Les “zimigris” en vacances

4 juillet 2007 - 00h40 - Maroc - Ecrit par : L.A

Départs Les grandes vacances ont toujours une saveur particulière. Surtout pour les “zimigris”. Comment vivent-ils ces moments de retrouvailles avec le pays d’origine ? Quel regard portent-ils sur son évolution ? Comment sont-ils perçus par les blédards ? Enqûete

Sur le débarcadère du port de Tanger, il faut faire vite pour attraper le bus qui part à 10 heures pour Casablanca. A la gare routière, on reprend tout de suite les bons vieux réflexes. Passer devant tout le monde pour arracher son ticket, sans doute payé plus cher. Pas grave. Le car se remplit lentement : 13 heures, c’est parti. Le chauffeur mord la route. Toutes les dix minutes, un type descend, un autre monte, certains sont assis dans l’allée. A peine 100 km, le pneu arrière crève. Tout le monde descend. Toujours dans la bonne humeur. Trois heures après, c’est reparti, mais aussitôt, on s’arrête pour manger des brochettes dans un village… Bientôt Rabat ! Bam ! Une voiture nous rentre dedans. Hmar ! Le chauffard, bien qu’en tort, est furieux, le nez de sa voiture est encastré sous le ventre du bus. Les flics arrivent. Ça discute, ça gueule, ça rigole. Finalement, le bus arrivera à Casa à… 3 heures du matin. Que de péripéties ! Mais que les retrouvailles avec la famille sont belles et que d’histoires à raconter ! Bisous, échanges de cadeaux, repas à tout casser et puis dodo… Ce n’est que le lendemain que l’on pourra déstresser.

Alors, pendant un mois, on pourra se faire plaisir. Refaire le monde avec les cousins, manger de délicieux plats, visiter le pays, sortir avec les amis… Le charme des vacances au bled, c’est cela. Se retrouver au milieu des siens, se ressourcer, prendre le temps. Un voyage qui permettra aussi de prendre le pouls d’un pays qui bouge. S’amuser des décalages, partager les points communs. Au bout du compte, on repartira le cœur gros, mais pour mieux revenir. Les vacances au bled, tout un programme.

Sondage : Les vacances Au pays, oui... mais

Si les Maghrébins de France privilégient toujours les vacances au pays et les retrouvailles en famille, ils sont de plus en plus nombreux à chercher autre chose. Enquête exclusive réalisée par HEC Junior pour “le Courrier de l’Atlas”.

Toutes les personnes qui ont répondu au questionnaire de l’enquête réalisée sur le mode de vie et de consommation des Maghrébins en France disent partir en vacances, ce qui n’est pas le cas de tous les Français puisque d’après les statistiques de l’Insee, quatre Français sur dix ne partent pas. Toujours selon l’Insee, depuis vingt-cinq ans, près de 80 % des habitants de l’agglomération parisienne partent en vacances, mais ils ne sont que 51 % des communes rurales à aller se changer les idées ailleurs. Il est donc probable que les chiffrs ede notre enquête, réalisée dans des grandes villes, donneraient d’autres résultats à la campagne.

Le désir premier de tous est avant tout le repos, avec 28 % de souhaits (égal à la moyenne nationale) ; 23,7 % privilégieront les visites à la famille (12 % pour la moyenne nationale) qu’ils n’ont pas l’air de considérer comme du repos ! Et 18,3 % rêvent de s’éclater en boîte. Quant au budget, il est de près de 2000 euros (hors transports) pour les trois quarts des interrogés.

Nos sondés partent donc, et ils partent longtemps : 36,8 % pour un mois et 19,8 % pour trois semaines. Ce qui est très supérieur à la moyenne nationale. Les cinq semaines et les RTT ont en effet eu pour conséquence un morcellement des congés et des nouvelles pratiques de vacances courtes réparties tout au long de l’année. Ce décalage avec la moyenne nationale vient probablement du fait que les personnes interrogées partent à 55,9 % dans leur pays d’origine, contre 16,5 % en France et 27,6 % dans d’autres pays du monde.

On part donc en majorité au pays, et pour le plus longtemps possible. Rien de surprenant à cela : 94,1 % y ont des attaches affectives (pour 56,8 %, il s’agit de famille, et d’amis pour 43,2 %). Certains (46 %) y vont même plusieurs fois par an. La plupart séjournent alors dans la famille, à 64,2 %. Selon l’Insee, la moyenne nationale des séjours des Français dans la famille s’élève à 57 %. Mais les personnes ayant répondu à notre questionnaire sont tout de même près du quart à aller à l’hôtel, preuve que le rapport au pays change et que le tourisme intérieur progresse. Et si on voyage beaucoup en famille (74,9 %), on part aussi avec des amis (22,2 %). Et on préfère largement la mer (78 %, contre 37 % pour la moyenne nationale) à la campagne (17 %, contre 23 %). De plus, on part de plus en plus en avion (64,4 %), les longs périples en voitures ayant largement diminué (38,5 %).

Parmi ceux qui s’aventurent ailleurs qu’au pays d’origine, 56,4 % iront en Europe et 10,6 % en Afrique du Nord, mais dans un pays voisin. Le premier objectif reste la mer (56,5 %), devant la ville (23,7 %), la campagne (11,8 %) et enfin la montagne (7,8 %). On privilégie aussi un peu moins la famille et un peu plus les amis. La location est très prisée (même si les gîtes ruraux ne sont pas encore très répandus), juste avant le camping. Et le camping avec une tente, puisque seulement 1,6 % a une caravane.

Une nouvelle indépendance

“L’individualisme prend le pas sur la famille”

L’avis de Jamal Khalil, sociologue (Casablanca)

On assiste à un phénomène d’individualisation de la société, et cette constatation vaut autant pour la population migrante que non migrante. De ce fait, de nombreuses évolutions dans le comportement des Maghrébins vivant à l’étranger en découlent lorsqu’ils rentrent au pays. En outre, la modernité ne touche pas seulement ceux qui sont partis, mais aussi ceux qui sont restés. Les valeurs de la ville ont pris le pas sur les valeurs de la campagne. Les changements se retrouvent dans une façon de voir les choses, qui est tournée vers le chacun pour soi.

L’éclatement de la famille

Dans les années 60-70 et jusqu’aux années 80, les populations immigrées arrivaient massivement avec la famille au grand complet. Aujourd’hui, cette époque est révolue. La famille ne débarque plus en groupe. Arrivés à un certain âge, les enfants ne veulent plus venir en famille. Soit ils ne viennent plus, soit ils préfèrent plutôt voyager dans leur pays d’origine avec des amis ou en couple. La raison est simple : en grandissant, les enfants ressentent le besoin de se détacher de leur famille. Ils travaillent, gagnent de l’argent et veulent vivre pour eux.

Chez soi si on peut

Auparavant, lorsqu’elles arrivaient au pays, les familles émigrées allaient directement dans leur village d’origine et logeaient la plupart du temps dans la maison familiale, chez les parents ou les frères et sœurs. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas : les familles habitent dans leur propre maison. Depuis un certain temps, on achète et on met un point d’honneur à séjourner chez soi. On arrive désormais sans forcément prévenir sa famille. On se dit : “Je vais au pays mais je vais chez moi, je ne suis pas dépendant de ma famille.” Et puis il y a le rituel, encore présent bien que moindre aujourd’hui, du cadeau : quand on va chez soi, les présents ne sont plus obligatoires.

Tout doux les cadeaux !

Autrefois, le père et la mère de famille revenaient avec une grande quantité de cadeaux dans les bras, qu’ils distribuaient à leur famille, mais également aux habitants de leur village. Ils apportaient du thé, des confiseries, des fruits secs et toutes sortes d’objets de décoration. Eux-mêmes repartaient avec des produits alimentaires et des objets traditionnels qui leur rappelaient leur pays. Aujourd’hui, les produits de consommation locaux sont désormais disponibles de part et d’autre de la Méditerranée. Un commerce parallèle s’est développé en France, organisé par la population migrante et par les grands groupes de distribution français, qui fait que les Maghrébins ne manquent de rien sur leur terre d’accueil. Pour ces raisons, on préfère voyager léger. Les migrants ne veulent plus véhiculer l’image de la camionnette pleine à craquer qui lui a longtemps collé à la peau. Les transferts d’argent de la première génération ne sont plus tournés vers la consommation alimentaire, mais plutôt vers l’acquisition d’un bien mobilier dans leur pays d’origine. L’achat d’une valeur mobilière rassure le migrant et est lié à la vieillesse car, dans la plupart des cas, les premières générations de migrants préfèrent finir leurs jours dans leur pays.

