À 39 ans, le chanteur marocain Abdelhafid Douzi pourrait rapidement tirer un trait sur sa carrière musicale. Il a par ailleurs annoncé qu’il se retirait du jury de l’émission « Star Light », dédiée à la découverte de talents musicaux.
Qu’elle chante à l’Olympia ou au Maroc, c’est sûr que Najat Aatabou fera salle comble. Deux critères favorisent son ascension, le premier c’est qu’elle psalmodie les mélodies qui font chavirer les cœurs nostalgiques, et le second c’est qu’elle parvient de main de maître à plonger son public dans une ambiance festive originaire du Moyen-Atlas. Najat Aatabou est l’exemple de femme qui a marqué une vraie revanche sur le destin. Car même si elle a été conduite vers une voie qu’elle n’a pas choisie, elle symbolise toutefois la diva de la musique populaire (Shaabi) qui s’est bravement rebellée et a crié : " j’en ai marre."
Vous avez cartonné avec votre chanson, " j’en ai marre ", et puis "Choufi Ghirou" au début des années quatre-vingt. Quel souvenir gardez-vous de cette époque ?
La sortie de la chanson "J’en ai marre" à mon insu a bouleversé ma vie. Je n’avais que 16 ans et je me suis retrouvée à l’époque dans une situation insurmontable pour une fille de mon âge et de surcroît originaire de Khmisset. La notoriété, la chanson et ma vie d’artiste ont composé la nouvelle route que je devais emprunter sans avoir le choix.
Le public était content de découvrir un jeune talent, mais au fond de moi je me posais d’incessantes questions : la voie de la chanson est-elle appropriée à ma vie et à celle de ma famille ? Les réponses étaient tellement incertaines que je suis passée par des moments où j’ai sombré réellement. Fort heureusement, le jour où je suis partie me plaindre auprès du vendeur des cassettes à Khmisset qui m’a causé un grand tort dans ma vie, je me suis retrouvée nez à nez avec celui qui deviendra mon parrain, le directeur de la maison de production Hassania.
La thématique de la plupart de vos chansons évoque les conditions de la femme. Est-ce que vous traduisez vos sentiments à travers vos chansons ?
C’est la réaction du public qui m’a encouragée à poursuivre et opter définitivement pour la couleur et la manière du genre de ma chanson. Les gens me répétaient souvent qu’ils étaient contents de retrouver, enfin, une artiste qui traduisait parfaitement leurs douleurs et leurs émotions en terme de mots et de rythmes. Ils me disaient qu’ils vivaient exactement ce que je chantais, et comme ils n’avaient pas la voix pour le chanter, c’était moi qui étais leur voix. D’autant plus, je recevais constamment des lettres de la part des admirateurs. Après la lecture de ces lettres, j’extrais l’idée principale de mon courrier que je transformais en chanson. Tout cela pour vous dire que toutes mes chansons reflètent uniquement la réalité.
Vous avez chanté à Bercy, à l’Olympia deux fois, et dans la plupart des capitales européennes. La communauté marocaine est très réceptive aux rythmes de la musique populaire qui la replonge dans un contexte ponctué de nostalgie et d’émotion.
Je trouve que c’est une réaction naturelle. Chaque Marocain ou Marocaine sera certainement entraîné par une impulsion spontanée pour les rythmes de son pays d’origine qui lui procurent le bien-être. Et j’ai remarqué que le public marocain à l’étranger est différent de celui du Maroc. Pourquoi ? Et bien parce que le public national est plus au moins heureux, car il ne souffre pas de la nostalgie. Quant au public marocain en Europe ou en Amérique, il a la fibre nationaliste très profonde, et ceci se répercute sur la qualité du spectacle.
Très souvent, les salles sont combles, et le public qui connaît parfaitement toutes mes chansons a tendance à chanter avec moi, à tel point qu’à la fin du spectacle je dis à mon manager qu’il fallait payer le public et non pas moi.
