
Le gouvernement marocain s’apprête à modifier le Code de la famille ou Moudawana pour promouvoir une égalité entre l’homme et la femme et davantage garantir les droits des femmes et des enfants.
Une Belgo-Marocaine de 51 ans, Mme Benrouijel, de Molenbeek, demande l’aide du Maroc et des médias marocains. Sa fille Suhad, dont le vrai prénom a sans doute été modifié, doit avoir à présent 28 ans. Au tout début de l’année 1980, Suhad, encore bébé, lui a été volé. Ahfida Benrouijel, qui était dans la détresse, orpheline à 6 ans, et fille mère, fait étalage de circonstances liées à l’état d’alors de la société marocaine qui a bien évolué en un quart de siècle. En attendant, sa vie est souffrance.
Ahfida Benrouijel n’obtient pas l’aide de la police de Meknès. Elle pense à cette jeune femme sûrement jolie qui a grandi, a fait des études, s’est épanouie, a fondé une famille, trouvé un bon métier, mais ignore qu’à 2.000 km, sa mère n’oublie pas, n’a jamais oublié et ne l’oubliera jamais.
Victime d’une situation personnelle difficile, abusée par une voleuse, une femme en manque d’enfant ou une femme empêchée par la suite de tenir ses promesses, sa mère, à Bruxelles, poursuit les recherches. Pour cette dernière, le Maroc a le devoir de l’aider. Elle n’a pas abandonné son bébé. C’est très différent : son enfant lui a été volé.
La date du vol du bébé ? Début 1980, l’été au plus tard. Suhad devait avoir 7 mois, peut-être un peu plus. Ahfida se souvient qu’"il faisait beau mais au Maroc il fait toujours beau".
En tout cas après le 7 janvier 1980, date de la dernière photo de sa fille, prise à Meknès, qu’Ahfida conserve. Le père, Ahmed, refusait de l’aider et ne voulait plus la voir. Il lui avait caché qu’il était marié et avait déjà des enfants. La Belgo-Marocaine l’a retrouvé au Maroc et lui a demandé de l’aider à retrouver leur fille. Ahmed n’a pas changé d’avis ; ça ne l’intéresse pas. À Bruxelles, en revanche, Ahfida voit les psychiatres.
L’acte de naissance espagnol (Suhad, en effet, est née dans l’enclave de Sebta) certifie la naissance du bébé le 20 juin 1979. Le document (notice 82.81.17, timbre fiscal 816150) du ministerio de justicia, registro civiles, porte la signature du fonctionnaire responsable, M. Mariano Valriberas Trujillo.
Jusqu’en janvier 1980, quelques photos usées montrent le bébé dans les bras de son père, de sa mère, au biberon, dans la camionnette du papa tournée vers Gibraltar au loin, devant l’hôtel La Muralla (qui existe toujours plaza Virgen de Africa), devant un bâtiment administratif, le cuartel general de la Comandacia de Sebta ; emmitouflée dans un tricot avec le dessin de Bambi, coiffée d’une cagoule de laine blanche un jour de fraîcheur : un bébé magnifique.
Et aimé, ça se voit : Ahfida devait toucher le fond du trou, et encore plus bas, quand elle l’a confiée à une inconnue.
Désemparée, trahie, sans moyens et rejetée comme les filles mères de ces années-là qui fautaient , Ahfida, 22 ans, pensait tenter sa chance en Europe.
On imagine la scène : à Meknès, Ahfida en pleurs sur un banc, la petite dans les bras, et cette inconnue tombée du ciel qui s’intéresse à elles avec bonté, sincérité, inspire confiance, promet d’attendre son retour, de s’occuper du bébé comme si c’était le sien.
Déchirement. En 2008, Ahfida n’a pas oublié. "Ma fille tendait ses bras pour s’accrocher à moi. Je n’ai jamais eu aussi mal. J’ai déposé Suhad dans les bras de cette dame, persuadée que c’était la seule solution."
Naïveté, dira-t-on. Solitude, détresse, insuffisance des institutions ! Depuis 28 ans, Ahfida ne se pardonne pas. Dès que les moyens le lui ont permis, elle a fait la route inverse Bruxelles-Meknès. Le nom, le téléphone et l’adresse à Casablanca que la dame lui avait donnés : tout était faux.
À Bruxelles où la communauté est si importante, les anciens disent que les autorités marocaines et les médias ne peuvent garder les bras croisés. Qu’en sera-t-il ?
Source : La Dernière Heure - Gilbert Dupont
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