Moulay Hicham, cible d’attentats ?

24 février 2005 - 19h58 - Maroc - Ecrit par :

« Le Nouvel Afrique Asie » révèle que des attentats auraient vraisemblablement été planifiés contre le cousin germain du roi. Intox ou fuites d’informations ultrasensibles ?

« Je n’ai pas plus d’information à ce sujet qu’aucune autre personne. Tout ce que je sais, je l’ai appris de cette histoire que tout le monde a pu lire ». Visiblement encore sous le choc, le Prince Moulay Hicham est peu loquace sur les révélations ambiguës du magazine « Le Nouvel Afrique Asie », qui dans sa dernière livraison affirme avec des détails troublants que des « attentats meurtriers auraient été organisés contre cette personnalité iconoclaste et dérangeante ». Dans un article à tiroirs au titre aguicheur (« Tempête sur la monarchie »), Simon Malley, le directeur du magazine, relate des conciliabules tenus « lors d’une réunion à huis clos organisée fin décembre 2004, en présence de spécialistes réputés pour leur discrétion ». Il s’agissait, selon Malley, qui hésite à localiser ce conclave d’une « douzaine de participants » en Amérique ou en Europe, de palabrer sur la consistance de rumeurs insistantes relayées par des cercles diplomatiques à Washington.

Toujours selon Malley, « certains organismes spécialisés dans la collecte d’informations » s’agitent autour de Moulay Hicham. S’il faut comprendre qu’il s’agit de centrales de renseignements, cette nouvelle affaire ressemble à s’y méprendre à la série de chassés-croisés qu’avait eus le « Prince Rouge » avec les services marocains et qui l’avait, il y a quelques années, poussé à un exil volontaire aux Etats-Unis.

Cependant, les allusions hyperboliques du « Nouvel Afrique Asie », si elles s’avèrent fondées, sont un cran au-dessus de tout ce qu’avait vécu le fils aîné de Moulay Abdallah. Accusé d’accointances avec le quarteron de généraux d’Alger, d’initiateur de l’épisode cocasse des « Officiers libres » ou encore d’avoir des velléités de fonder un Emirat au Sahara, Moulay Hicham avait subi le feu roulant de la presse aux ordres qui avait poussé le bouchon jusqu’à lui tailler des habits de putschiste en le comparant avec le Général Oufkir. Malgré le fait qu’il s’était ardemment défendu de jouer la carte de la déstabilisation d’une « nouvelle ère » balbutiante, certains médias marocains ont retenu l’idée d’un prince revanchard qui n’est plus dans le cercle officiel de la famille régnante depuis ses fâcheries avec Mohammed VI au lendemain de la disparition de Hassan II. Cet état de fait a peut- être fait écran sur de véritables tensions et inquiétudes formulées par l’aile sécuritaire du régime, excédée de voir un prince alaouite, deuxième de surcroît dans l’ordre de succession au trône, faire voler en éclats le consensus du Palais sur la politique royale. À ces conjectures, Moulay Hicham avoue n’avoir « aucune idée sur la véracité de cette histoire ». Pour lui, « à l’évidence, cela concerne (sa) propre personne, et le fait qu’il ait une " exposition publique », lui « interdit de l’ignorer ».

Les commentaires sur l’article de Simon Malley vont bon train dans les milieux initiés de la presse parisienne. Pour nombre d’observateurs, le fait que la publication de Malley ait toujours eu un tropisme algérien indiquerait l’origine de ces assertions. Une thèse qui ne rassure pas l’Elysée qui suit de près les tribulations du Prince. Que l’information ne soit qu’un compte-rendu d’une discussion dont la teneur n’est pas forcément avérée rappelle cependant que le statut ambivalent du Prince, ses prises de position politiques sur le rôle de la Monarchie continuent de déranger. « Le manque de visibilité du régime marocain fait que la moindre rumeur à propos de Moulay Hicham est vite prise en compte, surtout lorsqu’il s’agit de sécurité », estime ce connaisseur des relations franco-marocaines au Quai d’Orsay. À cela, le Prince qui évoque ses multiples déplacements en Europe, dans les pays du Golfe et au Maroc évoque la nécessité « du gouvernement et des autorités compétentes d’en faire la lumière ».

Une requête qu’il avait formulée au Premier Ministre lorsqu’il avait accusé le Général Laânigri, alors patron de la DST d’intrusion dans sa vie privée et dont il n’a obtenu qu’une fin de non recevoir. Du côté du « Nouvel Afrique Asie », on ne fait pas plus de commentaires sur ce pavé jeté dans le marigot de la politique marocaine. Au Maroc, les quelques centaines de numéros de ce magazine distribués en kiosque ont été « massivement achetés » selon une source autorisée au Maroc, une manière peut-être d’en étouffer l’écho malsain, au moment même ou le Roi vient de nommer Mohammed Yassine Mansouri à la tête du contre-espionnage marocain, un civil qui a son oreille et dont la loyauté est intacte depuis l’époque où ils étaient camarades de classe au Collège Royal. En tout état de cause, Moulay Hicham n’exclut pas que cette nouvelle fièvre n’ait pas de liens avec sa critique de la crise de leadership au Maroc ou de la « menace » qu’il continue de faire peser au régime aux yeux de ses plus virulents détracteurs. « Je ne me suis jamais départi de mes idées politiques que j’avais d’ailleurs déjà exprimées sous le règne mon oncle », insiste-t-il. Il estime que depuis l’accession au trône de Mohammed VI, il a été « encouragé à débattre de tels sujets sans violence ». Une tempérance de propos qui ne cache pourtant pas son inquiétude : « Quels que soient les problèmes que vit le Maroc, je n’ose croire que quelqu’un puisse être assez dément pour penser les résoudre par l’élimination d’une personne ». Et si la folle rumeur était un signal supplémentaire d’un système qui s’emballe, échaudé par une transition pour le moins chaotique ?

Le Journal Hebdo

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