De nombreux Marocains continuent d’appeler à l’interdiction de TikTok, dénonçant la publication par les jeunes de contenus violents ou à caractère sexuel sur cette application qui, selon eux, porte atteinte aux valeurs du royaume.
Le jugement des quatorze jeunes, accusés d’appartenir à une secte dite des "adorateurs de Satan", a été reporté pour la deuxième fois au lundi 3 mars au TPI de Casa-Anfa. Le verdict devra être prononcé dans l’après-midi.
La deuxième audience qui a eu lieu vendredi a été marquée par l’intervention de 14 avocats et a duré pratiquement huit heures et demie, de 16 heures à minuit passé. Encore une fois, le juge a refusé la mise en liberté provisoire des prévenus. Le temps s’est donc péniblement égrené à la salle 4 du tribunal où familles et amis des mis en cause sont venus en force. Sur les visages des prévenus, on pouvait lire la fatigue des journées passées en détention préventive et le sentiment de dégoût mêlé d’angoisse de se retrouver au box des accusés. L’intervention du parquet a duré plus d’une heure et demie. Le procureur général a invoqué “la menace à la stabilité de la société musulmane, le vide spirituel qui pousse à l’idolâtrie, la pratique de rites condamnables, le dénigrement des religions de l’Etat et de la famille, la débauche sexuelle, etc.” Alors que le parquet énumère les accusations, les chuchotements se multiplient dans la salle. L’ambiance devient de plus en plus lourde. Le procureur général se réfère
notamment aux articles 129 et 220 de la procédure pénale pour demander l’inculpation des prévenus. 17h40. Des avocats interrompent le parquet lui demandant d’être plus concis. Le procureur général explique que "les croyances des prévenus n’intéressent le parquet que dans la mesure où elles influencent les autres… surtout les collégiens". Le parquet appuie son intervention de plusieurs versets du Coran. Le jeune avocat d’un prévenu, qui a carrément arraché la paroleà ses confrères, s’est dit surpris qu’une telle affaire puisse être aussi "démesurément gonflée". "Mon client est un musulman pratiquant. J’ai des témoins qui l’accompagnaient lors des prières nocturnes pendant le Ramadan dernier", tonnait-il. Et de souligner que le prévenu "n’a de tort que d’aimer le hard rock et de jouer à la guitare". Se référent au PV de la BNPJ, il a attiré l’attention de la Cour sur le fait que nul part dans le procès-verbal, il n’y a eu mention d’atteinte à l’islam. Pratiquement toutes les plaidoiries avaient noté, preuves à l’appui, que les concerts de musique hard rock organisés par les prévenus se tenaient dans des facultés et des hôtels, que les affiches avaient été maintes fois collées au boulevard Mohammed V et que les jeunes artistes avaient reçu des encouragements et trophées des doyens de quelques facultés et ils ont même été reçus à la télé. Chose qui a amené la défense à écarter tout caractère discret et subversif des activités, somme toute artistiques, des mis en cause. La défense s’est beaucoup appuyée sur l’absence du flagrant délit dans l’affaire. "Les objets réquisitionnés, tee-shirts, piercings, affiches, guitares, sculptures… n’accablent en rien des jeunes dont les choix vestimentaires riment normalement avec le genre de musique qu’ils aiment et pratiquent", souligne un avocat. Et ce dernier d’ajouter que la justice n’aurait jamais dû se laisser impressionner par une "tempête dans un verre d’eau" qui a porté préjudice à l’image du pays. Plusieurs représentants d’associations et d’ONG, dont l’Association marocaine des droits de l’homme, ont assisté à cette séance marathonienne. Ils ont distribué des communiqués où ils soutiennent les 14 prévenus. Les familles de ces derniers ont apprécié cette solidarité qui les aide à tenir le coup face à un procès angoissant et interminable. S’adressant au juge alors qu’il commence à faire tard, les prévenus ont insisté sur leur appartenance à l’islam. Dans la salle, les regards émus des familles et amis des prévenus semblent vouloir confirmer ce propos. En ajournant le verdict, la Cour attise le suspense, et la mésaventure des 14 prévenus et leurs familles s’en trouve prolongée de deux longues journées. "Une éternité", commente le père d’un prévenu.
"L’uniformité crée l’ennui"
Ils sont déjà là, au McDo du boulevard Mohammed V. Ils sortent à peine d’un cours d’une école de commerce privée. L’accueil est sympathique et d’entrée de jeu, la discussion s’enchaîne. Hatim et Lamia connaissent de près les quatorze jeunes, accusés de satanisme. Tous les deux aiment la musique de leurs copins et s’habillent de la même manière. Ils ont vécu les mêmes expériences, cru aux mêmes idéaux et partagé des moments inoubliables. L’affaire les a rendus un peu mélancoliques. Ils se disent atterrés de voir leurs potes d’hier, embourbés dans une hideuse affaire qui désormais défraye la chronique. "Nous vivons dans la psychose. Ce qui nous arrive me fait peur et nos parents sont très inquiets", reconnaît Hatim. Cet étudiant en deuxième année informatique de gestion porte des boucles d’oreille, se coiffe et se taille la barbe différemment. Quand on lui demande pourquoi, sans s’énerver il répond que c’est pour se distinguer de la masse ou encore "ne pas tomber dans le conformisme". "Sans pour autant être mauvais", précise-t-il. Lamia étaye les propos de son ami par une expression de Voltaire : "l’uniformité crée l’ennui". "La hard rock music est basée sur des mélodies complexes pas toujours accessibles à des gens qui n’ont pas l’habitude", continue Lamia. Hatim se demande si les autorités ne doivent pas plutôt dresser un portrait robot du Marocain type pour qu’il puisse se retrouver.
source : www.leconomiste.com
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