Safran renforce sa présence au Maroc
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Au bord de la longue route cabossée de Rhboula, à l’entrée d’Aïn Atiq, cité pauvre du Maroc, des enfants sortis de classe font du stop. A quelques mètres d’eux, une usine de bois et de verre. Rien de clinquant, mais la modernité de ce bâtiment tranche avec le dénuement du lieu.
Sous la tôle "high-tech" de Labinal Maroc - filiale du groupe Safran, née du mariage entre l’électronicien Sagem et le motoriste Snecma - c’est le royaume des femmes. Sur les 410 employés de ce site, à 20 minutes à peine de Rabat, à peine 10 % d’hommes. Plus de 300 ouvrières, âgées de 18 à 30 ans, s’attellent méticuleusement à la tâche. Relier, fixer, souder, dénuder, vérifier, assembler d’interminables câbles électriques, aux nombreuses ramifications. Ils sont destinés aux tableaux de bord des avions A320 ou A400M d’Airbus.
En cette fin d’après-midi, les "filles" sont dissipées. Ça discute. Un peu trop fort, même. Une musique arabe commence à couvrir les bavardages. C’est le signal pour baisser le ton. Parfois, c’est une sirène qui retentit. Malgré cette agitation, les ouvrières restent concentrées. Elles répètent les mêmes gestes, neuf heures par jour, 45 heures par semaine, du lundi au vendredi. Le tout au Smic du pays (9,66 dirhams de l’heure - un peu moins d’un euro). Et elles ont, en plus, une mutuelle. "Ce n’est pas parce que nous sommes dans un pays "low cost" que nous devons faire du "low social"", note Patrick Gaillard, directeur général de Labinal Maroc.
Dans cette unité de production de haute technicité, il n’y a qu’un seul Français : le patron. "Je n’ai pas besoin de compatriotes, insiste M. Gaillard. Je ne veux surtout pas de Français." Les onze ingénieurs - sept hommes et quatre femmes - sont pratiquement tous diplômés de grandes écoles de Casablanca.
Quant aux ouvrières, la majorité ont au moins leur bac + 2. Des diplômes universitaires malheureusement encore infructueux dans ce pays. C’est le cas de Nadia Moujahib, 25 ans. Licence de droit privé en poche, elle se voyait avocate. "Je me suis rendu compte un peu tard qu’il n’y avait pas de travail dans ce domaine", explique-t-elle tout en connectant de minuscules fils à une prise. Leila Moukit, 26 ans, ancienne institutrice, dit ne pas avoir eu d’autre choix que de devenir ouvrière pour gagner plus d’argent.
L’entreprise ne veut pas d’hommes à la production. "Notre travail demande de la finesse et la tendresse de la femme", explique Rachida El Atbani, 38 ans, chargée de la formation. Elles sont aussi moins contestataires, "plus faciles à diriger et plus enclines que les hommes à comprendre le français", estime M. Gaillard. La maîtrise de cette langue est d’ailleurs exigée si l’on veut avoir une chance d’être embauché.
Et pas seulement. Il faut aussi réussir trois épreuves "psychologiques" difficiles. Un test d’intelligence, notamment, mis en place il y a plus de trente ans par le professeur Raymond Bonnardel. Il s’agit de reproduire seize images en dix minutes à l’aide de cubes.
Puis il y a "les rondelles de Piorkowski", un test de dysfonctionnement fonctionnel. L’ouvrière doit placer des tranches d’acier dans une tige. Il n’existe qu’une possibilité. Il faut trouver l’astuce. Enfin, l’examen d’entrée se termine par un exercice de dextérité manuelle et de rapidité. La candidate est notée, et doit avoir au moins huit sur vingt pour espérer être recrutée. Si elle est embauchée, elle rejoindra "une classe" où, pendant cinq semaines, elle se formera au monde du câblage électrique.
"Nous n’avons pas le droit à l’erreur, souligne M. Gaillard. C’est pour cela que nous sommes si exigeants lors de l’embauche." Rachida El Atbani ajoute : "Nous leur faisons comprendre qu’il y a des vies en jeu. Elles ne construisent pas des jouets, mais de vrais avions qui volent."
Et est-ce que "construire" des avions donne envie à ces ouvrières de quitter le Maroc ? "Non, lâche Wissa Dahoudi, 19 ans. L’avenir du pays, comme disent nos parents, c’est l’aéronautique."
Depuis son installation dans le royaume en 2004, Labinal Maroc a vu son chiffre d’affaires passer de 350 000 euros à 20 millions en 2007, et ses effectifs de 42 salariés à 410. La société prévoit 150 nouvelles embauches en 2008.
Le Monde - Mustapha Kessous
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