Présidentielles françaises : Bouffée névrotique de nationalisme

2 avril 2007 - 00h45 - France - Ecrit par : L.A

Les vieux démons reviennent. En 2002, la campagne présidentielle s’était jouée, dans les derniers jours, sur le thème de l’insécurité. Jean-Marie Le Pen en avait bien sûr profité, virant Lionel Jospin du deuxième tour. En 2007, les mêmes causes produisant les mêmes effets, le débat sur l’identité nationale et (sous entendu) l’immigration pourrait de nouveau propulser Jean-Marie Le Pen au deuxième tour.

La faute à qui ? A Ségolène Royal essentiellement. Certes, c’est Nicolas Sarkozy qui a dégainé le premier avec la création de son « ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale ». Mais après tout c’est dans sa ligne politique et conforte sa tactique : « Après que j’ai fait ça, j’ai pris six points dans les sondages, et j’ai cassé Bayrou », a-t-il affirmé aux journalistes dans l’avion qui l’amenait aux Antilles. Il prend des voix à Le Pen (du moins il le croit, car rien ne le prouve encore), atomise Philippe De Villiers et récupère des voix qu’il estime siennes chez Bayrou. Tout bénéfice. Avec Ségolène Royal, c’est plus douteux. Traumatisée par l’incapacité de Lionel Jospin en 2002 à comprendre l’opinion et à répondre sur les thèmes « nationaux », Ségolène Royal est partie la fleur au fusil : « Je pense que les Français devraient avoir chez eux le drapeau tricolore, comme dans d’autres pays où dans les fêtes nationales les drapeaux sont mis aux fenêtres », a-t-elle proposé dans le Var, avec un buste de Marianne à sa droite et un bouquet de roses rouges à sa gauche.

La candidate socialiste, qui, depuis quelques meetings, chante et fait chanter « La Marseillaise », souhaite aussi mener un « travail pédagogique » pour « bien faire comprendre le sens de ces paroles qui apparaissent comme ça un peu féroces ». « C’est une étape historique de la gauche, qui avait cru devoir abandonner l’hymne national à l’extrême droite », a-t-elle jugé, « au moment où il y a un débat sur l’identité nationale ». Et pour bien marquer le coup, elle a dit cela à Marseille puis dans le Var, ville et département où le Front national se sent comme un poisson dans l’eau.

Ségolène Royal peut bien plaider après devant quelques journalistes qu’elle ne lie pas, elle, « les problèmes d’identité nationale et d’immigration », ce qu’elle dit sonne quand même très mal auprès de l’électorat socialiste « traditionnellement internationaliste ». Le résultat sera de toute façon sans appel : tout débat sur les valeurs nationales profite à la droite et, surtout à l’extrême droite. Jamais à la gauche. Seul peut-être François Bayrou pourra tirer quelques marrons du feu, avec sa réaction : « Cette obsession qui fait qu’il va falloir avoir des drapeaux et les mettre à la fenêtre tel jour, et que la présidente de la République va vous dire ce qui est bien et ce qui est mal, ça ne ressemble pas à mon pays. Je crois que les deux candidats ont un problème avec cette obsession nationaliste ». Chaque citoyen doit « honorer son pays », mais « pas dans la névrose perpétuelle de l’identité ».

Mais il y a plus dangereux : cette bouffée de nationalisme arrive au moment où l’Europe célèbre en grande pompe, le 50e anniversaire du Traité de Rome. De bien belles cérémonies orchestrées, sur fond beethovenien par Angela Merkel pour une Europe politique moribonde.

