Belgique : Immigration, les enfants de la chance ?

16 février 2004 - 11h43 - Belgique - Ecrit par :

Il n’y aura plus de « retour
au pays » des immigrés d’origine marocaine, dit la sociologue Nouria Ouali (ULB) (1).
En 40 ans de présence, leur situation s’est fort diversifiée.

D’après vos recherches, peut-on dire que l’ascenseur social ai fonctionné pour les enfants de l’immigration ?

Très partiellement. Beaucoup de jeunes de la troisième génération disposent d’un faible niveau de qualifications et sont au chômage. Sinon, d’une certaine manière, ils sont restés au niveau de leurs parents : précarité des contrats, bas salaires, tâches d’exécution et conditions de travail pénible. Certains parviennent toutefois à faire des études supérieures, mais ils se heurtent alors à de la discrimination. Par ailleurs, ils partent avec un handicap puisqu’ils ne jouissent pas d’un réseau social qui leur permet d’accéder plus facilement à un emploi. Bon an, mal an, le niveau de vie s’est certes élevé, mais il est frappant de constater que les jeunes générations sont encore souvent à charge des parents arrivés en Belgique en 1964.

Qu’en est-il des filles ?

Leur niveau d’instruction a indéniablement augmenté, principalement en raison de l’obligation scolaire. A titre de comparaison, une étude de 1991 indiquait que 85 pc des mères marocaines de la première génération étaient analphabètes ou presque. Un taux que l’on retrouve dans certaines zones rurales du Maroc. Reste que les filles se retrouvent encore souvent confinées dans l’enseignement professionnel et elles se limitent encore au strict minimum d’obligation scolaire.

C’est un tableau plutôt noir...

Il serait réducteur d’apporter une réponse tranchée à la question de l’intégration, elle ne peut-être que nuancée et complexe. Ainsi, sur un plan positif, il faut souligner l’émergence -même si encore limitée- d’une élite politique et féminine de surcroît. Certains sont parvenus à se frayer un chemin dans les sphères médiatiques, politiques ou encore artistiques, ce qui contribue à renvoyer une image plus positive des populations maghrébines. Le taux de naturalisation des Marocains de Belgique -60 pc, l’un des plus massif- est à mettre à l’actif d’une intégration réussie. Cela se traduit, par exemple, dans le rapport à la mort. Beaucoup de parents ne veulent plus spécialement être enterrés « au pays ». La mixité, le mélange, des populations commencent tout doucement à s’opérer ; selon une enquête menée auprès des femmes marocaines, un mariage de Marocaine sur cinq est conclu avec un Belge.

Et pour les aspects plus négatifs ?

De manière générale, la mobilité sociale reste un gros problème. Les discriminations -et surtout celle à l’embauche- favorisent malheureusement le repli communautaire, les radicalisations identitaires. Il n’y a rien à faire, la frustration demeure le terreau le plus fertile pour les prédicateurs en tous genres. Cela étant, je pense toutefois que l’immigration marocaine est arrivée à un tournant : on assiste à une forme de stabilisation et à des revendications. Le problème n’est pas d’avoir un cahier de revendications -ce qui démontre plutôt une étape supplémentaire dans le désir d’intégration- mais bien d’y être à l’écoute. Les jeunes filles qui portent le voile et se disent musulmanes, s’affirment aussi comme citoyennes. Elles veulent s’inscrire dans cette société et jouir des mêmes droits. Les politiques d’« aides au retour » ont été des échecs, il va falloir apprendre à se parler. Je crois qu’il ne faut pas mélanger l’« invisibilisation » d’une communauté d’immigrés avec son intégration. Quand elle commence à écrire son histoire, c’est qu’elle est arrivée à un point crucial.

(1) « Trajectoires et dynamiques migratoires de l’immigration marocaine de Belgique » - Editions Academia-Bruylant.

La Libre Belgique

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Belgique - Immigration - Enfant

Aller plus loin

Belgique : vers le durcissement de la loi sur le regroupement familial ?

Si la proposition de loi de Theo Francken, ex-Secrétaire d’État à l’Asile, et de ses collègues de la N-VA venait à être adoptée, le regroupement familial serait beaucoup plus...

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : une sortie en voiture vire au drame

Une sortie en famille qui finit en tragédie. Deux sœurs de 19 et 10 ans sont mortes noyées samedi dans le barrage de Smir près de la ville de M’diq, après que l’aînée, qui venait d’avoir son permis de conduire, a demandé à ses parents à faire un tour...

Au Maroc, les élèves fêtent la fin d’année scolaire en déchirant leurs cahiers

Au Maroc, des scènes des élèves déchirant leurs cahiers et livres pour annoncer la fin de l’année scolaire, se sont reproduites.

Maroc : une école mise en vente avec ses élèves ?

Au Maroc, un agent immobilier se retrouve malgré lui au cœur d’une polémique après avoir publié une annonce de vente d’une école privée en incluant les élèves.

Maroc : risque d’augmentation des mariages de mineures après le séisme

Le séisme survenu dans la province d’Al Haouz vendredi 8 septembre pourrait entrainer une multiplication des mariages de mineures, craignent les femmes sinistrées dormant désormais avec leurs filles sous des tentes dans des camps.

Ouverture exceptionnelle de la frontière entre le Maroc et l’Algérie

La frontière entre l’Algérie et le Maroc a été exceptionnellement ouverte cette semaine pour permettre de rapatrier le corps d’un jeune migrant marocain de 28 ans, décédé par noyade en Algérie.

Vers une révolution des droits des femmes au Maroc ?

Le gouvernement marocain s’apprête à modifier le Code de la famille ou Moudawana pour promouvoir une égalité entre l’homme et la femme et davantage garantir les droits des femmes et des enfants.

Maroc : un ancien diplomate accusé de prostitution de mineures risque gros

L’association Matkich Waldi (Touche pas à mon enfant) demande à la justice de condamner à des « peines maximales » un ancien ambassadeur marocain, poursuivi pour prostitution de mineures.

Maroc : les femmes divorcées réclament des droits

Au Maroc, les appels à la réforme du Code de la famille (Moudawana) continuent. Une association milite pour que la tutelle légale des enfants, qui actuellement revient de droit au père, soit également accordée aux femmes en cas de divorce.

La justice espagnole sépare une famille marocaine : Nasser Bourita réagit

Suite à la décision de la justice espagnole de retirer la garde des enfants à une famille marocaine établie dans le nord du pays, le ministère des Affaires étrangères a tenu à commenter cette décision et fournir quelques détails.

Éric Ciotti (Les Républicains) en visite au Maroc

Une délégation du parti Les Républicains, menée par Éric Ciotti, a annoncé sa visite au Maroc du 3 au 5 mai prochains dans le but de poursuivre « une relation de fraternité et de responsabilité » avec le royaume.