Une Marocaine de 28 ans est décédée après avoir pris des pilules amincissantes achetées auprès d’une inconnue qui faisait la promotion de ces produits sur Instagram.
La beauté a-t-elle un prix ? À en croire les chiffres du Haut commissariat au plan, la réponse est affirmative : en 2006, les Marocains ont dépensé près de 7,5 milliards de dirhams pour se pomponner. Un montant qui en dit long sur le poids de ce secteur, qui connaît une croissance spectaculaire, que les professionnels évaluent à 15% par an.
Et il ne passe pas un jour sans qu’une nouvelle marque de cosmétiques soit introduite, ou qu’un centre dédié ouvre ses portes. Le secteur est scindé en trois grandes catégories. La première est celle des cosmétiques (produits d’hygiène et maquillage). Un marché grand public, largement dominé par les multinationales dans le moyen et haut de gamme. La deuxième catégorie est celle des produits professionnels.
“Ces produits font l’objet de prescriptions de la part des esthéticiennes et sont commercialisés dans les salons et instituts de beauté”, explique Asmaa Azzouzi, directrice d’Actiforme et organistarice de Tajmile, Salon de la forme et de la beauté. Troisième et dernière compo-sante, les dermo-cosmétiques, vendus exclusivement dans les pharmacies et prescrits soit par des médecins dermatologues ou par les pharmaciens.
Dans cette foison de produits, les parfums se taillent la part du lion, avec 75% de parts de marché. On dénombre au Maroc près de 3000 parfumeries, dont la plupart sont des commerces traditionnels de petite taille. Les grandes enseignes spécialisées restent rares, à l’image de Marionnaud, qui dispose de la plus grande parfumerie du pays. Les 25% restants sont occupés par les produits de soins et de maquillage, dont le marché reste relativement réduit. “Ce sont des produits destinés aux femmes, et dans une moindre mesure aux hommes, disposant d’un pouvoir d’achat assez élevé.
Résultat, leur diffusion reste limitée et des pays comme la Tunisie font nettement mieux que nous”, explique Lahcen Fadli, président de l’Association professionnelle des commerçants de parfums et de fournitures d’esthétique. Sur ce marché, les grandes marques de notoriété internationale sont présentes, soit par le biais de filiales (L’Oréal, Beiersdorf, Oriflame, Avon…), de franchises (Yves Rocher) ou d’importateurs locaux. Mais malgré l’explosion de l’offre, le marché souffre toujours d’une grande désorganisation : distribution anarchique, prix disparates, forte présence de produits de contrebande…
Et pour ne rien arranger, la contrefaçon vient mettre son grain de sel. Et pour une fois, ce n’est pas l’ogre chinois qui est pointé du doigt. C’est de Turquie que provient l’essentiel des produits contrefaits, parfois vendus au prix des originaux. “Alors que notre marge à l’unité ne dépasse pas les 30%, celle des importateurs d’imitations s’élève au bas mot à 900%”, déplore Lahcen Fadli, criant à la concurrence déloyale. Surtout que les autorités douanières ne semblent guère faire de distinction entre les deux catégories. “Les agents douaniers se contentent de répercuter les taxes sur les valeurs déclarées des produits importés. Mais alors que la valeur moyenne d’un parfum original est de 600 à 700 DH, celle d’un faux ne dépasse pas 25 DH”, explique-t-il.
Plus que l’importateur de produits “légaux”, c’est surtout le consommateur qui est lésé, puisqu’il paie au prix fort des produits à l’origine plus qu’incertaine. Car souvent, les faux portent les mêmes références, codes barres, appellations et packages, que les vrais.
Reste le cas des produits “made in Morocco”. De nombreuses marques de shampoings, savons ou dentifrices sont certes fabriquées ou conditionnées dans des unités locales, mais quasi-exclusivement par des multinationales (Unilever, Procter & Gamble, Colgate Palmolive...). Quant aux marques locales, elles restent cantonnées au marché bien moins rémunérateur de l’entrée de gamme. L’une des rares à s’être imposée reste Azbane, premier producteur marocain de produits d’hygiène et de maquillage, qui domine largement le marché des établissements hôteliers et qui arrive même à trouver des débouchés à l’export, notamment au Moyen-Orient. Mais sur le marché local, elle a toujours autant de mal à percer. “Dans ce secteur plus que dans n’importe quel autre, les Marocains préfèrent les marques étrangères, surtout françaises”, affirme Fadli. Il est vrai qu’en matière de beauté, tout est d’abord question d’image.
TelQuel - Youssef Benlarbi
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