Dans sa Lettre mensuelle qui vient de paraître, le CMC indique que ces chiffres ne traduisent pas la totalité des montants rapatriés. « La valeur des transferts est probablement plus élevée dans la mesure où une grande partie des flux ne transite pas par les canaux officiels ». Une étude de l’Observatoire des MRE de la Fondation Hassan II estime à près de 20 milliards de DH le montant des transferts effectués lors de séjours au Maroc. De manière générale, la problématique liée aux transferts d’argent des populations émigrées est au cœur des stratégies politiques des pays d’origine. Il y a de quoi, disent les observateurs. « Les travailleurs migrants ont envoyé vers les pays en développement, dont ils sont originaires, plus de 300 milliards de dollars à fin 2006 », soit près de 2.300 milliards de DH dont 5 milliards de dollars (plus de 38 milliards de DH) au Maroc, selon la Banque interaméricaine de développement.
Néanmoins, les experts du CMC ont réussi à mettre le doigt sur le côté pervers de cette manne. « Ces transferts peuvent avoir des effets négatifs sur la compétitivité ». Car, bien plus que les avantages qu’offrent ces transferts, notamment le financement du déficit de la balance commerciale ou encore l’apport en devises, « ils peuvent accroître les prix sans augmenter la productivité d’un pays, si celui-ci n’a pas les capacités suffisantes en termes d’infrastructures et de marchés pour absorber le capital entrant », relève l’enquête. Etant entendu que, pour ces auteurs, l’impact des transferts sur le développement économique dépend de l’utilisation des capitaux, particulièrement de la part destinée à accroître les capacités de production d’un pays (investissement productif).
Ce qui ne semble pas être le cas. Si l’on en croit le CMC, qui base sa démonstration sur une étude de l’Observatoire de fondation des MRE, « plus des 2/3 des transferts des MRE servent à satisfaire la consommation courante des ménages ». Le seul côté positif de ce choix tient à l’amélioration du niveau de consommation des populations bénéficiaires. De la manne des transferts, l’épargne engrange 20,9% et permet ainsi d’augmenter la liquidité bancaire dont la conséquence positive est la baisse des taux d’intérêt. Ce qui se traduit, comme le soulignent les enquêteurs, par une incitation à l’emprunt et à l’investissement.
Un bémol cependant : « Plus des 3/4 de l’épargne issue des transferts ne sont pas rémunérés ». De plus, les régions réceptrices ne sont pas forcément celles où l’on investit, du fait de l’absence souvent de plateforme infrastructurelle de base. De toute façon, la part dédiée à l’investissement demeure minime, avec seulement 7,7% des transferts dont un bon paquet dévolu à l’immobilier.
Source : L’Economiste - Bachir Thiam