On affiche son aisance matérielle

Les jeunes ont tendance à effectuer des dépenses d’argent de type égoïste. Il faut que l’argent se voie, qu’il soit consommé, qu’on le montre aux autres. On se compare à ceux qui sont restés aux pays. On les voit souvent dans des lieux de fête, sur les corniches, dans leur grosse voiture neuve. Ils viennent avant tout pour se reposer et faire des choses qui leur plaisent. Leur consommation est de l’ordre du plaisir avant tout, quitte à vivre de manière économique en France et comme des princes au bled. C’est un réflexe ancien que pratiquaient les générations antérieures et, de manière plus lointaine, les populations des campagnes qui ont fait l’exode rural : on affiche sa supériorité par l’aspect matériel. Dans les deux cas, la population migrante éprouve le besoin de montrer à travers sa consommation que son exil vers l’Europe a un sens, qu’elle a eu raison de partir car son niveau de vie est bien plus élevé que ceux qui sont restés.

En famille, c’est super... mais un peu “reloud”

Retrouver les cousins, les grands-parents, se ressourcer et voyager... Les enfants adorent aller en vacances au bled, les adultes aussi. Mais pour les adolescents, c’est une autre histoire. Illustration.

“Le trajet en Peugeot 505, c’est quelque chose qui marque”

DJ Khalid, du groupe H-Kayne, d’origine marocaine

“Les vacances au bled, spontanément, ça m’évoque la bâche bleue et la Peugeot 505… Que des bons souvenirs ! Le trajet, ça marque. Sur un mois de vacances, on faisait trois jours de route à l’aller, et trois jours au retour. Côté musique, dans la voiture, c’était la grosse ‘battle’ entre mon père qui voulait mettre du Abdelhalim, et ma mère qui voulait mettre plus d’ambiance avec Jedwane ou Najat Aatabou. Une fois sur place, après avoir rendu visite à la famille à Ouazzane et à Casa, on n’arrêtait pas de bouger, toujours avec la 505. On a fait le tour du Maroc, d’Agadir à Chefchaouen en passant par Essaouira. Quant aux cousins, le seul décalage qu’il pouvait y avoir entre nous, c’était celui de la langue. On parlait le marocain de nos parents, très différent de celui de la rue. Il a fallu apprendre des codes de langage. Le test, c’est celui du jeu de mots : quand tu arrives à le relever, c’est que tu es intégré ! Aujourd’hui, grâce à ma musique, j’y retourne beaucoup plus souvent. J’ai changé de moyen de transport : j’y vais en avion, j’arrive donc plus frais et je n’ai plus la trace du coussin imprimée sur la joue !”

“Chaleur, gentillesse, je suis accueillie comme une princesse”

Sabrina, 19 ans, originaire de Bejaia (Algérie)

J’adore aller chaque été en Algérie. Pour moi, les vacances au bled sont nécessaires car elles constituent un réel un retour aux sources. Si pour certains c’est une tare d’y retourner, pour moi c’est une joie. J’y vais tous les ans pour un ou deux mois. C’est d’ailleurs moi qui ai poussé mes parents à ce qu’on y aille régulièrement. Je suis très attachée à mes origines et à mes traditions, donc lorsque je suis là-bas, je recharge à fond mes batteries. Je suis originaire de Bejaia, en petite Kabylie, mais j’essaye d’aller à la découverte des villes avoisinante comme Alger, Sétif, Constantine, etc. On a la chance d’avoir un pays riche en paysages, par conséquent on doit en profiter. Je vais aussi en Algérie pour voir ma famille. Lorsque je leur rends visite, je suis accueillie comme une princesse. Tout le monde fait en sorte que je ne manque de rien et ça me fait vraiment plaisir. A chaque fois, lorsque je rentre en France, je ne peux m’empêcher de pleurer car je m’habitue vraiment à eux. Ce que j’aime là-bas, c’est que les gens sont chaleureux et gentils. Ce dépaysement, on ne peut le retrouver qu’au bled car, en France, beaucoup ont perdu les notions de famille et d’hospitalité. Si maintenant je prends l’avion pour aller en Algérie, pendant des années, j’ai pris le bateau à Marseille. Je préfère d’ailleurs l’ambiance du bateau que je trouve plus conviviale. On passe plus de vingt heures à bord et, durant ce long trajet, on fait la rencontre d’autres jeunes et on s’amuse bien. Tout n’est cependant pas toujours rose. Je me souviens qu’une fois, le ferry était tellement chargé que j’ai été contrainte de dormir sur le sol de la cuisine du bateau. Je me rappelle également une fois où on est restés bloqués à la douane au port de Bejaia de 10 heures 30 à 23 heures. Mais j’aime tellement mon pays que j’espère pouvoir y finir mes jours, inch’Allah.”

“Je ne peux pas supporter ce grand écart entre les riches et les pauvres”

Yasmina, 21 ans, originaire de Casablanca

Je déteste passer mes étés au Maroc, c’est viscéral. Cela fait d’ail­leurs plus de quatre ans que je n’y suis pas retournée. Je préfère rester en France et travailler pendant l’été. Si certains y vont pour le dépaysement, les retrouvailles avec une partie de la famille et le retour aux sources, moi je n’en ressens pas le besoin. Plus jeune, j’étais contrainte de passer mes vacances en famille, à Casablanca. Je trouve cette ville trop grande, trop polluée et mal famée. Les gens y sont irrespectueux et même dangereux. Une fois, je me promenais au centre-ville avec ma mère et ma tante, et un voleur nous a agressées. Dieu merci, un homme nous est venu en aide et il a réussi à le fait fuir, mais ça m’a vraiment traumatisée. J’étais encore très jeune, je pense que cette histoire m’a définitivement dégoûtée du bled. Depuis, par peur de l’agression, je fuis les lieux trop populaires, j’évite les mouvements de foule et je prends le taxi plutôt que le bus. Ce que je ne peux pas supporter, c’est le grand écart entre les riches et les pauvres. Ce sont ces inégalités et ces sentiments de frustration qui poussent certaines personnes à devenir violentes et à basculer. Ce n’est pas un hasard si c’est à Casablanca que se produisent des attentats kamikazes. Je sais bien que tout le Maroc n’est pas ainsi, Dieu merci. Mais, pour le moment, je préfère ne pas y retourner. Je ne renie pas pour autant mes origines. Envers et contre tout, je suis fière d’être marocaine et je l’affirme sans complexe. Un jour, j’espère vraiment pouvoir aller à Marrakech ou Agadir car ces villes touristiques m’attirent énormément.”

“C’est à l’âge adulte que l’on recommence à apprécier le retour aux sources”

Rachida Khalil, comédienne, originaire du Maroc

“J’ai l’impression de rentrer dans mon autre ‘chez moi’. Quand j’étais petite, les vacances étaient un rendez-vous, une espèce de lien qui ne s’est jamais brisé. Ça nous permettait de nous ressourcer et c’était particulièrement fort. J’ai en mémoire par exemple l’odeur d’un pain que nous préparait ma mère spécialement pour le voyage, de la 404 blindée et de road-movies à la fois éprouvants et excitants, mélange de fatigue et d’éclats de rires entre frères et sœurs. Je me souviens d’une traversée de l’Espagne assez traumatisante. Une des familles marocaines arrêtées sur le bord de la route s’était fait agresser par des voleurs. Cette nuit-là, nous n’avons pas réussi à fermer l’œil de la nuit. Et puis un berger allemand est sorti de nulle part et il est resté là à veiller sur nous. C’était hallucinant, je ne l’oublierai jamais. Par la suite, en grandissant, les vacances en famille commencent à devenir une contrainte plus qu’un plaisir. On a des envies de sorties, de plage, de liberté. Ce n’est qu’une fois adulte que l’on recommence à apprécier le retour annuel aux sources.”

