En réalité, la diplomatie française a fait encore une fois les frais de son incapacité à gérer ses relations avec les deux géants-rivaux du Maghreb, l’Algérie et le Maroc. Paris est en effet parti du principe que la seule défection réellement grave au sud serait celle de l’Algérien Abdelaziz Bouteflika, et pas celle, annoncée, du colonel Kadhafi. Une crainte confortée par des mois de critiques virulentes dans la presse algérienne, particulièrement concernant la possibilité que Rabat puisse abriter l’une des instances de l’UPM.
On ne compte plus ainsi les ministres français qui sont allés à Alger
Comme à chaque fois qu’Alger multiplie les gestes de mauvaise humeur, la diplomatie française s’est dès lors mobilisée sans compter pour assurer l’Algérie qu’elle était un partenaire indispensable et un pilier de la future union. On ne compte plus ainsi les ministres français qui se sont succédés ces dernières semaines à Alger. La récente visite de François Fillon aura bouclé cette valse autour d’un géant gazier et pétrolier dont le marché est convoité par le monde entier, réserves en devises dépassant les 100 milliards de dollars obligent.
Ces signes de déférence ont été appréciés par Alger puisque dès le retour de François Fillon, Paris considérait "acquise" la venue de Abdelaziz Bouteflika. Quelques jours plus tard, le tête à tête entre Nicolas Sarkozy et son homologue algérien au cours du sommet du G8 au Japon est venu consacrer la priorité et la considération de la France envers l’Algérie.
Nicolas Sarkozy y a en effet annoncé à la fois la venue du chef de l’Etat algérien à l’UPM, mais aussi son invitation pour un voyage officiel à Paris "en 2009", date qui correspond à la fin de la présidence Bouteflika. Du moins en principe. Car le président algérien entend, en dépit de sa santé défaillante, briguer un troisième mandat ou prolonger le sien de deux ans.
Paris tient le Maroc pour un allié acquis quoiqu’il arrive
Cette perspective étant loin de faire l’unanimité au sein des "décideurs" algériens, le soutien de Paris était ardemment souhaité... et soit dit en passant habituel. Jacques Chirac avait lui aussi "voté" Bouteflika en l’invitant à Paris en 2004 en pleine campagne pour son second mandat présidentiel.
Ajouté au peu de goût de Mohammed VI pour les grands messes, ce trop plein d’attentions -qui montre que Paris tient le Maroc pour un allié acquis quoiqu’il arrive- aura provoqué la défection inattendue du souverain chérifien. D’autant que, cerise sur le gâteau, les responsables français ont expliqué aux Marocains la difficulté de prévoir un secrétariat de l’UPM à Rabat par le fait que... "les Algériens y sont opposés".
Source : Rue89 - José Garçon