Un Marocain a vécu un véritable cauchemar pendant dix ans, son scrotum ayant progressivement enflé jusqu’à atteindre la taille d’un ballon de plage, selon un rapport médical publié dans Urology Case Reports.
La lutte contre l’obésité est un combat quotidien pour beaucoup de gens qui en souffrent, et on peut difficilement imaginer qu’il y ait encore, qu’aujourd’hui, des gens qui cherchent à grossir. Pourtant, c’est ce qui continue de se passer au Maroc où beaucoup de gens, principalement des femmes en bonne santé, continuent de rechercher l’obésité en recourant notamment à l’usage de médicaments.
Dans notre culture, l’obésité a toujours été considérée comme l’un des principaux critères de beauté de la femme. Les poètes arabes de la “Jahilia” période préislamique, avaient souvent chanté la beauté des femmes dodues. L’obésité a été alors considérée comme un signe de noblesse et d’origine aristocratique. Nous trouvons de nombreuses références, dans la littérature arabe, à la beauté de la femme “large”. C’est le cas notamment des “Milles et Une Nuits” et du célèbre traité érotique, rédigé il y a près de 3 siècles par Cheikh Ennafzaoui « Arraoud El Attir » (Le jardin parfumé).
Au Maroc, le culte de la “largeur” de la femme est encore très vivace. Traditionnellement, on disait souvent d’une grosse femme « bayne aliha kheir baha » (son corps reflète la prospérité de son père), ou si elle est mariée “bayne Aliha kheir rajalha” (son corps reflète la prospérité de son mari) et on disait d’une femme maigre qu’elle est « mrida » (malade), « msimima » (nerveuse) ou « jiâana » (affamée) et les critères traditionnels de beauté se résumaient en 3 mots “touila, ghlida, bida” (élancée, grosse et blanche).
Aujourd’hui, même si les choses ont beaucoup changé, notamment sous l’influence de la télévision, du cinéma et des magazines de mode, il subsiste encore des poches de résistance principalement à Casablanca et dans le sud marocain où beaucoup de femmes continuent de croire que l’obésité c’est la beauté et qu’elle est signe de bonne santé.
Le recours aux herbes traditionnelles pour atteindre l’objectif “obésité” est fréquent. Le fenugrec (halba), ktira, serghina, bakbouka, El foua, tafrha ou zakmouna (fruit d’argan) sont les plus utilisés. Parfois les femmes consomment régulièrement la graisse crue de dromadaire. Mais de plus en plus les gens recourent à des médicaments connus pour augmenter le poids corporel tel que la cyproheptadine ou les corticoïdes.
La cyproheptadine est au départ un médicament antiallergique. Ce médicament a un effet secondaire très particulier, il augmente l’appétit, ce qui fait donc grossir. Depuis quelques décennies, l’usage de ce médicament a été détourné vers une utilisation comme stimulant d’appétit. Cet usage ne se justifie que dans quelques rares cas de personnes cancéreuses très maigres, dénutries ou souffrant d’anorexie, mais certainement pas chez des personnes en bonne santé.
Près de 40% des Marocains sont obèses ou en surpoids
La dernière enquête réalisée par le ministère de la Santé sur l’obésité au Maroc a montré que 13,3% des Marocains sont obèses et 26% présentent un surpoids, soit au total 39,3% de Marocains qui ont un poids supérieur à la normale. Les femmes sont plus touchées que les hommes et les urbains plus que les ruraux. La fréquence de l’obésité et du surpoids, au Maroc, a connu une évolution très significative depuis quelques années. Les changements du style de vie et notamment de la nature de l’alimentation, mais aussi l’usage de plus en plus fréquent de médicaments connus pour augmenter le poids corporel, expliquent l’évolution du surpoids et de l’obésité au Maroc.
En 2002, la consommation des médicaments à base de cyproheptadine représentait près de 8 millions de boîtes correspondant à 65,3 millions de doses. Entre 1991 et 2002, la consommation, par habitant, de ces médicaments a doublé.
L’achat des médicaments à base de cyproheptadine représente une dépense pour les ménages de 150 millions de dirhams. A titre de comparaison, les dépenses occasionnées par l’achat des médicaments de l’hypertension artérielle représentaient en 2000 à peine 200 millions de DH pour une population cible de 4,5 millions d’hypertendus.
La consommation de la cyproheptadine est concentrée à Casablanca, la côte atlantique sud (Safi, Essaouira, Agadir, Sahara, etc.) et le sud (Marrakech, Ouarzazate et Errachidia). Les consommations per capita les plus élevées ont été observées à Casablanca (3.319 doses/1.000 habitants), Côte atlantique sud (3.103 doses/1.000 habitants) et Rabat (2.134 doses/1.000 habitants). Une enquête conduite au sud du Maroc nous a révélé que ce sont surtout les femmes qui consomment la cyproheptadine (plus de 90%). Ce médicament est d’ailleurs appelé en berbère « fanid sahat ouine timghart » (médicament de la santé de la femme).
La cyproheptadine est utilisée seule ou mélangée à d’autres ingrédients (couscous, corticoïdes, herbes traditionnelles, etc.). Certains pharmaciens nous ont parlé de cas anecdotiques de femmes qui rentraient en pharmacie, demandaient le médicament, le payaient et le buvaient sur place d’un seul trait. Ceci est d’autant plus étonnant que la cyproheptadine est aussi connue pour ses effets sédatifs puissants capables d’assommer un éléphant.
Les corticoïdes sont aussi très consommés dans le but d’augmenter le poids corporel. Ces médicaments sont très utiles quand ils sont utilisés sous contrôle médical, selon des schémas thérapeutiques très rigoureux. Le non-respect des posologies, des durées de traitement ou du sevrage peut se révéler très dangereux. Les corticoïdes font grossir parce qu’ils provoquent une rétention de sel et d’eau dans les tissus de l’organisme.
Nous avons pu établir avec certitude l’existence d’une surconsommation et d’un mésusage médicamenteux dans le cas de la cyproheptadine, mais il était plus difficile d’établir une surconsommation uniquement sur la base des chiffres de consommation. Or, nous disposons d’indices sérieux en faveur d’un mésusage tels que l’hyperconcentration de la consommation sur certaines régions du Maroc, ou ceux de la côte atlantique sud où les éléments recueillis auprès de médecins ayant exercé au Sahara.[...>
L’economiste
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