“Je déteste qu’on parle de moi comme de l’émigrée’”

Sofia, 20 ans, originaire de la région de Tizi-Ouzou (Algérie)

Depuis que je suis née, je vais tous les étés en Algérie et, même si j’aime mon pays, je suis arrivée à saturation. J’ai eu ma dose. Pendant longtemps, j’ai été contrainte de passer deux mois là-bas, mais, Dieu merci, depuis trois ans, je n’y vais plus qu’un mois. Je suis originaire de Michelet, une ville proche de Tizi Ouzou, en grande Kabylie. Du haut de mes montagnes, je ne passe pas des journées extraordinaires. J’habite à deux heures et demi de la plage. Je n’y vais pas souvent car mes parents travaillent et n’ont pas le temps de nous y conduire avec mes sœurs. Même s’ils me laissent libre de faire ce que je veux, je ne profite donc pas comme je le souhaiterais de mes vacances. Généralement, je dors le matin et, l’après-midi, je vais soit au magasin de ma mère ou bronzer avec mes sœurs dans le jardin. Quand j’étais petite, j’adorais passer mes vacances au bled car je m’amusais à voler par exemple les fruits dans les jardins des voisins. Mais en grandissant, on s’assagit et on ne trouve plus ça très drôle. Je sors peu, je n’aime ni le climat ni la mentalité. En ville, dans les rues, il y a beaucoup plus d’hommes que de femmes, je ne me sens donc pas très à l’aise. Ce qui m’insupporte, c’est lorsque je me balade avec mes copines et que j’entends des remarques comme ‘l’immigrée’, etc. La seule sortie que j’apprécie, c’est celle à la fontaine. Lorsque le soleil tape moins fort, vers 17 ou 18 heures, on prend nos bidons avec mes copines et cousines et on descend la montagne pour aller chercher de l’eau. Le trajet est difficile car on doit suivre un chemin en pente raide, étroit et caillouteux. La fontaine est un lieu de rendez-vous pour les femmes. Elles s’y retrouvent pour se raconter leurs histoires et rigoler. C’est important d’aller au bled, ça nous repose et ça nous ressource, mais si je pouvais passer mes vacances ailleurs, je le ferais sans hésitation.”

“Je parle avec ma grand-mère tous les jour, ça me change de la cité”

Mohamed Kraini, aka MC Braco, 18 ans, originaire de Djerba (Tunisie)

Je ne comprends pas ceux pour qui les vacances au bled ne sont pas un plaisir. Pour moi, c’est comme de dire qu’on n’aime pas voir sa mère. Bien sûr qu’il y a des côtés désagréables, mais ça reste un plaisir. Je me sens chez moi quand je vais en Tunisie. C’est d’abord l’occasion de revoir ma famille, mes grands-parents, mes cousins, oncles et tantes. Un mois et demi, c’est court, on a beaucoup de choses à se dire. Je tiens beaucoup à ma grand-mère, je vais la voir tous les jours, on discute de tout et de rien, ça me change des discussions de la cité, les bécanes, les meufs, etc. C’est ma conscience, ma deuxième mère. La famille fait tout pour qu’on passe des bonnes vacances. Ma mère ne fait rien là-bas. Ce sont mes tantes qui font à manger par exemple et, là-bas, la cuisine a une autre saveur. Je rentre toujours du bled avec quelques kilos en plus. La Tunisie, ça permet d’oublier les problèmes qu’on rencontre ici.

A Djerba, mes parents ont deux villas alors qu’ici, j’habite dans une cité. Eux pensent comme moi, ils travaillent dur ici pour se payer le luxe là-bas. Jamais dans l’excès mais assez pour qu’on se sente bien. Ce que l’on ne peut pas avoir ici, on l’a en Tunisie. Djerba, l’été, c’est aussi plein de touristes. Ils m’offrent la possibilité de me détendre. Je fais comme eux : plage toute la journée, jet ski, parachute, restaurant. Je fais plein de rencontres aussi. Et puis chaque année, on part avec mon frère visiter tout le pays. On passe une semaine ou deux dans une ville : Hammamet, Sousse, Tunis. Cette année, j’espère aller à Monastir. Là-bas, je fais le touriste éclairé : je découvre comme tout le monde, mais je me fais moins avoir que les autres.”

“On n’avait rien, mais on ne faisait que rigoler”

Amel Bent, d’origine algéro-marocaine

“Pour mois, les vacances au bled sont vraiment synonymes de bons souvenirs et de fous rires. J’ai la chance d’avoir toute ma famille en France, donc contrairement à d’autres je n’y allais pas pour ça. Je suis moitié marocaine et algérienne. Dans ma famille, les adultes allaient généralement à Oran, chez ma grand-mère, et nous, les jeunes, on passait nos vacances au Maroc, à Oujda, la ville de mon grand-père. Avant, j’y allais chaque été. On ne partait qu’entre jeunes, on avait un oncle qui habitait là-bas. J’aimais beaucoup la plage d’Essaïdia parce qu’il y avait plein de jeunes, je retrouvais mes amis de France. Nos parents nous y envoyaient en bus, et c’était la misère : je me souviens des bébés qui pleuraient, des sacs qui tombaient à l’arrière de l’engin tellement le chauffeur le surchargeait de bagages. Nos parents nous donnaient 200 francs et on devait tenir un mois et demi, deux mois. A Oujda, avec ma cousine on faisait vraiment les folles. Ma grand-mère est cool en France,
elle nous laisse faire ce que l’on veut, mais une fois qu’on arrive au bled, c’est fini. Là-bas, elle fait attention aux voisins...”

“Je me sens jugée et je n’aime pas l’esprit de village”

Ibticem Kamous, 24 ans, architecte, originaire des environs de Bizerte (Tunisie)

Les vacances au bled, ce sont d’abord de très bons souvenirs d’enfance. Avec mes deux sœurs, on retrouvait mes cousins chaque été. A cette époque, mon oncle et mon père se faisaient construire leur maison. Toute la famille était donc réunie chez ma grand-mère dans une petite ville à côté de Bizerte. Menzel Jemil a une particularité : l’été, sa population se multiplie par trois ou quatre avec les Tunisiens de Grenoble comme nous qui viennent y passer leurs vacances. Enfant, donc, j’avais l’impression que c’était la fête tout le temps, on était ensemble, on allait à la plage tous les jours.

En grandissant, j’ai beaucoup moins aimé mes vacances au bled. J’ai été éduquée en France. Quand je rentrais en Tunisie, je découvrais des comportements qui m’étaient totalement étrangers. Là-bas, à partir de 17 ans, tu es bonne à marier. Un jour, une vieille dame est venue demander ma main à ma mère pour l’un de ses fils. Je ne les avais jamais vus ni elle, ni lui. Aujourd’hui, j’ai bientôt 25 ans, je suis presque périmée ! Mes parents ne se reconnaissent pas non plus dans ces traditions-là. Ce que je n’aime pas, c’est l’esprit du village, chacun croit savoir ce qui est bon pour l’autre. Je ne sais pas au nom de quoi on devait se plier à des règles inexistantes. Les hommes, là-bas, se réfugient derrière la religion, les traditions. Pour moi, ils sont justes frustrés. La religion, ça leur donne du grain à moudre, c’est tout. Au bled, je me sens jugée. Je ne fais rien que venir passer des vacances dans la ville de mon père. Du coup, je lui en ai presque voulu de se faire construire une maison là-bas.”

