Tourisme : La manne des "Seniors"

19 août 2007 - 01h10 - Maroc - Ecrit par : L.A

Attirés par ses charmes touristiques, bon nombre de retraités européens choisissent le Maroc comme lieu de résidence. À l’engouement de ces touristes d’un nouveau genre répond une offre… qui a du mal à suivre.

Aux Etats-Unis, où des destinations leur sont spécifiquement dédiées, on les appelle les Snowbirds. En Europe, ils portent l’élégante étiquette de “Seniors”. Eux, ce sont les personnes d’un certain âge qui décident, une fois arrivé l’âge de la retraite, de s’exiler volontairement dans d’autres pays que le leur, et où il fait mieux vivre. Ayant connu son âge d’or en Espagne et en Grèce, deux destinations qui ont vu déferler sur leurs côtes un nombre impressionnant de ces touristes bien particuliers, tout au long des années 80 et 90, la pratique se délocalise peu à peu vers la rive sud de la Méditerranée, notamment en Tunisie et au Maroc.

À l’origine de cette tendance, de nouveaux profils de retraités décidés à profiter d’une vie de loisirs, après une vie de travail, selon deux formules possibles : soit un séjour durable, pouvant aller jusqu’à six mois par an, généralement pour éviter le long hiver européen, ou alors une installation définitive, où le déplacement au pays d’origine devient l’exception et non pas la règle. Et c’est cette dernière option qui fait fureur au Maroc.

Chez nous, le phénomène n’est certes pas nouveau. Mais il semble prendre plus d’ampleur d’année en année. Dans certaines villes, comme Marrakech, des retraités venus du froid et sillonnant les marchés font désormais partie du décor. Les chiffres du ministère du Tourisme avancent le nombre impressionnant de 40 000 personnes, qui ont choisi de séjourner durablement au Maroc entre 2002 et 2006. Un chiffre auquel il faut ajouter quelque 2500 nouveaux arrivants rien que pour le premier semestre 2007. Sans surprise, par nationalité, ce sont les Français qui se placent en première position, suivis des Britanniques et des Allemands, qui trouvent leur bonheur à Marrakech, à Agadir ou encore sur l’axe Rabat-El Jadida.

Un nouveau tourisme

Pourquoi donc un tel engouement ? “D’abord le cadre de vie qu’offrent certaines villes marocaines, authentique mais présentant toutes les commodités et infrastructures modernes”, explique ce responsable d’une agence immobilière à Marrakech. Le faible coût de la vie est également un argument évoqué, bien que son importance tend à se dissiper, avec la hausse spectaculaire de certains produits, l’immobilier en premier lieu.

Parfois, ce sont les raisons de santé qui peuvent donner lieu à des scénarios pour le moins insolites. C’est le cas de bon nombre d’Anglais qui ont inventé une formule inédite : celle de s’installer au Maroc et d’effectuer des navettes pour se faire soigner en Espagne. “J’ai en cela contourné deux problèmes, celui de la faible qualité des soins en Grande-Bretagne et de la cherté de la vie en Espagne”, avoue Mark, un sexagénaire qui se dit désormais Marrakchi, avant de poursuivre : “L’ouverture du ciel marocain et la multiplication des compagnies aériennes low-cost ont confirmé la justesse de mon choix”.

Mais le plus bel attrait est peut-être d’ordre financier, fiscal plus exactement. Et il est de taille. En effet, un abattement de 80% sur l’Impôt sur les revenus déclarés est accordé d’office à tout retraité étranger qui s’installe au Maroc, dès lors que le concerné décide de domicilier le versement de sa pension dans une banque marocaine. Une aubaine tant pour ces touristes “longue durée”, dont les budgets sont grevés par la lourde fiscalité de leur pays d’origine, que pour le royaume, qui se crée de facto une source supplémentaire d’entrées de devises.

