Au Petit Rocher, une brise sournoise s’engouffrait entre les sièges alignés pour la conférence de presse de Nessma TV. La nouvelle chaîne des frères tunisiens Ghazi et Nebil Karoui (dont le groupe de communication, Karoui&Karoui World, pèse 50 millions de dollars), ambitionne d’apporter un souffle d’air frais sur le paysage audiovisuel du Grand Maghreb.
En gros, le peuple maghrébin (Marocains, Algériens, Tunisiens, Libyens et diasporas de tous bords) s’apprête à inspirer une grande bouffée d’oxygène, grâce à l’innovation Nessma : du divertissement, pardon, “entertainment”, 100% régional. Pour la grille, c’est encore une surprise. C’est que Nessma (qui émet pourtant depuis le 7 novembre sur NileSat et ArabSat) n’est pas tant une chaîne… qu’une émission : à partir du 16 mars, et pour trois mois et demi, le téléspectateur n’aura d’yeux que pour le produit phare de toute la grille : Star Academy Maghreb. Fallait y penser. Fallait aussi payer. “Très cher”, laisse planer Nebil Karoui, au sujet du coût de la licence et du consulting auprès de Endemol (Hollande). “C’est l’émission la plus chère de l’histoire du Maghreb, renchérit le producteur. À peu près autant qu’une grille entière sur la télévision publique”, et lancée à raison d’“un million de dollars par pays”.
Pour ce prix-là, on garde le logo et l’étoile qui va avec, on change un accord sur le jingle, mais on braque les spotlights sur la spécificité maghrébine. Depuis trois semaines, candidats et profs ont été dévoilés en direct de “Dar”, subtil univers architectural sis à Radès, en Tunisie, où l’on retrouve les couleurs Casimir de Damary-les-Lys mais version Ali Baba.
Tous Maghrébins
Il accueille 14 candidats, de 18 à 32 ans (3 Marocains, 3 Tunisiens, 3 Algériens, 2 Libyens et 3 Maghrébins de France et de Suisse), castés l’été dernier sur 15 600 jeunes. “Nous ne voulons pas mettre en avant des pays, mais des villes”, avertit Nebil Karoui. Au risque de heurter le sentiment d’unité régionale, saluons tout de même les trois Mgharba retenus : Hajar Adnane, 20 ans, de Laâyoune, qui écrit et compose de la musique marocaine, Abdelhamid Hadri, 29 ans, de Tanger, fan de Georges Wassouf et Cheb Mami et théâtreux à ses heures, Kaoutar Boudarraja, 21 ans, de Casablanca, fan d’Anastasia et mannequin de profession.
Côté staff, du 100% maghrébin également, dont l’animatrice marocaine Nabila Kilani, finaliste de “15 ans, 15 talents”, le virtuose du oud Nabil Khalidi, comme directeur musical, un prof de théâtre algérien et un coach sportif tunisien. Pour bien communiquer, tout ce beau monde parlera la darija de son choix et chantera, à chaque début d’émission, un “hymne” (si, si) encore secret.
Éthique familiale
Le look des académiciens promet d’être un hommage au bon vieux credo “tradition et modernité” (des caftans oui, mais la styliste a un piercing au sourcil…). Mais attention, ni minijupe ni décolleté, car “Star Academy Maghreb n’est pas un programme branché pour jeunes mais une émission familiale”, rappelle Nebil Karoui. Pour preuve, des 51 caméras, aucune dans les chambres ou salles de bain, et les garçons s’exilent à 5 bornes de Dar pour dormir. “Quand ma mère va regarder, je ne veux pas qu’elle prenne son téléphone pour me demander ce qui se passe”, dixit Nebil Karoui.
D’où le répertoire, soit près de 10 000 vieilles chansons à dépoussiérer et raccourcir, “pour que les jeunes dansent en boîte sur les chansons qu’écoutait M’mi Lalla”, poursuit le boss.
Sinon, c’est du Star Ac’ : quotidienne de 52 minutes, cours, évaluations, nominations, confidences larmoyantes, prime le vendredi (sauf pendant le premier mois) et éliminations à coups d’œillade du jury et de SMS (15 millions attendus sur les trois mois et demi)… et ce jusqu’en finale, dont le vainqueur verra album, clip et tournée produits par le label musical de Karoui&Karoui. Et c’est parti pour quatre ans !
TelQuel - Cerise Maréchaud