Dans une soirée familiale, un bootlegger a enregistré secrètement votre voix ce soir-là, vendant votre cassette sans votre avis. Cette manœuvre de très mauvais alois vous a causé du tort dans votre famille. Le temps a-t-il pansé les blessures ?
Pendant trois longues années, le contact avec ma famille a été coupé. Encore une fois, mon parrain a fait le voyage jusqu’à Khmisset pour parler avec mes parents et mes frères. Il a passé de longues heures avec mon défunt père à le convaincre que le paysage de l’art est noble, et qu’il sert grandement l’humanité à exprimer et à traduire ses joies et ses peines. Et il a commencé à donner l’exemple de grandes voix arabes comme Oum Keltoum, Smahane, Ouarda, etc.
Il a conclu sa mission en leur rappelant que leur devoir de parents a été accompli merveilleusement, insistant sur le fait que j’étais bien élevée et qu’ils n’avaient pas de souci à se faire. Les échos des médias et de la télévision ont joué également un rôle déterminant à persuader mes frères qui ont fini pas accepté mon nouveau métier.
La première du "Maroc qui swingue" aura lieu le 23 avril prochain à Amsterdam. Parlez-nous de ce documentaire produit par les Pays-Bas ?
Ce sont les Néerlandais qui m’ont fait la proposition en mai 2004 de tourner ce film dans lequel j’ai raconté mon parcours artistique et familial. L’originalité de ce documentaire est que j’ai eu la mission de côtoyer quatre jeunes filles néerlandaises, originaires du Maroc, et à qui j’ai enseigné les règles de la musique populaire.
Par ailleurs, j’ai trouvé l’initiative de ces Hollandais intéressante, car ils ont apprécié l’art de mon pays. Et cela veut dire que la chanson marocaine jouit des critères musicaux et thématiques qui pourraient la propulser sur la scène internationale.
Habituellement vous chantez la chanson Shaabi, et aujourd’hui vous abordez de nouveaux styles.
J’ai préparé un nouvel album qui comporte un rythme oriental, occidental et populaire. Les paroles sont exécutées en dialecte marocain, mais c’est le rythme qui change en fonction de la destination. J’ai réalisé la chanson orientale en Egypte, l’occidentale en France et le populaire à Casablanca. Cet album sera prêt en mois de juillet. Quant à mon dernier album de la musique populaire, intitulé "mon oncle Omar ", il sera en vente le 15 mai prochain. Il y évoque un thème qui suscite à la fois le rire et le chagrin, mettant la lumière sur l’homme très âgé qui tente par tous les moyens de rajeunir.
Star de la musique populaire et mère de 3 enfants. Quel regard portent vos enfants à votre carrière ?
Je suis mère de trois enfants, âgés respectivement de 16 ans, 9ans et 6ans et qui vivent à Paris. J’essaie de poursuivre ma carrière tout en jouant mon rôle de mère. C’est vrai que ce rythme est difficile à suivre, car ils me manquent tout le temps. C’est ma fille cadette, Samia, 9 ans, qui aime énormément la chanson et me dit souvent qu’elle veut devenir comme moi.
Qu’en êtes-vous avec le groupe anglais Chemical Brothers qui vous a pris votre chanson " Kedba Bayna" ?
Depuis deux mois, mon manager aux Pays-Bas est en pourparlers avec Virgin et Universal, et j’espère que l’on trouvera un terrain d’entente.
Najat en Europe
Durant les prochains mois, Najat Aatabou sera essentiellement à l’étranger. Elle animera deux spectacles à Amsterdam et à Rotterdam le 23 et le 24 avril prochains. Elle sera ensuite à Anvers en Belgique pour un spectacle qui sera organisé le 8 mai prochain.
Son périple s’achèvera aux Etats-Unis où elle fera une longue tournée dans plusieurs Etats américains à partir du 15 mai. Le public marocain chantera à nouveau avec Najat Aatabou durant la saison estivale où elle participera pratiquement à tous les festivals du pays.
Entretien réalisé par Zineb El Ouardighi pour le Matin
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