“Au souk, je me fais passer pour une fille du bled”

Imane, 20 ans, originaire de Casablanca (Maroc)

Pendant longtemps, les vacances au bled pendant deux mois, pour moi, c’était la punition. Mais depuis peu, j’aborde mon départ au Maroc avec plus de joie. Je m’amuse beaucoup plus avec mes sœurs et mes amis. Je passe mes journées à la piscine et le soir je me promène sur la côte, à Casa. Je me souviens, il y a deux ans, j’étais à Rabat avec mes sœurs, et en revenant de la plage, un fou nous a poursuivies avec une hache parce qu’on était des filles de France. On avait vraiment rigolé. Quand on va au souk, je me fais passer pour une fille du bled. Je leur fais croire que je fais des courses avec mes cousines de France en parlant de mes sœurs. Vu que je parle très bien le marocain, les vendeurs me croient et me vendent toujours à moitié prix. Cette année, il me tarde d’y être, parce qu’on a une cousine qui se marie cet été à Fès. On va bien s’amuser et faire la vraie fête. De plus, je n’irai qu’un mois, ce qui me comble de joie. Deux mois, c’est trop long pour moi. Ce sera aussi le premier été où j’irai en avion sans ma mère parce qu’habituellement, je pars toujours avec elle en voiture. Le trajet est fatigant, mais j’aime bien traverser l’Espagne et utiliser les quelques notions d’espagnol que j’ai acquises. Je me souviens qu’une fois, on a attendu plus de deux jours à Algeciras, à la frontière espagnole, avant de pouvoir prendre le bateau. Je garde un très bon souvenir de cet épisode car j’avais l’impression d’être en camping. J’ai fait la connaissance de Marocains hollandais, espagnols et ce fut très enrichissant.”

“Je suis tombé amoureux du bled”

Rim-K 113, musicien, originaire d’Algérie

“Les vacances au bled, c’est avant tout un retour aux sources pour se recadrer. En France, on perd parfois de vue nos traditions, on se laisse manger par les valeurs occidentales. Ça me fait donc du bien d’aller en Algérie. C’est un très beau pays où il y a plein de choses à faire. De plus, une grande partie de ma famille vit là-bas. Avant, je n’allais qu’en Algérie, depuis que je suis dans la musique, j’ai la possibilité d’aller tous les ans en Algérie, au Maroc et en Tunisie pour donner des concerts. J’adore le Maghreb, avec une petite préférence pour l’Algérie. A chaque fois que j’y vais, les gens me le rendent bien. Je suis fier d’être algérien.
Quand j’étais plus jeune, ça se passait comme dans ma chanson ‘Tonton du bled’. On chargeait la voiture à fond et on allait à Marseille prendre le bateau. C’était vraiment dur de passer vingt-quatre heures assis sur un siège, comme au cinéma. Mais, pendant la traversée, on faisait des rencontres avec d’autres. Quand on est jeune, on ne se rend pas compte de l’importance d’aller se ressourcer dans son pays d’origine et de ne pas perdre ses racines. D’ailleurs, quand j’étais plus petit, c’était un peu “relou”, les vacances en famille. On met du temps à s’adapter au mode de vie du bled, à la chaleur, à retrouver ses repères.”

“Ils en rajoutent un max”

Les “blédards” vus par les “zimigris”

Branchés Les vacances au bled réservent des surprises aux Franco-Maghrébins. Ces immigrés de seconde ou troisième génération découvrent la sur-occidentalisation : filles hyper blondes, fast food méga “dégueu”… et plus encore. Florilège d’anecdotes pour des sentiments contradictoires.

Flashs, caméras, foule, acclamations, micros, gardes du corps… tous les “retours au bled” ne sont pas fêtés à la Zizou pour marquer en grande pompe l’arrivée au pays… En revanche, tous les “zmigris” ont la tête pleine de récits émouvants, d’anecdotes impayables, d’images rigolotes, de réflexions étonnantes. Retourner au pays ou retrouver le pays de ses parents n’est pas forcément simple. Le pays a bougé, il n’est plus à l’image de la tradition que les souvenirs ont retenue. Et le regard porté sur ces “zimigris” n’est pas celui qui était espéré.

Ainsi Farida, 45 ans, qui n’était pas allée en Kabylie depuis dix ans, n’en est toujours pas revenue de ces quelques scènes qui lui ont fait réaliser la façon dont la terre de ses parents s’est adaptée aux temps modernes : “J’ai été frappée par les contrastes : dès le lendemain de mon retour, je suis tombée sur quatre jeunes en train de sniffer dans un sac en plastique à côté de ‘barbus’ indifférents. Curieusement, dans la rue, personne ne remarquait cette scène incroyable… Visiblement, cela ne choquait plus. Idem quand on a croisé des femmes voilées fréquentant les mêmes endroits que des filles vêtues de jupes archi mini, le nombril à l’air… Cela faisait rigoler mon mari, tandis que moi, je réalisais que le pays de mes parents vivait à certains égards au même diapason que Paris où je suis née et où j’habite. Ce contraste est frappant pour quelqu’un comme moi qui viens de l’extérieur. Il y a des changements moins sociaux et plus drôles comme la couleur des cheveux des filles : il y a dix ans, je me souviens que toutes les femmes du pays étaient brunes. Aujourd’hui, elles sont toutes blondes… A cause de la teinture. J’ai appris qu’on appelle les fausses blondes, les BBR. C’est l’abréviation de l’expression arabe qui veut dire ‘blonde malgré le consentement de Dieu’… Le phénomène est tel qu’un papi, convive d’un mariage auquel j’assistais, s’est écrié : ‘C’est incroyable toutes ces blondes !’”

Pour Eyet, une expression entendue lors de son récent séjour dans un village de l’Oranie la fait rire dès qu’elle y pense : “Alors qu’un type me draguait lourdement dans la rue, je le rembarre vite fait à la parisienne, du style ‘Oh ça va, fous-moi la paix’. Sur ce il me rétorque : ‘oh la la la, la vache folle !’” Eyet reste également très imprégnée par le spectacle de l’aéroport, où la foule afflue tous les étés pour passer ses journées aux arrivées et départs. “Ils viennent de toutes les régions du pays voir les émigrés revenir ou repartir. La France c’est l’Amérique pour eux. On est des merveilles. Certains hommes n’hésitent pas à approcher les filles, les ‘gazelles’ comme ils disent, pour leur faire, à la sauvette, des propositions de mariage. L’objectif étant de venir vivre dans l’Hexagone. Qu’ils soient jeunes, vieux, hommes, femmes, ils sont là par centaines à nous regarder les yeux grands ouverts derrière les vitres ou à la sortie de l’aérogare. Ce n’est pas une scène particulièrement bruyante, c’est surtout plein de regards émerveillés, hagards… C’est un hobby pour des foules de gens.”

Eyet en Algérie comme Nadia et Asmaa au Maroc s’agacent, sur le ton de la rigolade, du fait qu’il leur est impossible de passer pour de vraies Arabes dans leur berceau familial. Nadia a beau prendre toutes les attitudes locales, essayer de se fondre dans le paysage, parler parfaitement l’arabe, rien n’y fait : “Je vis au même rythme, je pose le même regard sur ce qui m’entoure… cela ne change strictement rien : dans les magasins, la rue, les restaurants, ils me prennent pour une touriste française, constate-t-elle mi-figue mi-raisin. Ce ne serait pas enquiquinant si, dans les boutiques, systématiquement à la caisse, le montant du produit que je suis sur le point de payer ne passait pas à l’euro en même temps que la somme double. Comme si j’étais une vulgaire touriste que l’on peut arnaquer.” Et de conclure : “Il y a de toute évidence un truc qui me trahit pour que les gens n’aient aucun doute sur ma nationalité. C’est quoi ce truc ? Je n’ai toujours pas compris, c’est un vrai mystère.”

Asmaa, 26 ans, déplore tout en souriant, ce même phénomène : “Je débarque, très sûre de moi, comme une vraie Arabe… eh bien, c’est à chaque fois raté : mon interlocuteur me répond immanquablement en Français. Pire, insiste-t-elle toujours sur le même ton amusé, je suis voilée, alors je pensais que je passerais inaperçue au Maroc. C’est à n’y rien comprendre : avec mon voile, les Marocains me regardent comme si j’étais une martienne, alors qu’il y a l’appel à la prière tous les jours dans la ville.” Asmaa tente une explication : “Ils sont très ‘in’ les Marocains. Ils sont parfois beaucoup plus occidentalisés que nous, les Français… d’où éventuellement ce regard sur mon visage voilé.”

