Le Maroc attire plus que jamais les investissements étrangers. En témoigne le dernier rapport publié par l’Office des Changes.
La Lettre mensuelle du Centre marocain de conjoncture (CMC), à paraître la semaine prochaine, consacre une large enquête à l’investissement des MRE dont les transferts ont atteint 57 milliards de DH à fin décembre 2007. Une manne considérable pour l’économie marocaine quand on sait que les investissements directs étrangers sont estimés à 31,3 milliards de DH contre 28,8 en 2006. Mais, selon les experts du CMC, l’impact de ces transferts sur l’économie nationale demeure insignifiant, « du fait du faible niveau de l’investissement productif par rapport à celui du pays d’accueil ».
Seuls 14% des projets MRE ont nécessité un investissement supérieur à 5 millions de DH. L’enquête du CMC fonde ses conclusions sur des constats de terrain. Elle affirme sans ambages que les investissements MRE sont généralement peu créateurs d’emplois et inégalement répartis sur le territoire. L’immobilier et le commerce absorbent l’essentiel des transferts.
D’ailleurs, l’Etat est bien conscient de cette situation et les enjeux que cachent ces investissements. En attestent les différentes politiques et stratégies mises en place pour inciter et accompagner les MRE.
Ailleurs, comme tout au Maroc, diverses tentatives sont menées pour maximiser la contribution des immigrés au développement économique de leur pays et région d’origine. Tentatives presque vaines aux yeux des enquêteurs du CMC pour qui l’Etat doit d’abord faire le nécessaire en termes d’investissement public dans les régions déficitaires en infrastructures de base. Une des conditions sine qua non « pour attirer l’investissement privé vers ces régions ».
De plus, pour lutter contre les transferts informels et favoriser l’accès au crédit des MRE les moins lotis, « il faudra améliorer le maillage bancaire et le dispositif d’incitations à l’investissement en général », insiste l’enquête du CMC. Pour cela, l’accent doit être mis, une fois encore, sur les régions sous-équipées, qui sont le plus souvent des foyers à fort taux d’émigration. Sans quoi, mettent en garde les experts du Centre, « les entrepreneurs continueront d’investir dans les régions les plus riches, possédant une forte capacité d’absorption des investissements, et cela au détriment des régions structurellement plus faibles ». Le phénomène est répandu. A noter toutefois l’importance de l’effort d’investissement public entrepris dans le domaine des infrastructures.
Le montant cumulé des dépenses d’investissement brut s’est élevé à 79,5 milliards de DH en 2006 dont 61,9 milliards, la contribution du secteur public. Ce montant était de 55,1 milliards de DH en 2005. La contribution des entreprises publiques à l’investissement national a atteint 40,9 milliards de DH en 2006, en hausse de 27% relativement à 2005. Si rapportées à la formation brute du capital fixe, les dépenses d’investissement du secteur public engagées en 2006 interviennent pour 37,5%, rien n’indique leur ventilation géographique.
D’ailleurs, l’enquête du CMC insiste sur la compétitivité des territoires. Une problématique perçue comme une priorité dans le contexte actuel. D’abord, « du fait du désarmement douanier, les projections disponibles laissent prévoir des impacts économiques et sociaux lourds à supporter ». Ensuite, persistent les enquêteurs, « du fait aussi de la nécessaire restructuration et repositionnement du secteur industriel ». Auquel cas, les coûts de réallocation d’activités, liés à la nouvelle structure compétitive, seront importants et viendront s’ajouter aux forts investissements en matière d’infrastructures et d’équipements. Ce qui, selon eux, doit se traduire par une nouvelle approche du rôle de l’Etat. Lequel « doit assumer à la fois les fonctions stratégiques de régulation et celles d’arbitrages ». La tendance étant de plus en plus au recours au cadre contractuel. Autrement dit, l’approche aménagement du territoire doit être érigée en priorité politique.
Quelles retombées des IDE sur les entreprises locales ?
Par ailleurs, la Lettre du CMC consacre la deuxième partie de son enquête aux investissements directs étrangers (IDE) dans la restructuration de l’économie. Là-dessus, le travail des experts part d’un constat, considérant cette restructuration comme l’un des éléments centraux du processus de réforme au Maroc et de sa transition vers un système économique plus ouvert. Cependant, « la transition ne peut se réduire à une création destructrice dans le sens de l’émergence de nouvelles entreprises qui aurait largement compensé la disparition des entreprises de l’ancien système », préviennent-ils. Prise dans le contexte de la mise en œuvre des accords de libre-échange, « l’évaluation de l’intensité de la restructuration industrielle, engagée depuis le début du processus de réformes, apparaît comme essentielle ». Mais dans ce contexte de restructuration de l’économie, les enquêteurs du CMC s’interrogent sur les réelles retombées des IDE sur les entreprises locales.
Reste à espérer que leur suggestion aux pouvoirs publics d’ »élaborer un dispositif statistique d’observation, de suivi et d’analyse du phénomène de l’investissement au Maroc », ne tombe dans l’oreille d’un sourd.
Un investissement presque sûr
Une enquête régionale portant sur les migrants de retour, réalisée en 2004, montre que seuls 28% d’entre eux réalisent un ou plusieurs projets productifs au Maroc. Par ailleurs, l’étude de la Fondation Hassan II confirme aussi la prépondérance des petits projets chez les MRE. Près de 40% des projets ont coûté moins de 500.000 DH et les projets dont l’investissement est supérieur à 5 millions de DH ne représentent que 14%. A noter que les petits projets sont majoritairement dans le secteur agricole et commercial…un investissement sûr.
Source : L’Economiste - Bachir Thiam
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