Dans le labyrinthe des services de légalisation des Affaires étrangères

11 août 2008 - 22h06 - Maroc - Ecrit par : L.A

Il est 4 heures du matin. Des dizaines de personnes, adossées, accroupies ou carrément allongées sur des nattes ou des peaux de moutons, ont déjà investi la rue jouxtant le mur de l’annexe du ministère des Affaires étrangères à Rabat. Cette division, spécialisée dans la légalisation des papiers à destination des différents consulats et ambassades étrangers, constitue l’ultime étape d’un pénible parcours, pour une simple certification d’une signature ou de la copie d’un document officiel.

Une heure avant l’ouverture, à 9 heures, des bureaux de cette administration, la rue est déjà assiégée par des centaines de personnes. En cette période d’été, les files d’attente atteignent des niveaux records. Dans une anarchie totale, la rue se transforme en un souk quotidien, où des trafiquants, des courtiers proposent toute une panoplie de services. Devant des fonctionnaires hostiles, dépassés par la charge du travail, ou des policiers désagréables, des querelles et des accrochages éclatent toutes les cinq minutes, comme pour en rajouter à ce tableau chaotique.

« Je suis arrivée à 5 heures du matin. A partir de 8 heures, on est déjà considérés comme des retardataires », explique Hasna, une jeune fille venue de Marrakech légaliser la copie de son diplôme et ses relevés de notes.

Les attentes peuvent durer des heures et des heures. « J’ai fait la queue depuis 5 heures, déposé mes papiers à 9h30 (ndlr : contre un numéro de dossier), il est 11h30 et j’attends toujours qu’on me les rende », ajoute-t-elle.

Avant d’arriver là, Hasna a fait le tour des administrations : il faut d’abord légaliser une première copie à l’arrondissement et une deuxième à la préfecture du lieu de résidence. « Je suis venue une première fois la semaine dernière. Pour un problème de signature, j’ai été obligée de revenir à ma préfecture à Marrakech », lance-t-elle. Elle n’a pas pu régler le problème dans une administration de Rabat, « comme s’il s’agissait d’un autre pays », ironise-t-elle.

« Tout le monde est coupable »

Pour ceux qui disposent d’un peu d’argent, ou qui sont trop pressés et ne peuvent attendre dans des files interminables, d’autres alternatives s’imposent. Des courtiers qui sillonnent la rue proposent des livraisons rapides. Pour un bakchich qui varie de 100 à 500 dirhams, ces jeunes peuvent dépasser les foules et obtenir la légalisation des documents en moins d’une heure.

Accompagné par un de ces courtiers, un jeune venu de Laâyoune affirme avoir obtenu son document en 45 minutes contre 450 dirhams. « Je suis arrivé ce matin à Rabat, le consulat ferme à 15 heures, donc je suis obligé de passer par ces intermédiaires », explique-t-il. Interrogé sur son business, le courtier reste sur la défensive. « Je ne prends qu’un pourcentage sur le bakchich, le reste va aux policiers devant les portes et aux fonctionnaires à l’intérieur », se défend-il.

A chaque fois que la presse aborde le sujet, les autorités procèdent à des arrestations de masse. « On se contente de nous arrêter, nous les courtiers, car personne ne peut rien faire contre les employés et les policiers, martèle-t-il avant d’ajouter : Comme vous voyez, tout le monde est coupable par ici ». Ils sont une dizaine, venus pour la plupart de la ville de Salé ou des quartiers pauvres de la capitale, et ces jeunes restent la seule solution pour éviter de perdre toute une journée.

Les autres se sont spécialisés dans la vente des places à l’intérieur des files. « J’arrive tous les matins vers 4 ou 5 heures, je réserve 4 ou 5 places. Vers 9 heures, je les vends à 100 ou 150 dirhams chacune pour les retardataires », explique ce trentenaire adossé au café du coin. Le guichet ferme à 13 heures. A plein régime, il peut traiter jusqu’à 300 demandes par jour et les demandeurs viennent de toutes les régions du Maroc. Pour les moins chanceux, il faudra revenir et revivre la triste aventure. Car, certainement, la décentralisation n’est pas pour demain.

Le ras-le-bol

Une manifestation improvisée a éclaté jeudi dernier devant cette annexe du ministère des Affaires étrangères. Lassées par des heures d’attente et une anarchie totale, des dizaines de personnes ont dénoncé les pratiques « frauduleuses » des fonctionnaires du service de la légalisation.

La foule a aussi réclamé la création d’autres bureaux dans les autres villes. Ce service connaît une grande affluence en période d’été. En effet, les ambassades et les consulats étrangers exigent que tous les documents présentés soient légalisés et certifiés.

Source : L’Economiste - Aziz El Yaakoubi

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Administration - Corruption - Ambassades et consulats - Immigration

Ces articles devraient vous intéresser :

Corruption au Maroc : Les chiffres alarmants

La lutte contre la corruption ne produit pas de résultats encourageants au Maroc qui est mal logé dans les classements mondiaux depuis quatre ans.

Boom des interventions d’Europ Assistance au Maroc cet été

Le Maroc figure parmi les destinations lointaines très sollicitée chez Europ Assistance. Par ailleurs, le nombre de dossiers médicaux ouverts par la compagnie entre fin juin et fin août, a connu une augmentation de 16% par rapport à la même période en...

Maroc : révision de l’impôt sur le revenu

Le gouvernement marocain, via son porte-parole Mustapha Baitas, a annoncé une révision de l’Impôt sur le revenu (IR) avec pour objectif d’augmenter les revenus des employés et fonctionnaires.

Maroc : du changement pour les transactions immobilières

Au Maroc, des modifications ont été apportées à certaines dispositions du Code des droits réels, notamment l’article 4. Voici ce qui va changer pour les transactions immobilières.

Au Maroc, les élèves fêtent la fin d’année scolaire en déchirant leurs cahiers

Au Maroc, des scènes des élèves déchirant leurs cahiers et livres pour annoncer la fin de l’année scolaire, se sont reproduites.

Maroc : la retraite à 65 ans ?

Alors que les députés de l’opposition rejettent le projet du gouvernement d’Aziz Akhannouch de porter l’âge de la retraite à 65 ans, Younes Sekkouri, le ministre de l’Intégration économique, de la Microentreprise, de l’Emploi et des Compétences, dément...

Copropriétés au Maroc : les impayés qui ruinent l’immobilier

Au Maroc, la copropriété fait face à de graves difficultés, notamment le non-paiement des cotisations. De quoi impacter négativement le secteur de l’immobilier marocain.

Maroc : du nouveau pour l’impôt sur le revenu

Selon le projet de loi de finances 2025, le gouvernement prévoit d’augmenter de 30 000 à 40 000 dirhams la première tranche de revenu annuel exemptée d’impôt. Une mesure qui devrait permettre d’exonérer les revenus des salaires mensuels inférieurs à 6...

Coup d’accélérateur pour le TGV Kénitra-Marrakech

L’Office national des chemins de fer (ONCF) a lancé un appel d’offres pour la construction d’une voie ferrée à grande vitesse de 375 kilomètres reliant Kénitra à Marrakech.

Maroc : mise en garde contre les constructions illégales

Abdelouafi Laftit, ministre de l’Intérieur, a apporté des clarifications au sujet des démolitions dans les zones côtières.