Farid, 32 ans, est lui aussi très frappé par cette sur-occidentalisation des Kabyles : “Alors qu’en France, les Arabes ont des paraboles pour capter les émissions d’Afrique du Nord, en Algérie c’est le même paysage, mais cette fois-ci, c’est pour capter les chaînes françaises. Dans la rue, cette occidentalisation donne des mecs avec des coupes de cheveux incroyables : des crêtes façon punk, à la Beckham… La restauration également n’échappe pas à cette mode : il y a des McDeluxe, pâles copies du McDo ou des Quick. Les pizzerias proposent des pizzas à la ‘bichamel’… franchement ‘dégueulasses’. Je suis resté perplexe en lisant des menus qui racontaient l’histoire de la pizza : comme si c’était eux qui avaient ­inventé la pizza… Le bon côté de cette occi­dentalisation, c’est l’émancipation des filles : elles sont aujourd’hui très belles. Et les hommes en sont très fiers : comme tous les types du monde, quand une belle nana passe devant eux, ils sont heureux.”

“J’essaye d’y aller tous les deux ans”

Tunisiano, des Sniper, d’origine tunisienne

“De 6 à 20 ans, j’y suis allé chaque été. Ma mère m’y envoyait avec mes frères fin juin et on rentrait le 16 septembre. On ratait tout le temps la rentrée scolaire. Depuis que je me suis investi sérieusement dans la musique, je ne peux plus y aller aussi régulièrement. J’essaye de m’y rendre tous les deux ans pour voir mes oncles, mes tantes, etc. Mais ce ne sont pas réellement des vacances, plutôt des retrouvailles. Pour être honnête, si je veux aller en vacances, je vais ailleurs. Jusqu’à l’adolescence, j’adorais y aller, je m’éclatais grave avec mes amis. Mais
en prenant de l’âge, les vacances en famille, bof. En grandissant,
on commence à vouloir prendre son indépendance pour sortir avec ses potes.”

“On dort parfois tous ensemble dans la même pièce”

Kenza Farah, chanteuse d’origine algérienne

“Le retour au bled, ça m’évoque les racines, la famille. Là-bas, je retrouve des odeurs, des goûts de nourritures qui m’évoquent mon enfance. On y va souvent l’été, plus particulièrement lorsqu’il y a des mariages. C’est important de ne pas oublier d’où l’on vient. Quand j’étais petite, il y avait la mer, c’était vraiment bien. Maintenant, j’aime aller au bled pour me reposer et profiter de ma famille. Il y a vraiment une bonne ambiance, on dort tous dans la même pièce. Même si c’est par terre, l’essentiel, c’est qu’on soit tous ensemble. J’ai vu le jour en Algérie. Ma mère était enceinte de moi quand elle est allée passer ses vacances au bled et comme elle est restée plus longtemps que prévu, elle a accouché là-bas.”

“Ils se la pètent”, les “zimigris” vus par Les “blédards”

Regard Au pays, les Franco-Maghrébins sont attendus comme le loup blanc : par leur famille, qui se réjouit des retrouvailles, et par les commerçants, qui se frottent déjà les mains en prévision des bonnes affaires. Quant aux autres, ils les attendent avec un sourire mi-figue, mi-raisin. Reportages à Alger, Tunis et Casablanca.

En Algérie

“A nous les filles à double nationalité”

Nos émigrés ? On les aime bien. Ils ne marchandent pas et dépensent sans compter. Si tous les Algériens faisaient leur marché comme eux, nous serions presque milliardaires.” Comme beaucoup de commerçants, Abdelghani voit son chiffre d’affaires exploser lorsque les Algériens de l’étranger reviennent au bled pour les vacances d’été. C’est donc avec impatience que ce jeune propriétaire d’un commerce de fruits et légumes en Kabylie attend ce retour, synonyme de retrouvailles et de joie, mais aussi de profits conséquents. “Lorsque le franc valait un dinar, ils rentraient discrètement au pays pour y passer quelques semaines avant de repartir en France tout aussi discrètement. Au­jourd’hui que l’euro vaut 100 dinars, ils vivent très bien. Il est loin le temps où ils ramenaient des fripes pour les revendre et améliorer l’ordinaire. Hier, nos émigrés étaient des fourmis, aujourd’hui ils passent pour des cigales. Que Dieu nous les garde”, ironise encore ­Abdelghani.

Chaque été, ils sont presque un million d’Algériens, pour l’essentiel établis en ­France, à débarquer dans les ports et les aéroports. Si certains optent pour les hôtels situés dans les stations balnéaires, une grande majorité préfère rejoindre le village d’origine, là où les uns et les autres possèdent une propriété et là où les liens familiaux et tribaux demeurent solides malgré l’exil et l’éloignement. Depuis la dépréciation du dinar face à la monnaie européenne, beaucoup d’émigrés ont réussi à acquérir de belles voitures, à construire de grandes maisons au bled et même à ouvrir des commerces pour leur progéniture.

“Ils paient, sans poser trop de questions"

Une nouvelle génération d’expatriés préfère acheter un appartement en ville. Certains sont loués le reste de l’année, tandis que d’autres restent tout simplement inoccupés. De plus en plus de vacanciers de France optent pour la location de bungalows ou de cabanons sur la côte, et ce, pour le bonheur des agences immobilières. Portés sur la fête, les jeunes se dépensent dans les boîtes qui essaiment le littoral. “Les émigrés paient sans poser trop de questions, affirme un connaisseur du milieu. Bien sûr, les autochtones râlent contre ces gens dont le comportement fait grimper en flèche le prix des locations. Mais c’est la loi du marché.”

“Ils me veulent tous comme beau-père”

Evidemment, les émigrés ne sont pas tous riches et tous ne sont pas vus d’un œil goguenard par leurs compatriotes du bled. Parisienne depuis une quinzaine d’années et veuve depuis peu, Houria travaille comme assistante maternelle dans un quartier de Saint-Cloud. Mère de deux enfants, elle ne manquerait pour rien au monde ses vacances au bled. “Dans le passé, nous avions pour habitude de louer un appartement dans la région d’Alger. Aujourd’hui, les propriétaires nous voient comme des super millionnaires et deviennent de plus en plus gourmands. Du coup, je vais chez mes parents”, dit-elle. En dépit de cette substantielle économie sur le loyer, elle doit tout de même prévoir un budget supérieur à 2500 euros pour un mois de vacances. “Il faut compter les billets d’avion, les cadeaux aux proches et les dépenses sur place. En somme, toutes mes économies sont consacrées à notre séjour en Algérie. Je ne le regrette pas, loin de là, c’est mon choix.”

Chef d’une entreprise de matériaux électroniques dans la banlieue parisienne, Farid ne lésine pas sur les moyens. Pour ses vacances, il descend en famille dans un grand hôtel de la capitale. Chambre de luxe, piscine et repas bien arrosés, l’escapade est un rituel immuable. “Avant je passais mes vacances dans mon village en Kabylie, maintenant j’y fais un tour juste pour voir les parents et les amis. Depuis que les filles d’émigrés sont très convoitées pour cause de double nationalité, tous veulent m’avoir comme beau-père. Bien sûr, ce n’est pas pour les beaux yeux de ma fille, mais parce qu’elle possède la nationalité française. À la longue, c’est lassant”, soupire Farid.

Loin d’être un cas isolé, cette anecdote tend à se généraliser dans certaines régions d’Algérie, particulièrement en Kabylie où l’on compte une très forte population d’émigrés. Vingt ans ou trente ans plus tôt, les parents avaient du mal à marier leurs filles nées en France, considérées comme des filles faciles. De nos jours, ils n’ont que l’embarras du choix. Faute de visas, nombre d’Algériens sont en quête d’une ressortissante de France pour obtenir les papiers français. “La chasse aux filles possédant la double nationalité s’ouvre dès le début de l’été, témoigne Mourad, chauffeur de taxi et dont les beaux-parents vivent à Montreuil. Même moche ou tétraplégique, une Franco-Algérienne est certaine d’avoir une vingtaine de prétendants devant sa porte. Ces jeunes filles sont une denrée très recherchée.”

