La peine de mort a été requise mardi à Casablanca contre trois Saoudiens et deux Marocaines, arrêtés en mai 2002 et accusés d’avoir préparé des attentats contre des navires occidentaux transitant par le détroit de Gibraltar et contre des cibles marocaines, dont des cafés de la place Jemaâ El Fna de Marrakech.
Les avocats de la défense, rejoints par des responsables islamistes et des organisations de défense des droits de l’Homme, ont dénoncé le déroulement de la procédure ainsi qu’une "campagne d’arrestations et de procès" dans les milieux islamistes radicaux.
Plusieurs témoignages publiés dans la presse marocaine ont fait état de "dérapages", policiers et judiciaires, dans les affaires où les islamistes sont impliqués.
Ils ont ainsi dénoncé, dans le cas de la "cellule" Al Qaïda, l’absence de preuves matérielles et les nombreuses irrégularités de procédure, mais aussi des arrestations arbitraires et le recours à la torture pour arracher les "aveux" des accusés, fustigeant un retour aux pratiques des "années de plomb".
Les autorités ont démenti ces accusations, tout en laissant filtrer les préparatifs d’un projet de loi "anti-terroriste" destiné à donner les coudées franches à l’appareil sécuritaire dès lors que le soupçon de "terrorisme" - entendu dans un sens particulièrement large - pourra être mis en avant.
Les coups de filets policiers se sont multipliés depuis le début de l’année dans les milieux islamistes considérés comme radicaux.
Des peines de prison ferme, dont une de 20 ans, ont été prononcées le 14 janvier à Casablanca à l’encontre de la plupart des membres d’un groupe intégriste, Assirat Al Moustaqim ("le droit chemin"), accusés du meurtre d’un homme par lapidation.
Le mouvement fondamentaliste Salafia Jihadia a fait l’objet par plusieurs arrestations, dont celle du prédicateur Hassan Kettani à Salé (près de Rabat), considéré comme l’une de ses "têtes pensantes".
M. Kettani a été relâché tandis que onze de ses sympathisants étaient à leur tour arrêtés pour "constitution de bande criminelle".
Les opérations lancées contre les islamistes ont pris un tour très politique dans la mesure où elles mettent en cause le Parti Justice et développement (PJD), un parti islamiste "modéré" devenu la principale force d’opposition du pays, après une percée électorale réalisée en septembre dernier.
La presse socialiste et certains journaux indépendants alertent fréquemment les autorités et la population sur les risques que ferait courir à la stabilité du royaume une "montée de l’obscurantisme et du fascisme".
Ces journaux assurent qu’il existe des "connivences" entre le PJD et des mouvements intégristes et l’association radicale Al Adl Wal Ihssane (Justice et bienfaisance, tolérée mais non reconnue) dont 13 membres seraient "infiltrés" au sein du groupe parlementaire du PJD.
La polémique s’est étendue au terrain culturel. Après que le PJD eut réclamé l’interdiction d’un film du réalisateur marocain Nabil Ayouch, en raison de séquences jugées "obscènes", un spectacle de l’humoriste français Laurent Gerra, accusé de défendre des positions "pro-sionistes", a été dénoncé par des sympathisants de ce parti.
Neuf d’entre eux ont été condamnés à des peines de prison pour avoir manifesté à Casablanca contre le spectacle de l’humoriste français.
Les dernières déclarations attribuées à Oussama Ben Laden, diffusées le 11 février sur la chaine Al Jazira, ne sont pas de nature à ralentir l’offensive contre l’islamisme radical.
Le chef d’Al Qaïda y citait en effet le Maroc parmi les "régimes apostats" dont les musulmans devraient "se libérer".
AFP