Une juge allemande s’inspire du Coran pour excuser un mari violent

27 mars 2007 - 00h08 - Monde - Ecrit par : L.A

Une juge de Francfort qui avait fait référence au Coran dans une procédure de divorce a provoqué une tempête politique et médiatique en Allemagne.

A l’origine de ce scandale, une demande de divorce, déposée par une jeune femme de 26 ans, originaire du Maroc et victime de violences conjugales. Terrorisée par son mari marocain, la jeune femme avait réclamé une accélération de la procédure. Le 12 janvier 2007, la juge familiale a rejeté cette demande en invoquant "l’exercice du droit au châtiment" dans le Coran : "Et quant à celles dont vous craignez la désobéissance, exhortez-les, éloignez-vous d’elles dans leurs lits et frappez-les." Accusée de partialité par l’avocate de la plaignante, la juge précise ses arguments dans un courrier envoyé le 8 février 2007 : "Dans ce milieu culturel (des deux époux), il n’est pas inhabituel qu’un homme exerce le droit de châtier sa femme." L’affaire révélée mercredi 21 mars par la presse allemande a obligé le tribunal à dessaisir la magistrate de ce dossier et à lancer une enquête interne.

L’ensemble des partis politiques, les associations de droits des femmes et les organisations musulmanes ont dénoncé unanimement le comportement "insupportable" et "absurde" de la magistrate. "Si le Coran est placé au-dessus de la Loi fondamentale, je ne peux que dire : bonne nuit l’Allemagne", a réagi Ronald Pofalla, secrétaire général de la CDU dans le Bild Zeitung. "La Loi fondamentale s’applique pour chaque personne indépendamment du fait qu’elle soit musulmane, chrétienne, bouddhiste ou athée", a renchéri Günther Beckstein (CSU), ministre de l’intérieur en Bavière. Les organisations musulmanes sont également montées au créneau : "Le châtiment corporel d’une femme par son mari n’est pas couvert par l’islam", a souligné le président du conseil de l’islam, Ali Kizilkaa.

"Clémence"

Si la ministre fédérale de la justice, Brigitte Zypries (SPD), affirme qu’il s’agit d’un cas isolé, beaucoup voient dans ce scandale l’illustration d’une tendance dangereuse au relativisme culturel. Selon les associations de défense des droits des femmes, cette histoire fait écho à certains verdicts prononcés dans des affaires de "crimes d’honneur" et jugés trop cléments. "Notre système de droit est systématiquement noyauté depuis longtemps par les forces islamistes", affirme Alice Schwarzer, militante féministe dans un entretien avec le site en ligne du Spiegel. "En droit pénal, les juges ont parfois tendance à évaluer les actes de coupables musulmans avec plus de clémence", souligne Jutta Wagner, la présidente de la fédération des femmes juristes. Un phénomène qui inquiète également certains représentants politiques. "Je crains depuis longtemps que nous remettions en cause de manière insidieuse notre propre conception du droit et des valeurs", observe Wolfgang Bosbach, député CDU sur le site en ligne du Spiegel.

Le pays a encore en mémoire l’histoire de Hatun Sürücü, une jeune Turque victime d’un "crime d’honneur" en février 2005. Elle avait été abattue de trois balles dans la tête à Berlin par l’un de ses frères. L’acquittement des deux autres frères, soupçonnés d’avoir co-organisé le meurtre, et le verdict - neuf ans et trois mois de prison - contre l’accusé principal, jugé généralement "trop clément", avaient déjà provoqué un scandale au printemps 2006. De plus, la Cour fédérale de justice avait cassé en 2004 le jugement d’un tribunal de Francfort qui avait condamné un Kurde pour simple homicide volontaire alors qu’il avait tué sa femme, qui souhaitait le quitter, de 48 coups de couteau. Le tribunal avait considéré qu’en raison de "ses valeurs de l’Anatolie", il n’était pas conscient de la bassesse de son mobile. Au final, "ce scandale provoqué par la juge de Francfort va permettre de clarifier le débat sur l’intégration en montrant que le relativisme culturel ne mène nulle part et que celui qui vit en Allemagne doit respecter notre loi fondamentale", résume le député SPD, Dieter Wiefelspütz.

Le Monde - Cécile Calla

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Allemagne - Religion - Droits et Justice

Ces articles devraient vous intéresser :

Vers une annulation de l’Aïd al-Adha au Maroc ?

L’inquiétude des Marocains enfle quant au maintien ou non de la célébration de l’Aïd al-adha cette année. Le gouvernement, de son côté, attend les résultats du recensement du cheptel national pour prendre une décision.

Les écoles françaises au Maroc contraintes d’autoriser le voile ?

Sous la pression, les écoles de la Mission française au Maroc ont finalement dû adopter une nouvelle politique : le voile, auparavant strictement interdit, est désormais autorisé pour les étudiantes.

Maroc : « Marée » de déchets après les iftars sur les plages

Les associations de défense de l’environnement dénoncent le non-respect des règles environnementales par certaines familles qui laissent d’importantes quantités de déchets sur les plages après y avoir rompu le jeûne pendant le mois de Ramadan.

« Tu mourras dans la douleur » : des féministes marocaines menacées de mort

Au Maroc, plusieurs féministes, dont des journalistes et des artistes, font l’objet d’intimidations et de menaces de mort sur les réseaux sociaux, après avoir appelé à plus d’égalité entre l’homme et la femme dans le cadre de la réforme du Code de la...

L’Aïd al-Adha 2025 au Maroc en péril

Au Maroc, le cheptel local a été fortement impacté par sept années de sécheresse au point où la célébration de l’Aïd al-adha 2025 est menacée.

Sentiment d’insécurité au Maroc : un écart avec les statistiques officielles ?

Au Maroc, la criminalité sous toutes ses formes est maitrisée, assure le ministère de l’Intérieur dans un récent rapport.

Le Maroc passe à l’heure du Ramadan

Le dimanche 23 février à 3 heures du matin, le Maroc repassera à l’heure légale (GMT) en retardant l’heure de 60 minutes, a annoncé le ministère de la Transition numérique et de la Réforme de l’administration. Ce changement intervient, comme chaque...

Équipe de France de football : le Ramadan sous surveillance ?

La question de la pratique du jeûne du Ramadan chez les joueurs de l’équipe de France a parfois suscité une certaine controverse. L’année dernière, le président de la Fédération française de Football (FFF), Philippe Diallo, avait assuré qu’aucune...

Le Maroc envoie ses imams en France

La Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger mobilise 272 prédicateurs dans 13 pays étrangers, dans le cadre du Ramadan 2025. Objectif, aider ces Marocains de la diaspora à préparer et vivre le mois sacré dans de bonnes conditions.

Les Marocains fêteront-ils l’Aid Al-Adha cette année ?

Abderrahmane Mejdoubi, président de l’Association nationale des éleveurs d’ovins et de caprins (ANOC), dément les rumeurs selon lesquelles le cheptel national en ovins et caprins serait « très en deçà » de la demande pour l’Aïd Al-Adha 2025.