
Le Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ) a réussi à déjouer un plan terroriste dangereux visant le Maroc, commandité par un haut dirigeant de Daech dans la région du Sahel.
Yasmine Alloul est Québécoise, Marocaine, musulmane et libérale. Née et élevée à Québec, la jeune femme de 32 ans est gestionnaire à la Société de transports de Montréal. Comme tous les Québécois, elle a été surprise d’apprendre qu’un présumé terroriste avait été arrêté à Maskinongé. Et comme tous les Marocains du Québec, elle a été bouleversée d’apprendre que le suspect était Marocain : « Le fait qu’on ait arrêté un présumé terroriste à Maskinongé, ça va mettre de l’huile sur le feu. Les gens vont avoir encore plus peur des immigrants, surtout des Maghrébins et des musulmans », a-t-elle raconté hier, dans les coulisses du congrès libéral, à Montréal.
Pourtant, les Québécois ne sont pas seuls à vivre cette crainte. « J’étais au Maroc, il y a deux semaines. Mais au Maroc aussi, si on apprend qu’il y a un présumé terroriste de l’autre bord de la rue, le monde va avoir peur. » Mais c’est au Québec que les musulmans d’ici subissent les effets pervers de cette peur.
Yasmine Alloul a été candidate pour Jean Charest dans Rosemont, aux dernières élections. Elle ne croit pas répéter l’expérience. « Je ne sais pas, j’ai trouvé ça difficile la dernière fois, le fait qu’on ne me reconnaissait pas comme Québécoise, je l’ai mal pris. J’ai eu beau expliquer que j’étais née ici, j’ai eu beaucoup de vandalisme, et il y a des gens qui sont venus à mon local pour me dire qu’on donnait l’impression de manquer de Québécois en prenant quelqu’un de l’extérieur. »
Elle a tout de même recueilli environ 10 000 voix le soir du scrutin, derrière Rita Dionne-Marsolais, qui en a eu 14 000. « Si je ne m’appelais pas Yasmine Alloul, ça aurait fait une grosse différence », avance-t-elle, avec une pointe regret dans la voix.
Malgré tout, elle continue de militer chez les libéraux, parce qu’elle a la conviction que c’est la meilleure façon de montrer aux Québécois que les minorités ethniques font leur part dans la société.
Ils ne sont pas nombreux, chez les musulmans, à suivre son exemple et celui de la députée Fatima Houda-Pepin. « Il y a très peu de musulmans qui militent tout court, en politique. Parce que la plupart des musulmans viennent de pays désabusés de la politique. Il y a eu des élections au Maroc, vendredi dernier. Seulement 34 % des gens sont allés voter. »
Sur le plan personnel, Yasmine espère que les enfants qu’elle aura un jour conserveront la culture et la religion de leurs parents. Mais elle reconnaît que cette identité cause des problèmes.
« Quand on va aux États-Unis, mon mari doit acheter une passe spéciale même s’il est citoyen canadien, parce qu’il est né au Maroc. Ils nous ont dit, à la frontière, qu’il avait un profil terroriste, à cause de son âge, de sa formation. Donc, à chaque fois qu’on va aux États-Unis, on doit aller à la frontière, se soumettre à un interrogatoire, payer une passe spéciale, et quand on revient des États-Unis, il doit aller les prévenir. Mon mari ne veut plus aller aux États-Unis. Il n’a jamais rien fait. Il est venu ici, a étudié ici, et il est informaticien. Alors lui, ça le dérange beaucoup. »
Toute la famille vit les effets de cette peur collective. « La sœur de ma mère habite à Matane, ses enfants sont nés à Matane. Ils n’ont jamais vécu aucun problème de race jusqu’à ce que l’histoire des accommodements raisonnables commence. » Cette controverse, selon elle, a eu plus d’impact pour les musulmans du Québec que les événements du 11 septembre 2001.
Vendredi soir, Jean Charest a raconté une visite récente dans une école multiethnique de Sherbrooke. « La différence (ethnique) que l’on voyait avec nos yeux d’adultes, les enfants ne la voyaient pas, a-t-il déclaré. Nous avons le choix du regard que nous jetons sur la société. »
Yasmine Alloul a applaudi à cet appel à la tolérance. Mais dans son quotidien, ce sont des regards d’adultes et non pas d’enfants qu’elle croise et qui lui font encore subir sa différence, même si elle ne porte pas le voile et qu’elle est aussi Québécoise que « nous ».
Peut-on être à la fois Québécois et musulman ? Oui, répond Yasmine Alloul. Son Québec ne lui a pas encore donné une réponse aussi catégorique.
Le Soleil - Gilbert Lavoie
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