Le Haut-commissariat au plan (HCP) vient de livrer les dernières tendances sur l’évolution démographique, le mariage, le divorce et le taux de procréation par rapport à 2020, année de la survenue de la crise sanitaire du Covid-19.
Femme sérieuse souhaite mariage. Homme ouvert cherche relation franche. Âmes esseulées ou corps à la recherche de frisson, les petites annonces s’imposent comme mode de rencontre.
“Jeune femme, 34 ans, charmante, intelligente et cultivée, cherche jeune homme en vue du mariage. Non sérieux s’abstenir”. Cette petite annonce, dite de rencontre, revient sans cesse dans la presse écrite ou sur les sites spécialisés. Pour rencontrer quelqu’un, tout comme pour
vendre un appartement ou acheter une voiture, passer une annonce est entré dans les mœurs.
Selon le sociologue Jamal Benazzouz, ce phénomène a explosé il y a environ 4 ans, grâce à Internet et quelques titres de presse hebdomadaires qui s’emparent de la forte demande en proposant un service gratuit. Les sites comme casafree ou 1000annonces hébergent une dizaine de nouvelles annonces chaque semaine. D’après la responsable petites annonces d’un important groupe de presse, 30 à 40 annonces de rencontre, envoyées par lettre, email, fax ou dictées au téléphone, sont publiées chaque semaine.
Mais le phénomène reste essentiellement cantonné à la presse écrite francophone. “On ne trouve les petites annonces en arabe qu’au sein des publications locales, pas nationales”, atteste le sociologue Jamal Benazzouz. Selon lui, les annonces publiées en arabe sont plus alambiquées et moins directes qu’en français. Leur point commun : une brève description, souvent classique, parfois agrémentée d’une expression drôle “moustachu s’abstenir”, quelques conditions posées : “Cherche jeune homme habitant exclusivement à Casablanca”, un numéro de téléphone ou une adresse électronique en conclusion. Le tour est joué. Reste à décrocher le bon numéro.
Libertinage sur la Toile
Tous les âges sont concernés, les hommes recherchent souvent des femmes plus jeunes et les femmes requièrent des hommes plus âgés. “Les personnes qui ont recours à ce moyen de rencontre sont souvent séduites par la loi du hasard. Elles ne savent pas sur qui elles vont tomber, c’est excitant”, analyse Ghita El Khayat, psychologue. “Mais à la différence des hommes, les femmes sont plus sérieuses dans leur démarche”, poursuit-elle. “Les hommes qui passent des petites annonces pour s’amuser sont plus nombreux que les femmes, qui, en général, cherchent réellement le mariage”, confirme Jamal Benazzouz. Dans leurs courtes présentations, les femmes mettent en avant leur éducation et leur piété.
Le port du voile est parfois la seule chose précisée. Et si les hommes décrivent souvent les caractéristiques physiques souhaitées, les femmes sélectionnent davantage au niveau de l’éducation, du métier et parfois des origines, comme cette annonce exigeant un chrif alaoui ou rien. Certaines n’hésitent pas à demander, de but en blanc, un étranger. “Jeune femme de 35 ans, cherche homme pour mariage, résident à l’étranger” est un classique.
Mais elles sont aussi nombreuses à recevoir des réponses ouvertement suggestives à leurs petites annonces matrimoniales. “Quand j’ai placé mon annonce, j’ai reçu une quarantaine de réponses, dont la moitié, notamment par email, me proposaient clairement des histoires d’un soir”, murmure Mouna, 35 ans, presque confuse. Pourtant, côté hommes, tous se disent sérieux et respectables “Je souhaite vraiment rencontrer quelqu’un en vue de me marier. C’est un moyen comme un autre”, assure un homme de 45 ans qui vient de publier une annonce dans la presse.
Pour ceux qui ont recours aux petites annonces pour des rencontres sans lendemain, Internet offre un ton beaucoup plus libre et un format moins conventionnel que la presse écrite. Postées au gré de l’imaginaire des internautes, les annonces laissent place à tous les fantasmes, de celui qui recherche une femme “autoritaire”, à celui qui rêve “d’une rencontre coquine”. Et un “jeune homme cherche fille bien éduquée, pour amour et rien d’autre” peut s’afficher, sans tabous, sur l’écran.
Maniaque s’abstenir
Dans la presse écrite, la donne est différente. “On ne peut pas se permettre de publier n’importe quoi”, explique la responsable des petites annonces, qui ajoute recevoir souvent, par email, des propositions pour des rencontres homosexuelles ou transsexuelles, surtout en période estivale. Ces dernières ne sont pas publiées, tout comme les textes à caractère raciste : “Noirs s’abstenir”, ou les annonces insolite. Telle l’histoire de ce Marocain résidant en Belgique qui a demandé quatre femmes différentes afin de les épouser : une blonde, une brune, une rousse et la dernière, il n’en a cure. Ou cet homme marié disant, clairement, être à la recherche d’une aventure. “Il s’agit surtout de ne pas choquer les lecteurs et de garder une aura de respectabilité au sein de cette page très lue”, justifie la responsable.
Avec trois ans d’exercice, elle se souvient du nombre de fois où des victimes de farceurs l’ont rappelée, pour se plaindre d’avoir été roulés suite à la publication de leurs annonces. “Nous sommes uniquement responsables de la diffusion. Je ne peux rien faire pour elles, sauf peut-être les écouter”, plaide-t-elle. Les femmes jouent donc, avec raison, la carte de la prudence. Selon Ghita El Khayat, “la peur de tomber sur un maniaque est toujours présente et le risque existe”. “La prudence est liée à la pudeur”, renchérit Jamal Benazzouz. Les hommes mettent facilement leurs numéros de téléphone, tandis que les femmes prennent davantage de précautions. Elles se contentent de communiquer une adresse électronique et s’achètent même une puce téléphonique spécialement pour l’occasion. “Je me suis empressée de détruire la puce que j’avais utilisée, quand j’ai vu que cela ne menait à rien”, se remémore, déçue, Safia, 29 ans.
La jeune femme n’a pas rencontré l’âme sœur et a vu ses espoirs s’envoler au fur et à mesure des réponses. “J’ai reçu près de 30 réponses. Mais entre le dragueur impénitent, celui qui ne sait pas parler et celui qui demande à me rencontrer avant même de me connaître, j’ai eu ma dose”. A côté, d’autres ont trouvé satisfaction et chaussure à leur pied. “On m’appelle souvent pour me remercier, confie, avec le sourire, la responsable des petites annonces. J’ai été invitée à deux mariages de personnes qui se sont rencontrées grâce aux petites annonces”.
Source : TelQuel - Sonia Terrab
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