Sahara : bien plus qu’un glissement sémantique

4 février 2004 - 12h25 - Maroc - Ecrit par :

D’ici fin avril, si l’on s’en tient aux propos du secrétaire général de l’ONU, le Maroc devrait avoir apporter sa réponse finale au "plan de paix au Sahara’’ concocté par l’ancien secrétaire d’Etat américain James Baker. Une lecture rapide de la déclaration du dernier rapport de Kofi Anan pourrait permettre, cela a été vu, de l’assimiler à l’ultimatum. Pourtant, malgré ses allures de sommation, la déclaration est bien loin du ton de la résolution 1495 du Conseil de Sécurité de juillet 2003 qui appuie "énergiquement (…) le Plan de Paix" de James Baker et met pratiquement en demeure les "parties de travailler avec l’organisation des Nations Unies (…) en vue de [son> acceptation et de [son> application".

Sans doute, le discours onusien a du mal à coller aux évolutions diplomatiques du dossier, mais de la mise en demeure à la demande d’une réponse finale à une ’’solution" que l’on sait refusée par le Maroc, il y a bien plus qu’un glissement sémantique.

La visite que le souverain a rendue au président Georges Bush en septembre 2003 a permis de lever l’hypothèque américaine qui faisait craindre le pire à Rabat. L’argumentaire de Sa Majesté Mohammed VI a débouché sur l’assouplissement de la position du Département d’Etat américain, qui semblait ne rien pouvoir refuser à James Baker. Dans le sillage du Roi, l’activisme de la diplomatie marocaine, soutenu par des pays amis comme la France, a ouvert une perspective qui semblait hermétiquement fermée sur ’’le plan de paix". Est apparu ainsi le principe selon lequel rien ne saurait être imposé au Maroc en même temps que se faisait de plus en plus évanescent le Polisario dans les différents échanges épistolaires ou verbaux pour laisser monter à la surface les véritables acteurs de l’antagonisme, l’Algérie et le Maroc. Que ce soit dans le courrier du président américain au Roi du Maroc, ou dans la bouche du Secrétaire d’Etat américain, Colin Powell, ou encore de son adjoint, Williams Burns, ce nouveau cadrage est devenue un crédo. L’Europe elle-même n’était pas indifférente à cette orientation et c’est ainsi que l’on a pu voir la réunion des 5+5 qui s’est tenu le 30 octobre dernier dans la région parisienne , abonder dans ce sens.

Mais derrière l’amorce de virage se cache la sensibilité à la stabilité du Maroc et de la région ainsi que la reconnaissance des incidences fâcheuses de toute solution hasardeuse sur le développement du modèle que le Maroc est en passe de construire. L’argument n’est pas absous de nombrilisme voire qu’il peut relever de la méthode coué. Néanmoins, de la lutte contre le terrorisme à la mise en place de l’Instance Equité et Réconciliation, de la mise en œuvre d’un nouveau concept de l’autorité à la réalisation d’élections incontestées, de la promotion des différentes formes de solidarité à la réforme du code de la famille dans un contexte marqué par la montée du péril islamiste, le Maroc, malgré ses déficits sociaux qui fragilisent ses ambitions, est en train de réussir l’émergence d’un système alliant son identité propre à l’intégratin du pays dans l’espace régi par les valeurs universelles de la démocratie et de la modernité.

Tout n’est pas bien dans le meilleur des royaumes, mais déstabiliser le Maroc au Sahara reviendrait à ruiner un projet de société qui a de fortes chances et de réelles potentialités pour démontrer que le monde musulman peut vivre dans le millénaire et en harmonie avec son siècle.

Ce n’est certes pas gagné d’avance. Tant s’en faut. Qu’il s’agisse du projet de société que le Roi s’est donné pour le pays ou de l’affaire du Sahara, la plus grande des vigilances continue d’être recommandée. Mais pour ne rester que dans l’actualité marocaine au Conseil de Sécurité qui devrait adopter vendredi prochain une résolution de reconduction du mandat de la MINURSO, le plan de règlement a été enterré, la commission d’identification a plié bagage laissant derrière elle un travail inachevé tandis que l’on va vers la mise en œuvre des mesures de confiance indépendamment de l’évolution du dossier des négociations. Même si, contrairement à Rabat, Alger et le Polisario n’ont pas encore notifié leur accord, l’échange de courrier et de visites de même que les conversations téléphoniques vont pouvoir commencer. Mais il ne faut jurer de rien. Déjà le 16 avril 2003, le Polisario, en dépit de la précaution d’avoir limité les contacts aux fidèles du camp du 27 février, les a interrompus, dit le rapport du secrétaire général de l’ONU, au bout de quelques heures sur injonction algérienne. Ainsi une nouvelle conscience du véritable rôle d’Alger prend forme. Aussi bien sa grande part de responsabilité dans la persistance du conflit que celle dans le traitement réservé par son armée et sur son sol à ce "butin de guerre’’, selon l’expression même de patron du Polisario, Mohamed Abdelaziz, les prisonniers marocains utilisés à des fins propagandistes en contravention avec les accords de Genève, sont désormais mis à l’index. La fuite en avant qu’Alger tente à travers le Polisario en évoquant des disparus manque de crédibilité ne serait-ce que parce que déjà en 2003 il avait fait état d’une liste de 25 disparus que le Comité International de la Croix-Rouge avait retrouvés en toute liberté vacant à leurs occupations, certains au sein des Forces Royales et les Forces Auxiliaires.

Le contexte reste donc défavorable, mais c’est dans ses eaux troubles que la génie national avec celui des négociateurs devra trouver la seule alternative possible, un statut spécial pour le Sahara excluant tout éventuelle indépendance. D’ici là, l’Algérie aura connu ses présidentielles qui permettront , du moins faut-il l’espérer, de voir plus clair dans ce que veut Alger.

Naïm Kamal pour l’observateur

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