Jadis, affirme Djamel, journaliste dans un quotidien d’Alger, les enfants d’émigrés nous snobaient. “Bien fringués, ils nous narguaient avec leur accent parigo. Hier, les Parisiennes choquaient par leurs tenues provocantes. Aujourd’hui, la dernière lycéenne d’un village perdu de Kabylie écoute Britney Spears et s’habillent en Lolita.”

En tunisie

Les Tunisiens de France sont privilégiés lorsqu’ils arrivent en vacances ici. On a des instructions très précises de l’Etat qui exige qu’on se montre prévenants à leur égard et qu’on ne les embête pas. Je comprends cette volonté car ce sont des citoyens tunisiens à part entière qui ne visitent leur pays qu’une fois par an, mais cela entraîne parfois des dérives.
Ces privilèges leur montent à la tête et ils ont parfois des attitudes indécentes. Ils sont bruyants et essaient par tous les moyens de se faire remarquer quand ils sont en voiture par exemple.

C’est drôle de les voir arriver avec leurs tenues branchées et siglées de la tête au pied. A croire qu’ils veulent nous en mettre plein la vue. Ils oublient que la Tunisie est un pays moderne !”

Amine, 25 ans, étudiant, et Lassaad Toujani, 31 ans, entrepreneur

“C’est assez drôle de voir nos compatriotes tunisiens arriver de Marseille par bateau. Il faut y assister au moins une fois. Ils débarquent souvent avec des frigos et des gazinières ! Mais pour qui nous prennent-ils, franchement ? Ce n’est pas le tiers-monde ici ! Ils ont un côté touchant quand ils essaient de s’intégrer comme ils peuvent en baragouinant un dialecte tunisien à la sauce française. On voit bien que le pays leur manque. Généralement, les émigrés tunisiens sont issus de classes très moyennes. En les voyant arriver avec leurs voitures toutes neuves, avec les villas de rêve qu’ils se font construire ici, on a l’impression qu’ils économisent toute l’année en France...”

“Le souk dans la R25 bourrée à craquer”

Moncef Zerka, footballeur d’origine marocaine

“La première chose qui me vient en tête quand j’évoque les vacances au bled, c’est le souvenir des préparatifs à Orléans. On faisait tout au dernier moment, et c’était aux enfants de faire les bagages pour que mon père puisse se reposer avant le grand voyage qui l’attendait. La Renault 25 était bourrée à craquer. Dans la voiture, avec mes frères et sœurs, c’était assez agité. Un jour, en faisant le fanfaron j’ai même cassé la boîte de vitesses ! Autant dire qu’on était dans la panade. Heureusement, on avait de la famille à Madrid qui nous a hébergés en attendant que la voiture soit réparée. Du Maroc, je ne conserve que des bons souvenirs. On retrouvait les cousins, les cousines, on faisait les 400 coups ensemble. Ma famille est originaire de Mekhnès, mais on séjournait aussi à Tanger et Casablanca. La famille nous posait toutes sortes de questions sur la vie en France. Leur curiosité était insatiable. Je passais beaucoup de temps à jouer au foot avec les grands. On m’avait déjà repéré et tout le monde me voulait dans son équipe. J’ai bien envie de refaire un jour le voyage en voiture pour revivre mes sensations de jeunesse. Et cette fois je serai au volant.”

Au maroc, le ciel, les oiseaux et les MRE

En cette fin de journée chaude et ensoleillée, la grosse BMW (“de location”, avancent les uns) immatriculée “bleu blanc rouge” déboule dans le quartier du marché et de la mosquée de Maârif, à Casablanca. Et comme si les passagers n’avaient pas été suffisamment remarqués, ils montent le son de leurs tuners à fond les ballons, et sortent de la voiture en roulant des mécaniques avec leurs habits griffés “Réussite”. Pendant ce temps, les fidèles ne vont pas tarder à rejoindre la mosquée, tandis que d’autres palabrent calmement en terrasse de café. Cette scène, nombre de Marocains l’ont en tête à l’approche des beaux jours, mais elle revient comme une arête de poisson dans leurs conversations. Cette scène, qui affiche sans conteste le fossé entre MRE – les Marocains résidant à l’étranger – et les Marocains – tout court – se passe aussi bien à Rabat, Casablanca, Marrakech qu’à Agadir.

“Avec les premiers rayons du soleil, les discussions tournent autour de ces deux sujets : les vacances et l’arrivée des MRE”, constate amèrement Halima. Pour cette médecin de Casa, si l’été est signe de chaleur et bonheur, il marque aussi avec froideur les rapports humains entre Marocains et “beurs”. “La piscine du Tropicana, je n’y vais plus. Les MRE sont bruyants, ils ne respectent rien. Trop choyés par l’Etat pour leurs devises, ils se croient au-dessus des lois.” Les propos de Tayeb ne sont guère plus enthousiastes. A 32 ans, ce Marocain pur souche et amoureux de son pays, raille : “Ils flambent ! En plus, sans vouloir généraliser, ils ne se considèrent pas comme marocains. Ils sont égarés”, déplore-t-il en guise de conclusion.

Pour Siham, jeune secrétaire de 26 ans, “sur les routes et les plages, question conduite et propreté, c’est insupportable”. Mais pour cette jeune femme, fière des valeurs traditionnelles du Maroc, le pire, c’est surtout ce souvenir d’un hôtel d’Agadir où confie-t-elle, “j’ai vu des parents qui osaient boire de l’alcool à côté de leurs enfants”. Le son de cloche est différent du côté de chez Fatima, responsable d’un magasin à Casablanca. Même si elle confirme le manque de civisme des “beurs” en général, cette quadragénaire sourit puis explique : “Les MRE consomment ; ils ont un pouvoir d’achat qui n’est pas sans laisser les commerçants indifférents.”

Amel travaille dans la communication et se plaît à rappeler une anecdote : “Chez Marjane, on reconnaît les ‘beurs’ à deux choses : la boîte de camembert dans une main, la bouteille de rouge dans l’autre. C’est trop comique, même si, dans le fond, cela ne nous fait pas vraiment rire.”

Et le béret basque ? Elle n’en a pas fait mention ? Normal, penserait-on, avec cette chaleur. Mais remarquez, un tarbouche bleu serait de bon ton. Une façon intéressante de réunir les couleurs de la France avec une touche locale. Soit une belle réconciliation.

En quête d’authenticité

Vous ignorez où se situe Toumanar, vous ne connaissez rien à l’argan ou à la cuisine traditionnelle ? Profitez de vos vacances pour découvrir le bled autrement. Des associations vous proposent des séjours qui feront de vous un vrai blédard.

Les vacances sous le signe du partage

Une nouvelle mode ? Un nouveau passe-temps pour des bobos écolo ? Non, mieux que ça, des vacances solidaires. Ici, pas de balade à dos d’âne guidée par un Touareg. La découverte du patrimoine, le contact avec les villageois, le partage et l’échange des savoirs, l’aide au développement, voilà la recette d’un voyage à la dure. L’association Asays est un exemple à méditer. Ce petit groupe de Franco-Berbères de Saint-Denis (93) a décidé de faire connaître sa région d’origine, celle d’Agadir, différemment. Ils voulaient faire de l’humanitaire, mais ils ont opté pour l’organisation de séjour en immersion pour les jeunes de Saint-Denis et d’ailleurs.

C’est un voyage dans le Maroc profond. De la mer vers les terres ocre de l’Anti-Atlas, bien loin de la région parisienne. D’Agadir, le voyageur est transporté, au sens propre comme au sens figuré, au sommet des montagnes d’argile et de manganèse en passant par les médinas, les souks et les vestiges de l’histoire, à Tiznit, Sahel, Toumanar ou Tafraout. Pendant huit jours, il est plongé dans le quotidien des pêcheurs, des agriculteurs, des bijoutiers de la coopérative de Tiznit, des femmes de Tizourguiwine… Il est initié aux techniques traditionnelles agricoles et à la cuisine au feu de bois. L’un des moments forts reste la découverte de la vallée d’Ammelen et de Tafraout, au pays des amandiers. Plus besoin de charger le porte-bagages de la Peugeot pour aller s’éclater au pays. L’image de l’immigré qui rentre au pays pour visiter sa famille est révolue. Pour Ali Idelouali, président d’Asays, “les Franco-Maghrébins sont des Français à part entière et doivent inventer de nouvelles formes de solidarité. On assiste au renouvellement d’une solidarité internationale issue des migrations”.