En attendant une offre conséquente en matière immobilière, ce sont les riads et les villas qui attirent le plus la convoitise de ces touristes argentés. Le nombre de riads restaurés par des Européens a dépassé le millier pour la seule année 2006… et uniquement à Marrakech. Mais face à la flambée des prix de l’immobilier, la location s’impose progressivement comme une alternative. Sans oublier une pratique désormais très répandue au sein de cette “communauté” : le camping. Ainsi, en 2005, ils étaient près de 2 400 retraités regroupés sur le même site, baptisé “Kilomètre 17”, proche du village de Taghazout dans la région d’Agadir. L’année d’après, le lieu a été interdit d’accès pour céder la place à l’aménagement de ce qui deviendra la station balnéaire de Taghazout, où les plus nantis auront tout le loisir de séjourner.

Réaction tardive

D’où la nouvelle orientation du département du Tourisme, destinée à susciter davantage l’intérêt des retraités européens. Le “pari” du tourisme résidentiel, évoqué par le premier ministre dans sa déclaration-bilan devant la Chambre des représentants, n’est autre que celui relatif à cette catégorie. Pour Driss Jettou, il s’agit d’un moyen “de pallier les effets de conjoncture dont le tourisme fait l’objet et d’une garantie d’un long séjour”. “À cela s’ajoute le pouvoir d’achat considérable dont la majorité de ces touristes peut se targuer”, apprend-on auprès ministère du Tourisme.

C’est aussi dans cet objectif que l’Etat multiplie les incitations visant à encourager les projets touristiques à caractère résidentiel. Tous les projets actuellement en création comprennent une composante résidentielle, destinée en grande partie à cette cible. Même le PJD s’y met. Parmi les mesures-phares autour desquelles le parti de Saâd Eddine El Othmani a construit son programme économique pour les législatives 2007, figure le tourisme des “Seniors”. Les éminences grises de cette formation politique tablent sur 1 million de seniors européens à l’horizon 2020, accueillis dans des structures spécialement conçues en fonction de leurs besoins et traitées par un personnel hôtelier formé à cet effet. Le PJD va même plus loin en promettant 200 000 touristes “longue durée” d’ici 2010. À raison d’une dépense mensuelle de 200 euros, cela représenterait une entrée en devises de l’ordre de 40 millions d’euros par mois. Mais qu’elle soit le fait du parti islamiste ou du gouvernement sortant, cette prise de conscience semble être pour le moins tardive. D’autres pays touristiques, comme la Tunisie voisine, tirent déjà un grand profit de leurs investissements en la matière. Reste à espérer qu’à l’avenir, les Snowbirds voudront bien changer leur plan de vol.

Troisième âge : La leçon tunisienne

Ayant flairé l’aubaine depuis le début des années 90, la Tunisie s’est rapidement positionnée sur le créneau du tourisme du troisième âge, en proposant packages et infrastructures spécifiques. Destinations privilégiées : Monastir ou Djerba, où, pour seulement 1000 euros, des retraités étrangers s’offrent des séjours durant jusqu’à six semaines. Là encore, ce sont les Français et les Allemands qui caracolent en tête de liste des clients. Les offres destinées à cette catégorie sont d’autant plus étoffées qu’elles comprennent un système de soins low-cost et qu’elles sont combinées à des prestations de chirurgie esthétique qui séduisent bon nombre de “Seniors”. Conditionnées par des dates d’arrivée et de départ fermes et situées en dehors des périodes d’été et de vacances scolaires, pour maîtriser les flux et laisser place au tourisme de masse, les différentes formules ont permis des taux de remplissage pouvant aller jusqu’à 70% hors saison des résidences touristiques. Un moyen intelligent de contourner à moindres frais la forte saisonnalité qui marque la destination. Mais aussi un bon argument pour attirer voyagistes et tour-opérateurs, conscients de l’importance de ce filon, et fidéliser une clientèle qui ne lésine pas sur les moyens pour se payer du bon, et beau, temps.

TelQuel - Youssef Ben Larbi

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