Le secrétaire général du Parti justice et développement (PJD), Abdelilah Benkirane, a vivement critiqué le mouvement féministe qui milite pour l’égalité des sexes dans le cadre de la réforme du Code de la famille, estimant que son combat vise à...
LES changements introduits par le code de la famille a permis de répondre en partie à des situations parfois ubuesques que vivaient les Marocains résidents à l’étranger (MRE). Malika Hafid, vice-présidente au tribunal de première instance de Casablanca, division Droit de la famille, souligne d’incontestables acquis même si le texte reste améliorable. « Le législateur s’est préoccupé de trouver des solutions aux nombreux problèmes que vit cette population que ce soit au niveau du pays d’accueil ou de retour au Maroc ».
Souvent, les MRE doivent faire face à des situations alambiquées dues aux incompatibilités des systèmes juridiques de leur pays de résidence avec celui de leur pays d’origine. Un des cas à l’origine des situations les plus ubuesques et qui cristallisaient les critiques est le mariage civil contracté en pays d’accueil. Qu’elle soit mixte ou pas, cette union tout à fait légale et reconnue à l’étranger, est, selon les anciens textes, à la limite de l’illégalité et les enfants pouvant en résulter étaient, au regard de la loi marocaine, « illégitimes ».
D’où un tas de problèmes pour les « époux » une fois de retour au pays. Difficile ainsi par exemple de divorcer puisqu’il fallait d’abord prouver l’authenticité du mariage. Celui-ci manquait en effet de deux conditions majeures, à savoir la présence de deux témoins et celle de la dot qui posait problème puisque les autorités européennes y voyaient une sorte de « prix » à payer pour avoir l’accord de la femme. Ce à quoi le législateur a apporté une réponse dans la nouvelle Moudawana en introduisant de nouvelles dispositions empreintes de beaucoup de souplesse. Le mariage civil est désormais reconnu (article 14). « Il est tout à fait légal dans la mesure où l’union s’est faite en présence de deux témoins « musulmans », explique Malika Hafid. Idem pour la dot, condition sine qua non pour la validité du mariage.
Le législateur fermerait désormais les yeux sur son absence à condition toutefois qu’elle ne fasse pas l’objet d’une mention écrite stipulant un accord préalable entre les deux parties. Deux conditions plutôt formelles, reconnaît le magistrat, « puisque le législateur ne va pas jusqu’à s’assurer que les deux témoins sont effectivement musulmans ». De même pour la dot, du moment qu’il n’y a pas de mention expresse trahissant un accord préalable de passer outre, le législateur ne voit aucun inconvénient à ce qu’elle ne figure pas sur l’acte de mariage.
Autre nouveauté : l’acte adoulaire de mariage qui doit désormais être signé par les deux conjoints (article 167). L’absence de signature (de la femme notamment) posait un problème dans les pays d’accueil. « C’est notamment le cas aux Pays-Bas où les autorités soupçonnaient des mariages forcés, voire complaisants en l’absence de signatures des deux conjoints », indique Malika Hafid. Mais des efforts doivent être encore déployés pour sensibiliser sur cet aspect. En effet, cette disposition est encore mal appliquée, des adouls n’en mesurant pas pleinement l’importance rechignent à l’appliquer.
Des avancées sont donc bel et bien réalisées avec la nouvelle Moudawana mais elles ne doivent pas cacher des « lacunes » ni des dispositions contraignantes pour des Marocains qui vivent hors de leur pays, soulignent des juristes. L’application du code pour cette partie de la population n’est pas toujours évidente. Un questionnaire a été lancé justement par le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération pour en rendre compte. Ses résultats ne sont pas encore disponibles.
Il n’empêche, selon différentes sources, les premiers échos qui parviennent laissent entrevoir de grands problèmes d’application notamment pour la procédure de divorce. C’est la nouvelle disposition relative à la réconciliation qui fait de la comparution des deux parties devant le juge une condition incontournable, qui est la plus décriée. « Comment en effet convaincre une personne dont la situation n’est même pas encore régularisée de rentrer au pays pour appliquer cette procédure », se demande Malika Hafid. Auparavant, indique-t-on auprès des Affaires étrangères, le procès-verbal de non conciliation établi par des autorités consulaires marocaines à l’étranger constituait une pièce maîtresse que les deux parties pouvaient faire valoir pour appuyer leur demande de séparation. De plus, jadis, les conjoints n’avaient pas à rentrer au pays puisqu’ils pouvaient donner procuration à l’un de leurs parents pour s’acquitter à leur place des formalités de divorce. Ce divorce par « procuration » a été aboli dans la nouvelle législation. Les deux parties doivent impérativement se présenter en personne devant le juge. Sans parler des difficultés d’informer l’une ou l’autre partie de la décision du tribunal, cela peut prendre 6 à 7 mois.
L’information négligée
DANS beaucoup de cas, les problèmes rencontrés par les Marocains résidents à l’étranger sont dus à une sous-information sur les dispositions du nouveau code de la famille. De l’avis de différents responsables, le manque d’information est en effet flagrant. Hormis des actions de sensibilisation ponctuelles, quelques cycles de sensibilisation destinés aux magistrats et la distribution de périodiques et circulaires, les efforts d’information sont quasi absents.
Khadija EL HASSANI - L’Economiste
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