Les Marocains résidant à l’étranger (MRE) contribuent faiblement au développement du Maroc. Pourtant, leurs compétences sont nécessaires pour relever les défis économiques et socioculturels du royaume.
A Bruxelles, le nom de cette militante de longue date est sur toutes les langues. Vous voulez organiser une soirée de bienfaisance, acheminer une aide humanitaire ou encore parrainer un petit enfant abandonné...
Une seule adresse : Najat Saâdoune, la présidente de l’association au nom évocateur : Dar El Ward (la maison des roses).
Créée il y a une quinzaine d’années, l’association se veut un espace d’épanouissement pour les jeunes issus de l’immigration. Mais, c’est aux femmes qu’elle ouvrira d’abord ses portes. « Ces femmes, venues en Belgique depuis des années, ne sortaient pas. Souvent analphabètes et sans aucune activité, elles restaient cloîtrées chez elles, complètement coupées du monde ».
Avec son équipe, Najat s’ingéniera à les sortir de leur isolement. Pour cela, différentes activités, ateliers et programmes seront conçus. « Nous leur avons proposé des sorties, des camps en dehors de leurs lieux d’habitation pendant les week-ends ». Pour les convaincre, surtout que leurs maris étaient hostiles à l’idée de voir leurs épouses « déserter » aussi longtemps le domicile conjugal, Najat, avec son équipe, ont eu une idée ingénieuse. « Nous leur avons proposé de se faire accompagner de leurs enfants ». L’expérience était concluante et les excursions se multiplieront à la grande joie de ces femmes laissées-pour-compte.
S’ouvrir à l’autre, aller vers lui, essayer de le comprendre. C’est le seul moyen, selon cette militante, pour lutter contre l’exclusion. « Nous ne voilons pas la face. Le quotidien des immigrés n’est pas toujours rose. Confrontés à des problèmes divers, ils ne savent toujours pas à quel saint se vouer », analyse-t-elle. Pour elle : « quand le vécu devient trop dur, l’associatif redevient un instrument de promotion sociale ». Et d’ajouter, « il est essentiel d’affirmer notre place dans la société belge et l’associatif est un très bon moyen pour faire avancer les choses ».
D’une énergie débordante, ce petit bout de femme, aujourd’hui âgée de 44 ans, et qui peut, en quelques minutes, galvaniser une salle tout entière, se lance dans une nouvelle aventure.
Des ateliers furent vite lancés. Les épouses des premiers travailleurs marocains immigrés pouvaient y apprendre cuisine, couture ou broderie ou encore suivre des cours d’alphabétisation. « Notre objectif était de les sensibiliser à tous les aspects de la vie quotidienne en Belgique », se rappelle Najat. Un challenge de taille sachant que ces femmes étaient sans instruction et, pour la plupart, sont originaires des petits douars des campagnes marocaines. Challenge qui ne fait pas peur à Najat. Sa petite taille et son air frêle cachent en effet une combativité et une ténacité à toute épreuve. Quand elle est convaincue du bien fondé d’une idée, elle ne lâche pas prise tant qu’elle n’est pas arrivée à la concrétiser. Elle frappe à toutes les portes, sollicite connaissances et relations. « Nous avons engagé des débats avec ces femmes pour les sensibiliser à l’éducation de leurs enfants. Il était clair, raconte la présidente de Dar El Ward, qu’à ce moment, ces femmes ne mesuraient pas les enjeux de cette démarche. Mais après, elles se sont rendu compte de son importance et se sont impliquées davantage.
L’année 1995 marque une nouvelle étape dans le parcours de Najat et de son association. Sa nouvelle cible : les jeunes issus de l’immigration. « Il faut garder des liens avec ses racines. Sinon on se sentira toujours perdu et l’on ne saura s’épanouir ». Pour commencer, elle va organiser des ateliers d’apprentissage de l’arabe. Par le chant et la musique, elle réalisera rapidement des résultats jugés probants. Elle organise par la suite, un voyage interculturel pour des jeunes, mais pas seulement ceux d’origine marocaine. De Belges y seront aussi conviés. « Les jeunes étaient fiers de découvrir leur pays mais surtout de le faire découvrir à leurs amis belges ».
Ce voyage lui permettra à elle aussi de mieux connaître ce pays qu’elle a quitté en 1964 à l’âge de 3 ans. Son père était parmi les premiers Marocains arrivés en Belgique.
Ses allers-retours au Maroc se multiplient. Ce qui va lui ouvrir les yeux sur la réalité de son pays et sur le travail qu’elle peut y accomplir.
La misère et les conditions de vie des femmes dans différentes régions l’interpellent.
Pas assez de structures d’accueil
L’association « Dar El Ward », basée à Schaerbeek, l’un des quartiers à forte concentration de population d’origine marocaine, s’active donc au Maroc et notamment à travers des projets à Tétouan, Jerrada et El Hoceïma. En gros, il est question d’aider des enfants diabétiques à se prendre en charge, former des femmes et aider à l’insertion de mères-célibataires.
A Aït Kamra (région d’El Hoceïma), elle contribuera à relancer un projet d’alphabétisation de jeunes femmes qui allait tomber à l’eau. Ce projet, comme deux autres, sera subventionné par le gouvernement flamand. « Ce sont des enveloppes allant de 5.000 à 80.000 euros qui nous permettaient de contribuer à l’amélioration de la condition de la femme ».
A Tétouan, Jerrada, El Hoceïma... des cours d’alphabétisation et ateliers divers (informatique, formation d’éducatrices...) seront mis en place.
Parallèlement, Najat se penchera sur le vécu des enfants abandonnés. Le manque de structures d’accueil la préoccupe particulièrement. Outre son apport pour améliorer les centres d’accueil, elle s’attellera à la sensibilisation des Marocains de Belgique au parrainage des petits orphelins. Elle s’intéresse également aux enfants cancéreux du Maroc pour lesquels l’association qu’elle préside monte une action de collecte de fonds. Ce qui lui vaudra un déplacement à son pays natal vers la fin de la première semaine de janvier 2006. A noter que ce projet est réalisé en partenariat avec l’Unité du Cancer de l’hôpital Reine Fabiola.
L’exemple turc
Najat Saâdoune, comme beaucoup de belgo-marocains, estime que l’intégration des jeunes d’origine marocaine ne s’est pas bien faite. Mais, pour elle, la responsabilité n’est pas à imputer uniquement à l’Etat belge, mais aussi aux autorités marocaines ainsi qu’aux aînés, c’est-à-dire les premiers arrivés. « Regardez les Turcs ! Ils sont plus solidaires, ils ne sont pas segmentés comme les Marocains. Leur Etat est bien présent. Il veille au grain », constate-t-elle. C’est surtout l’absence de structures et d’actions qui permettraient de garder les liens forts avec le pays qu’elle déplore. Pour elle, des initiatives existent, mais elles sont rares. « En Belgique, les personnes d’origine marocaine, même quand elles sont dans des postes de responsabilité, restent frileuses ».
Khadija EL HASSANI - L’Economiste
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