Refoulé à Orly, il découvre qu’il n’est plus Français

31 juillet 2024 - 07h00 - France - Ecrit par : S.A

Parti en Algérie pour les funérailles de son père, Abdel, un fonctionnaire français revient en France et se trouve confronté à un problème majeur. Il est refoulé du territoire à sa descente d’avion, à Orly (Val-de-Marne), puis placé en rétention. Libéré quatre jours plus tard, il se bat pour récupérer son passeport français.

En quittant l’Algérie le 21 juillet pour la France, Abdel, un fonctionnaire territorial, était à mille lieues d’imaginer ce qui l’attendait à l’aéroport d’Orly (Val-de-Marne). Lors du contrôle des passagers, les agents de la PAF, la police aux frontières le refoulent du territoire français au motif qu’il fait l’objet, depuis 2020, d’une fiche administrative émanant de la préfecture de Seine-Saint-Denis le désignant comme étranger, rapporte Le Parisien. Ce que cet homme de 55 ans né en France en 1969 ignorait. Commencent alors les déboires du quinquagénaire. Son fils de 19 ans qui a effectué le voyage avec lui a quitté l’aéroport avec sa mère, mais Abdel a été placé en rétention à Orly pendant quatre jours, loin de ses quatre enfants. Pourtant, c’est un homme qui a toujours voté en France et n’a jamais eu de problème à voyager à l’étranger avec son passeport français.

À lire :Accusé d’être pro-marocain, un journaliste algérien refoulé à Alger

Ses papiers (passeport français biométrique) ont été confisqués. « On me parle de ce papier qu’aurait signé mon père, dont je n’avais jamais entendu parler, raconte le fonctionnaire territorial. On me fait comprendre que j’ai été déchu de la nationalité après ma naissance. 55 ans après, je n’étais plus Français. C’était lunaire, complètement fou. » Il s’agit d’un papier signé par son père algérien en 1970. Cette feuille indique son défunt père avait accepté de renoncer à la nationalité française pour lui et ses enfants. Un décret publié après les accords d’Évian de 1962, marquant la fin de la guerre d’Algérie, confrère un caractère légal au papier en question. Mais à l’époque, « on faisait signer de force beaucoup d’Algériens », assure Abdel. Son père, illettré, aurait peut-être signé de force cette feuille. L’ancien président français François Mitterrand aurait toutefois aboli ce décret, devenu caduc aujourd’hui.

À lire :La France expulse au Maroc le Gilet jaune Abdel Zahiri

Le 25 juillet, Abdel quitte Orly pour le tribunal de Créteil (Val-de-Marne). Une juge des libertés et de la détention (JLD) se penche sur son cas. « Elle a bien vu que rien ne tenait debout », souffle le fonctionnaire français. Il est remis en liberté. « C’est simple : une fiche sort, on applique les règles avec des vérifications. Et au bout de 96 heures, c’est le juge qui décide de façon souveraine », développe une source interne à la PAF d’Orly. Mais l’avocat de la PAF ne lâche pas. L’affaire est pendante devant la cour d’appel de Paris. Abdel et son avocat étaient absents à l’audience. « Ce n’était pas dans notre intérêt d’y être. En cas de décision défavorable, Abdel aurait été arrêté et mis dans un avion », revendique Marcel Baldo. Il dit n’avoir « jamais vu ça en 38 ans de barreau. C’est kafkaïen. »

À lire : Le Maroc refoule des MRE à Sebta

De retour chez lui, Abdel se bat pour récupérer son passeport français. Il a engagé une procédure de possession d’état (établissement d’un lien de filiation) au tribunal de Bobigny. Il a également déposé une demande de titre de séjour. Le tribunal de Créteil lui a permis d’avoir un visa de huit jours, le temps qu’il se régularise. Le quinquagénaire peut compter sur le soutien du maire de Bobigny, dont il est le beau-frère. Celui-ci a adressé un courrier au préfet du 93 pour appuyer ses demandes. Si le fonctionnaire territorial a repris son travail lundi, il n’est pas près d’oublier cet épisode de sa vie. « Je ne vais pas en rester là, prévient-il. Je veux obtenir réparation. On m’a retenu quatre jours, c’était très pénible. Je ne veux pas que ça arrive à d’autres fils d’Algériens. »

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : France - Algérie - Immigration - Orly

Aller plus loin

Le Maroc refoule des MRE à Sebta

Plusieurs familles de Marocains résidant en Europe ont été bloquées à la frontière de Tarajal par les autorités marocaines pour non-respect des exigences sanitaires liées au...

La France expulse au Maroc le Gilet jaune Abdel Zahiri

L’activiste Abdel Zahiri a été expulsé de France la nuit dernière suite à une obligation de quitter le territoire. D’origine marocaine, il était connu pour son engagement dans...

Un convoi de dons français refoulé à Tanger

La douane marocaine à Tanger a refoulé un camion rempli de dons pour les sinistrés du séisme d’Al Haouz, en provenance des Pyrénées-Orientales.

El Grande Toto refoulé à l’aéroport de Casablanca

Le rappeur marocain El Grande Toto a été refoulé jeudi matin, par la police des frontières de l’aéroport international Mohammed V de Casablanca. Il lui a été notifiée une...

Ces articles devraient vous intéresser :

Éric Ciotti (Les Républicains) en visite au Maroc

Une délégation du parti Les Républicains, menée par Éric Ciotti, a annoncé sa visite au Maroc du 3 au 5 mai prochains dans le but de poursuivre « une relation de fraternité et de responsabilité » avec le royaume.

Expulsions de France : autrefois protégés, ils sont désormais visés

Depuis la promulgation de la nouvelle loi « asile et immigration » en France, les expulsions sous OQTF visent désormais plusieurs catégories d’étrangers autrefois protégées par la loi.

Les Marocains parmi les plus expulsés d’Europe

Quelque 431 000 migrants, dont 31 000 Marocains, ont été expulsés du territoire de l’Union européenne (UE) en 2022, selon un récent rapport d’Eurostat intitulé « Migration et asile en Europe 2023 ».

Ouverture exceptionnelle de la frontière entre le Maroc et l’Algérie

La frontière entre l’Algérie et le Maroc a été exceptionnellement ouverte cette semaine pour permettre de rapatrier le corps d’un jeune migrant marocain de 28 ans, décédé par noyade en Algérie.