Connaître et soutenir le pays

L’initiative d’Asays est née d’un constat sans équivoque : “Beaucoup de Maghrébins vivant en France ne connaissent pas bien le pays. Nous leur proposons de découvrir leur culture sans pour autant devenir des touristes extérieurs.” C’est toute la dialectique qui semble avoir évolué. “La notion de bled a changé. Avant, les immigrés entendaient par ce mot leur propre village. Désormais, cette notion englobe le pays entier.” Pour les organisateurs, l’objectif est de créer un pont entre le pays d’origine et le pays d’accueil en nouant des liens culturels et humains : “Nous essayons de faire en sorte qu’en revenant, ils soutiennent les associations, les coopératives qui foisonnent dans le pays et qui sont presque un modèle en termes de dynamique de société civile.”

Le souvenir de la solidarité

Pour ce type de voyage, les groupes sont limités à quinze ou vingt personnes. On est très loin du tourisme de masse. Les intervenants sont payés “au juste prix”. Il n’y a plus d’intermédiaires entre le fournisseur de services et le voyageur. Ainsi, les villageois qui accueillent les estivants, les associations qui les encadrent, les coopératives, le personnel chargé de la restauration, tous sont rémunérés par l’association. Sur la somme acquittée par les participants, 49 % sont dévolus aux transports, 41 % aux prestations offertes par les habitants et 5 % au soutien d’associations locales sous forme de distribution de cartables comprenant des fournitures scolaires et des livres.

Zouhra Laisaoui 35 ans, analyste crédit, partie en 2006 avec Asays

Les plus : C’était mon premier voyage solidaire. Je connaissais le Maroc, mais pas cette région. J’ai été fascinée par ces associations très structurées et organisées. On n’a rien à leur apprendre. Elles sont riches de projets. Le voyage en lui-même a été un grand moment de convivialité, dans un esprit positif et volontaire. L’accueil a été formidable, les gens ont été si patients et généreux.

Les moins : Le séjour est trop court et l’agenda trop chargé. J’aurais aimé participer à un projet, du début à la fin, notamment avec les coopératives de femmes productrices d’argan. Elles avaient un problème de conditionnement et j’aurais aimé les aider immédiatement.

Halte obligatoire chez Karim, le garagiste

504 break chargée, allez, montez les neveux”, “Tonton du bled”, un titre du groupe 113 raconte les différentes étapes des vacances au bled, du départ au retour. Le titre oublie pourtant la halte sans laquelle rien ne serait possible, le passage chez le garagiste. Les vacances au bled, une souffrance de plus pour les amortisseurs des voitures, une manne financière inespérée pour les garagistes. Rue Jean-Pierre-Timbaud, Karim, le patron du Petit garage, discute avec un vieux Tunisien. Avec nostalgie, ils évoquent “la 404 bâchée”, première voiture au monde qui a réussi en Tunisie. “Ça, c’est costaud, elle tombe en panne, un coup de marteau, elle redémarre.” Pas besoin de garagiste, alors ?

Pas tout à fait. Les temps ont changé. Karim n’a plus qu’un client qui lui amène chaque année sa 404. Visiblement, les coups de marteau ne suffisent plus. Et Karim s’est spécialisé dans les cas désespérés. Ses clients viennent “de toute l’Ile-de-France sans publicité, que du bouche-à-oreille. Mai, juin, juillet et même août, ce sont de bons mois pour les garagistes. Pour moi, c’est la récolte pour toute l’année. La contrepartie, c’est que je suis le dernier à partir.” Chaque année, c’est le même rituel, “une révision et tout ce qui est nécessaire pour que la voiture ne tombe pas en panne et pour partir en sécurité. On vient aussi refaire la peinture parce que, quand même, il faut montrer à la famille là-bas qu’on a une voiture présentable”. Plus de 404, encore quelques 504 (“qui marchent sans problème”) : avec quelle voiture part-on au bled ? Une Golf, une Mercedes 200 ou 250. Mais la tendance n’est pas au retour. Pour Karim, la solution idéale pour partir au bled, c’est de s’acheter une belle voiture ici, de la laisser au pays, et de rentrer ensuite en avion. C’est ce qui revient le moins cher. À la mi-août, c’est le décollage, Karim quitte la rue Jean-Pierre Timbaud pour Sfax, “la capitale la plus riche, tu fermes les routes et tout le monde est mort en Tunisie”. Une région à l’image de Karim sans qui ses clients ne partiraient pas au bled.

Pour bien charger sa voiture

Charger sa voiture en prévision d’un long voyage relève de la science et de l’art. Un chargement réussi suppose une planification minutieuse et logique.

Quelques conseils :

• Veillez à ce que les freins soient en bon état. En raison de la charge supplémentaire du coffre, le système de freinage est fortement sollicité et la distance de freinage est plus longue.
• L’emplacement idéal pour les bagages est le coffre !
• Ne posez pas d’objets sur la plage arrière pour garder une bonne visibilité et ne pas risquer d’être blessé par un projectile en cas de freinage brutal.
• Veillez à ce que les phares avant soient bien réglés. En raison des bagages entassés dans le coffre, l’avant de la voiture est un peu plus élevé.
• Dans le cas d’une voiture familiale, d’un break ou de tout autre véhicule à espace à bagages ouvert, assure-vous qu’aucun colis ne se transforme en projectile lors d’un freinage. Pour cela, il faut s’y prendre avec méthode : logez d’abord les bagages les plus lourds et plus volumineux, et puis casez les sacs plus petits dans les niches pour éviter des vides. Pensez à attacher les bagages avec une courroie afin d’éviter qu’ils ne bougent. La plupart des véhicules sont maintenant équipés d’un filet séparateur. Une autre solution : le chargement sur le toit du véhicule. Il ne faut pas oublier qu’un toit chargé peut fortement influer sur la maniabilité du véhicule. Dans ce cas, il faudra porter une attention particulière aux courbes de la route et être beaucoup plus vigilant dans les virages serrés.
• Ne fixez rien sur le toit de la voiture sans dispositif adapté et agréé : barres de toit, galerie, sangles. Le Code de la Route précise que :
“Toutes précautions utiles doivent être prises pour que le chargement d’un véhicule ne puisse être une cause de dommage ou de danger. Tout chargement débordant le contour extérieur du véhicule doit être solidement amarré.”
• La largeur du chargement ne doit pas dépasser 2,55 m.
• Dès que le chargement dépasse de plus d’un mètre l’arrière du véhicule, il doit être muni d’un dispositif réfléchissant. Ce dispositif sera complété d’un feu rouge la nuit ou lorsque la visibilité est mauvaise.
• En cas de dépassement du poids total autorisé, la gendarmerie immobilise et déleste le véhicule. Le conducteur encourt alors une contravention de quatrième classe (amende forfaitaire de 135 euros), voire de cinquième classe (amende jusqu’à 1500 euros) en cas de dépassement excédant les limites réglementaires de plus de 20 %. Le casse-tête inévitable les cadeaux à la famille

shopping Finie l’époque des gros sacs bleu-blanc-rouge débordant de souvenirs made in France et ficelés sur les toits des voitures. Les temps changent, et les présents aussi...

Quartier Barbès, à Paris, un après-midi de mai. Le ciel est gris et menaçant, mais pourtant rien n’y fait : ça sent déjà les vacances ! Promotion sur les valises à roulettes et grande liquidation sur les maillots de bain et les serviettes de plage, les vitrines barbessiennes ne trompent pas. Et si le quartier est rarement calme, aujourd’hui, c’est la totale effervescence. Partout, des clients – et surtout des clientes – s’affairent les bras chargés de sacs plastiques roses, noirs ou bleus.

