ?

Azeddine Khazragi : Dans le gnawa traditionnel, l’on ne se sert que du gembri (instrument à corde), des castagnettes et du chant. Tandis que dans le style que nous pratiquons, qui est plus moderne, nous avons intégré d’autres instruments comme le clavier, le violon, la batterie…

Oussama Chtouki : Le gnawa, c’est comme le jazz et le blues. C’est une musique très ouverte, qui permet l’improvisation et des évolutions. Une histoire similaire – l’esclavage, l’exil – a créé une musique très proche du blues noir américain.

Source : Afrik.com - Franck Salin

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