L’Europe, le sujet le plus important pour l’avenir économique et social des Français, a totalement disparu de la campagne électorale. Traumatisée par l’échec du référendum, la classe politique n’a pas voulu rouvrir la boîte de Pandore. C’est malheureusement compréhensible, les hommes politiques n’étant pas suicidaires. Mais ils ont fait une double erreur : la première en croyant récupérer les voix de ceux qui ont voté « non » au référendum en renchérissant sur le nationalisme ( alors nombre de proeuropéens ont voté non), la seconde en pensant que tant que la France n’a pas défini sa position, l’Europe n’avance plus. Or il n’y a rien de plus faux. Si l’Europe politique est totalement paralysée, l’Europe technocratique et juridique ne cesse d’avancer. Pendant que les Etats n’arrivent toujours pas à se mettre d’accord sur la suppression de la règle de l’unanimité qui paralyse toute avancée politique, la Commission de Bruxelles, le Parlement européen et la Cour de Luxembourg tournent à plein régime. Tous les jours, ce sont entre 4 et 5 décisions de justice de fond qui sont rendues par la Cour européenne pour faire respecter la libre concurrence, la libre prestation de services ou le droit des marchandises et biens à circuler.

Mieux : en un moins d’une semaine la Commission de Bruxelles vient de porter plainte deux fois contre l’Allemagne. Et pas pour de minces affaires puisqu’il s’agit les deux fois de briser des monopoles voulus par l’Etat allemand, en particulier celui de Deutsche Telekom sur le très haut débit. Quant au Parlement ,il légifère. Avec une certitude qu’il affiche dans la résolution qu’il va adopter sur le football européen jeudi : les clubs et les ligues peuvent faire ce qu’elles veulent, ce sont la jurisprudence et le droit européen qui décideront en fin de cause. Et cela vaut aussi bien pour les transferts de joueurs, la corruption, la formation des joueurs ou le salaire des jeunes.

Drapeaux à la fenêtre

L’Europe tourne donc à plein régime, que les candidats à l’élection présidentielle française le veuillent ou non. Un dernier exemple : la Commission de Bruxelles a lancé en décembre dernier un livre vert qui a pour but de réformer le contrat de travail en Europe. Un sujet capital. Le gouvernement français a fait le mort et vaguement consulté les syndicats, mais comme tous les ministères sont vides actuellement, il n’y a personne au ministère du Travail pour renvoyer une position argumentée de la France. Or, de toute façon, la Commission produira une résolution en juin sur la question. Elle sera d’inspiration libérale et, comme d’habitude, pour ne pas avoir voulu poser les problèmes avant le gouvernement français, quelque soit sa couleur, sera sur la défensive (et perdra !) Comme cela le 14 juillet tout le monde pourra mettre les drapeaux à la fenêtre pour fêter la mort du Contrat à durée indéterminée en France !

Baroin remplace Sarko à l’Intérieur

Le ministre français de l’Intérieur et candidat de droite à la présidentielle, Nicolas Sarkozy, a quitté hier lundi ses fonctions au gouvernement pour se consacrer à la campagne électorale, à 4 semaines du 1er tour, prévu le 22 avril. « Me voilà libre, libre d’aller vers les Français ! » s’est exclamé Sarkozy lors d’un discours dans les jardins du ministère de l’Intérieur, où il a fait part de son « émotion » et s’est félicité de son bilan. « Pour moi, il s’agit d’essayer de changer de trottoir », a ajouté Sarkozy en faisant allusion au palais de l’Elysée, siège de la présidence situé juste à côté de l’Intérieur.

La présidence française a annoncé dans un communiqué que Sarkozy était remplacé à son ministère par François Baroin, un fidèle du président Jacques Chirac, qui avait jusqu’à présent la charge de l’Outre-mer. Le président Jacques Chirac a également mis fin aux fonctions du ministre de la Santé, Xavier Bertrand, un des porte-parole de Nicolas Sarkozy dans le cadre de la campagne du candidat UMP (droite, au pouvoir). Avant cette annonce, Sarkozy a été reçu dans la matinée par Chirac durant une trentaine de minutes. Il a ensuite eu un entretien avec le Premier ministre, Dominique de Villepin, qui a longtemps été son rival mais qu’il a réussi à écarter de la course à l’Elysée.

L’Economiste

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Sujets associés : France - Dominique De Villepin - Elections

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