Hassan, un ancien du quartier, tient un magasin de musique sur le boulevard de La Chapelle. Ce n’est pas la meilleure période pour son petit commerce, mais il est le témoin, tous les ans, de ce même cérémonial : “Il y a deux moments dans l’année où il y a foule dans le quartier : c’est pendant le ramadan et à l’approche des grandes vacances. Tout le monde n’achète pas forcément, mais c’est comme une sorte de rendez-vous, ça fait partie de l’ambiance.”

L’un des temples de la consommation à Barbès reste incontestablement la maison Tati, avec sa légendaire enseigne rose et bleue, et ces centaines de mètres carrés de rayons discount. Et malgré les clichés qui tendent à la ringardiser, la maison a toujours autant la cote, et sa clientèle est plus diversifiée que ce que l’on croit.

C’est d’ailleurs dans l’une de ses allées que nous rencontrons Latifa, mère au foyer, accompagnée de ses deux filles. Elles aussi préparent leurs vacances au pays, même si elles ne sont pas venues chez Tati pour des cadeaux, mais pour se faire plaisir. “Nous étions censées aller au marché Saint-Pierre, à deux pas d’ici, pour acheter des tissus pour la famille, et nous nous sommes arrêtées ici en cours de route pour faire quelques emplettes. Pour nous, les cadeaux se limitent à un ou deux articles par personne. C’est vrai qu’il y a encore une dizaine d’années, on nous demandait souvent des ‘vêtements de l’étranger’ ou ‘de l’extérieur’ comme on disait. Mais aujourd’hui, à Casa, on retrouve toutes les grandes marques comme Zara ou Mango. La seule chose qu’on nous demande encore, ce sont certains produits de beauté qui sont moins chers en France. Et aussi pas mal des tissus indiens. Là-dessus, il y a encore de bonnes affaires à dénicher.”

Le célèbre “sac Miterrand” vivrait-il ses derniers jours ? Cette grande poche carrée, réputée à toute épreuve, qui doit son surnom à ses bandes tricolores bleu-blanc-rouge, a longtemps été l’emblème du vacancier de retour au pays. Mais il faut croire que les mœurs changent, et l’envie de voyager léger l’emporte peu à peu sur celle d’impressionner les siens avec des tonnes de présents : “Pendant longtemps, les immigrés qui rentraient une fois par an n’osaient pas revenir auprès de la famille les mains vides. Ça aurait été comme un échec, commente Badraoui, vendeur chez Tati. Aujourd’hui, les mentalités changent. Il y a toujours autant d’achats avant les vacances, mais c’est plus des achats personnels. En cadeaux, ce sont surtout des parfums et des vêtements pour enfants. Mais j’ai remarqué que les clients algériens, contrairement aux marocains par exemple, comparent les prix et préfèrent souvent acheter en Algérie où on trouve beaucoup plus de produits étrangers et bon marché depuis quelque temps. Pour ma part, je rentre bientôt en Algérie, et je ne compte rien emmener d’autre que ma trousse de toilette ! Plutôt que des cadeaux, je préfère donner de l’argent, comme ça, je suis plus à l’aise pour voyager, la famille s’achète ce qui lui fait plaisir, et tout le monde est content !”

Acheter un bien immobilier au pays

Vacances riment souvent avec projet immobilier. Acheter, construire ou louer ne sont toutefois pas des entreprises anodines. Des experts vous conseillent.

Maroc : un marché immobilier de plus en plus structuré Le premier conseil de M. El Chammah, patron du Salon Smap Immo, relève du bon sens. “Bien connaître le pays et la région dans laquelle on souhaite s’établir en s’informant sur le marché. Notamment en commençant par visiter le Smap Immo, grand observatoire de la concurrence, qui a lieu tous les ans au mois de mai. Les agences immobilières officiant au Maroc possèdent généralement des sites Internet, il ne faut pas hésiter à les consulter ainsi que les revues spécialisées, type Clefs en main ou la Centrale Immo. Si 80 % des transactions immobilières s’effectuent en dehors du circuit des agences, il est recommandé à un Marocain résidant à l’étranger, s’il vient au Maroc, de s’approcher d’une agence immobilière ayant pignon sur rue, afin de bénéficier des conseils d’un professionnel et de procéder à une recherche de bien de manière transparente et sécurisée. Il peut également s’adresser à la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI) pour collecter des renseignements sur les promoteurs de la place, leurs programmes, leur crédibilité.”
Acheter ou construire ?

Construire sa maison dans son pays d’origine ? Si ce rêve est partagé par de nombreux MRE, il nécessite quelques mises en garde. Selon M. El Chammah, “d’une manière générale, il est préférable d’acheter un bien construit. C’est la tendance qui est observée actuellement. En particulier pour ceux qui ne souhaitent pas s’établir toute l’année au Maroc. Pour les autres, il est préférable de louer une année ou deux, le temps de s’habituer aux us et coutumes locales et aux mentalités avant de se lancer dans l’aventure de la construction. Manière également de mieux cerner l’offre immobilière disponible (terrains, sites, etc.) et le coût de la construction. Faire son choix en toute connaissance de cause est à ce prix. Trois questions s’imposent lorsqu’on décide d’acheter ou de construire un bien immobilier : de quel budget dispose-t-on ? Que compte-t-on faire du bien acheté ? Quel est l’horizon de placement ?

Première étape : l’achat d’un terrain. De préférence viabilisé (avec de l’eau, de l’électricité). Le contraire engendre des dépenses qui peuvent “faire mal”. Puis le choix d’un architecte. Ce dernier est un maillon essentiel. Juger sa compétence est un élément subjectif qui reste de votre ressort. N’oubliez pas que c’est lui qui dessinera la maison, orientera vos choix et décisions.

Seconde étape : se renseigner auprès de l’agence urbaine pour connaître les réglementations (strictes) de construction. C’est à ce moment seulement que le dialogue entre l’architecte et le client débute. Une fois l’accord conclu, il débouche sur une première esquisse et sur le contrat d’architecture (5 % du coût total de construction en général). Mais sachez que c’est le taux officiel et que tout est négociable.

Vient ensuite le bal des permis : déposer un permis de construire auprès de la municipalité qui permet l’instruction du projet par l’agence urbaine. Cette dernière le valide et le transmet une dernière fois à la municipalité pour obtenir le droit à la construction. Les travaux commencent. Pensez à souscrire des assurances couvrant la période de chantier, puis à faire appel à un ingénieur béton pour garantir la stabilité de la structure. Enfin seulement les travaux débutent. La dernière étape est une vérification de la fin des travaux par la commune qui peut alors délivrer un certificat de conformité.

Financement : des solutions multiples

Financer l’achat d’un bien immobilier, c’est d’abord choisir avec discernement la banque auprès de qui le crédit va être souscrit. En matière d’investissement immobilier, les banques marocaines proposent des solutions alléchantes. Toutes ou presque proposent de crédits à hauteur de 100 %, qui peuvent s’échelonner sur vingt-cinq ans au maximum même si la durée la plus utilisée est quinze ans. Les banques permettent le choix d’un taux fixe ou variable. Et de passer de l’un à l’autre (moyennant des frais supplémentaires) en cours de remboursement. Les MRE sont particulièrement soignés. Toutes les banques disposent de crédits spécialement conçus pour les résidents étrangers. A la Banque populaire, par exemple, le “prêt habitat” peut atteindre 90 % du coût global d’acquisition ou de construction. Il permet des délais de remboursement pouvant aller jusqu’à vingt ans et le choix entre un taux fixe et variable. Chez Attijariwafa Bank, le crédit Miftah propose à peu de choses près les mêmes prestations, mais affiche en plus la possibilité de bénéficier d’un différé de remboursement de trois à douze mois. Le choix de la banque est difficile, il peut être déterminé par les frais annexes (frais de dossiers, TVA, frais d’assurance). Pour les MRE, la première étape consiste à ouvrir un compte au Maroc, convertible en dirhams, duquel sera débité le remboursement du crédit choisi.
Du fait de l’explosion du marché de l’immobilier au Maroc, les taux d’intérêt sont historiquement bas : 14 % en 1995, moins de 6 % aujourd’hui.

Le Courrier de l’Atlas

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