Le ministère de la Maison royale, du Protocole et de la Chancellerie met en garde contre l’utilisation de fausses photos de la princesse Lalla Latifa, veuve de feu Hassan II et mère du roi Mohammed VI décédée samedi à l’âge de 78 ans.
Au fil des ans, de 1972 à votre cavale de quelques jours, en 1987, vos conditions de détention deviennent de plus en plus épouvantables. Vous tenez pour acquis, dans le récit que vous en faites, que c’est Hassan II qui décide personnellement, et dans le moindre détail, du sort qui vous est réservé, et qu’il est donc directement responsable de cette descente aux enfers...
J’affirme, en effet, qu’il en est ainsi et je mets au défi qui que ce soit de me contredire. Hassan II a toujours dirigé personnellement les affaires du royaume. A fortiori celles de ce qu’il appelait son « jardin secret », dont notre détention, cruelle et arbitraire, était le fleuron.
Comment comprendre une vengeance si implacable, qui s’exerce sur des enfants dont le dernier n’a pas trois ans ?
Je ne sais pas. Comment expliquer l’aberration ? Je ne crois pas qu’il y ait une réponse logique, même pour qui connaît l’homme.
Vous commencez votre récit le jour de vos 20 ans. Ce jour-là, les geôliers vous séparent du reste de votre famille. Vous allez rester isolé, seul dans votre cellule, pendant dix ans. Comment survit-on à un tel enfermement ?
Il y a deux armes pour survivre : s’accrocher à son identité, à ce que l’on a été avant, et cultiver le rêve.
On se raconte des histoires...
On est contraint de se créer un monde. On s’invente la vie que l’on n’a pas eue. On est dans un virtuel fait d’imaginaire et de fantasmes.
Et comment fait-on pour ne pas basculer dans la folie ?
Le risque, en laissant courir son imagination, c’est effectivement de perdre pied. C’est pour cela que le souvenir est tout aussi important. En fait, on arrive à trouver un équilibre en alternant les moments consacrés à l’imaginaire et ceux pendant lesquels, au contraire, on s’accroche à ses souvenirs, à sa vie quotidienne d’avant, aux détails du passé.
« Le malheur vous enseigne la modestie »
Vous racontez aussi comment votre regard se porte sur des détails - un minuscule insecte par exemple - que vous n’auriez jamais remarqué dans des conditions de vie normales...
On apprend à respecter l’infiniment petit. On se passionne pour des choses ou des êtres que l’on n’aurait jamais remarqués dans d’autres circonstances. Un peu comme quelqu’un qui perd la vue et dont l’ouïe se développe, dont tous les sens s’exacerbent. Et le malheur vous enseigne la modestie.
Votre livre est, aussi, un livre politique. Vous y affirmez notamment que la tentative de coup d’Etat menée par votre père, qui visait à écarter le roi au profit d’un conseil de régence, avait reçu l’aval des leaders des deux principaux partis politiques marocains, à savoir l’UNFP (Union nationale des forces populaires), devenue depuis l’USFP (Union socialiste des forces populaires), et l’Istiqlal. Des révélations du même ordre, il y a quelques mois, avaient provoqué un tollé au sein de la gauche marocaine. Vous êtes certain de ce que vous avancez ?
Je suis totalement affirmatif sur ce point et, comme vous l’avez noté, je ne suis pas le seul à le dire.
Vous fondez-vous sur vos souvenirs d’adolescent ou sur des témoignages recueillis par la suite ?
Aussi proche que j’aie été de mon père, il ne m’a évidemment pas mis dans tous ses secrets. Je me souviens seulement d’avoir vu à la maison, avant la tentative de coup d’Etat, des ténors de l’opposition et de m’être étonné de leur visite. Le premier témoignage précis que j’ai recueilli remonte aux quelques semaines qui ont suivi la tentative de coup d’Etat et précédé notre enfermement. A ce moment-là, le garde du corps de mon père m’a raconté toute l’histoire. Ensuite, après ma libération, j’ai recueilli plusieurs témoignages qui corroboraient son récit.
En France, Oufkir, depuis 1965, c’est d’abord l’affaire Ben Barka. Vous vous dites convaincu que votre père n’a pas tué le leader de l’opposition marocaine. Est-ce que vous n’en faites pas un peu trop pour le dédouaner ?
Je conçois que l’on puisse penser cela. Pourtant, j’essaie d’être objectif. Je ne prétends pas tout savoir de l’affaire Ben Barka et ce que je demande, comme d’ailleurs la famille Ben Barka, c’est que la vérité soit faite. Ce que je sais, c’est que mon père est arrivé en France, selon de nombreux témoignages, vingt-neuf heures après l’enlèvement de Ben Barka. Je sais aussi qu’il a toujours affirmé à ma mère qu’il n’avait pas tué Ben Barka, et que le reste ne la regardait pas. Ce que nous attendons, les uns et les autres, c’est que l’on ouvre les archives, pour que la lumière soit faite.
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