Au Maroc, le chemin vers l’éradication du mariage des mineurs reste encore long et parsemé d’embûches. De quoi inquiéter le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, qui plaide pour des mesures législatives plus strictes.
La polygamie et la répudiation unilatérale. Le collectif féminin « Printemps de l’égalité » les place parmi les droits les plus controversés qu’offre la Moudawana à l’homme.
« Ces droits, utilisés de manière abusive, se transforment, en outils de chantage et moyens de pression sur la femme », affirme le collectif dans un communiqué prenant pour base l’histoire de Houda, native d’Oujda, mariée à l’âge de 15 ans à un jeune homme de 4ans son aîné.
Houda, selon le récit rapporté par le collectif, devait en fait remplir les tâches ménagères et tenir compagnie à sa belle-mère qui vit donc avec le couple. La première année du mariage s’apparentait beaucoup plus à un enfer qu’à une vie conjugale. La belle-mère et le mari l’inondent de critiques et d’injures et avant même la fin de cette première année de mariage, le mari de Houda se remarie à une deuxième femme. Celle-ci ne tolère pas la présence de sa rivale et contraint le mari à la répudier.
Voilà : Houda est divorcée, et retourne chez ses parents réticents à ce statut qu’elle porte désormais comme une injure vis-à-vis des traditions. Mais quelque temps plus tard, le mari revient sur sa décision et « reprend pour femme » Houda sans l’en aviser ou demander son avis. Tel un objet que l’on déplace d’un coin à l’autre, Houda se retrouve de nouveau sous le même toit que sa belle-mère et sa rivale. Le motif de ce retour, elle ne le comprendra que lorsqu’elle réalise que la seconde épouse a accouché et a besoin d’une aide ménagère. Sa fonction ne change pas et l’enfer ne fait que s’amplifier. Le comble est qu’elle sera répudiée une deuxième et troisième fois sans pouvoir contester ni dénoncer cet abus.
A 17 ans, noyée dans un sentiment d’humiliation et de rancune, elle refuse de revenir chez ses parents et loue une petite chambre. Pour pouvoir payer le loyer et se prendre en charge, elle se cherche un travail. Mais ce n’est pas ici que prend fin l’histoire de Houda. Elle ne s’est pas encore débarrassée de son ex-mari. Il tente de la convaincre d’épouser un mari « mouhalil » pour la reprendre en femme pour la quatrième fois. Anéantie par la précarité de sa vie, Houda finira par céder aux avances de son ex-mari. Elle entretient des relations sexuelles avec lui sans qu’il y ait mariage. Houda tombe enceinte, elle est accueillie et soignée au domicile de son ex-mari pendant les neuf mois de grossesse et jusqu’à la naissance du bébé. Le père reconnaît la légitimité de son enfant, accomplit toutes les formalités administratives nécessaires et organise une cérémonie de baptême. La mère de l’enfant sera, pour sa part, renvoyée au domicile de ses parents et privée de son enfant déclaré officiellement comme étant l’enfant de la deuxième femme.
Houda a perdu son droit à la maternité de peur de faire l’objet de poursuites judiciaires pour « atteinte aux moeurs ».
Libération
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