Les cas de spoliation immobilière sont monnaie courante au Maroc. Vendredi dernier, une famille a été expulsée de sa propre maison par les forces de l’ordre dans le quartier Bourgogne de Casablanca. Pourtant, la maison est, depuis 1966, la propriété du beau-père de Sara (nom d’emprunt), résidant en France. Ce dernier l’aurait rachetée à un juif marocain, Félix Kayes, et la transaction a été faite devant un notaire.
« En 1967, Félix Kayes est mort. À partir de là, ma belle-famille a eu du mal à enregistrer la maison au cadastre, jusqu’à ce qu’elle obtienne un ordre écrit de la préfecture du gouverneur de Casablanca pour inscription au livre foncier, le 27 juin 1973. Ordre qui n’a jamais été exécuté. Finalement, à la fin des années 2000, une société immobilière a présenté à ma belle-famille un soi-disant contrat de donation dans lequel les héritiers de Kayes annonçaient faire don de la propriété à un certain Mohamed Loukni », explique Sara à Jeune Afrique.
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Après plusieurs années de procès, la belle-famille a reçu en 2022 un avis d’expulsion au profit de la société EMDO Building. « Sur le plan juridique, on a tout essayé. Plusieurs avocats se sont même retournés contre nous », déplore Sara. Me Messaoud Leghlimi, avocat casablancais spécialisé dans la défense des victimes de spoliation immobilière, admet que dans la plupart des cas, ces dernières perdent définitivement leurs biens. « Souvent, les biens ont été revendus entretemps et là, l’acheteur plaide la bonne foi », confie-t-il.
Les Marocains résidents à l’étranger (MRE) semblent les plus touchés par ce phénomène. Moussa Elkhal, juriste et acteur associatif en France raconte sa mésaventure. « Un jour, une personne bien informée me raconte qu’il connaît un notaire français dont la signature s’est retrouvée sur un faux acte au Maroc. J’ai mis le nez dedans et fait en sorte que l’affaire soit traitée par un procureur général au royaume. Malgré les preuves et les demandes d’annulation de l’acte, rien ou presque n’a bougé, malgré mes plaintes déposées au Maroc et en France », détaille-t-il.
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Et d’ajouter : « À partir de là, les dossiers liés à la spoliation ont commencé à inonder le cabinet. Pour tenter d’y faire face, nous avons créé l’Association pour le droit et la justice au Maroc (ADJM). C’était il y a 15 ans ». L’ADJM a déjà reçu plus de 400 dossiers et ne compte plus en prendre « afin d’aller au bout de tous ceux qu’elle a reçus », précise le juriste. Les escrocs, « ce sont souvent des hommes d’affaires, devenus riches du jour au lendemain, mais également des fonctionnaires, des notaires, des avocats et des narcotrafiquants. C’est un réseau sophistiqué, structuré et très puissant. Je les appelle les intouchables », déclare Me Messaoud Leghlimi, régulièrement menacé de mort.