Importation du tapis : le Maroc impose un droit antidumping
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Les tapis n’avaient pas disparu mais, victimes d’une image un peu poussiéreuse, ils avaient perdu de leur superbe. Le retour du parquet et l’arrivée de sols comme le béton leur ont permis de retrouver une place de choix dans les maisons. Ils se sont aussi harmonisés aux nouvelles lignes de mobilier.
Cette modernité fait du tapis un élément de décoration que l’on choisit au même titre qu’un canapé ou toute autre pièce maîtresse de mobilier. " Auparavant, on installait tous les meubles et le tapis venait comme touche finale. Aujourd’hui, il fait partie intégrante de la conception d’un intérieur", souligne Frédérique Lepers, directrice de collection chez Serge Lesage.
Depuis dix ans, le tapis est passé par différentes modes. Au moment où le consommateur s’est détourné de la moquette, "véritable nid d’acariens", les fabricants ont joué la carte du naturel en exploitant des fibres comme le coco, le jonc de mer et le sisal. Une fois passée la hantise des microbes et la vague du végétal parvenue à saturation, le tapis s’autorise aujourd’hui quelques audaces. Le coton, la soie mais aussi la laine et le synthétique sont utilisés avec de nouvelles couleurs et des motifs capables de donner une tonalité, voire une personnalité à une pièce.
Finie la carte de la discrétion qu’imposaient les fibres naturelles et les éternels camaïeux de beige. Le tapis redevient douillet, chaleureux, décoratif. Une opportunité pour les designers, qui voient là un nouveau champ de création.
Toulemonde Bochart qui, depuis quarante ans, fait intervenir les créateurs dans ses collections - Hilton McConnico, Mourgue, Wilmotte, Putman -, continue dans cette voie. "Cette politique que nous avons engagée dans les années 1960 (période d’explosion du tapis contemporain), nous l’avons toujours soutenue parce qu’elle correspond à notre démarche d’une offre qui évite le formatage", explique Anne Sebaoun, directrice du développement de la marque.
D’autres fabricants suivent cette stratégie de collaborations permanentes ou occasionnelles avec les créateurs. Le fruit de ce travail, indispensable pour l’image et le positionnement des marques, n’a longtemps touché que des "niches" de consommateurs. " Aujourd’hui, de plus en plus de gens choisissent des tapis contemporains", note-t-on chez Toulemonde Bochart.
Dernièrement sortie, la collection Poseterre (tufté main 100 % nacryl) signée Jean-Charles de Castelbajac. Le créateur s’est inspiré de symboles de notre mémoire collective : Rimbaud, Mao, le rock, mais aussi les drapeaux ou le camouflage. Ces tapis peuvent tout aussi bien être posés au sol ou accrochés aux murs. Vendus à des prix accessibles (à partir de 160 euros), ils sont très prisés par les jeunes, public que la collection visait.
L’évolution des tapis correspond aussi au désir de personnalisation des intérieurs et aux nouvelles tendances de la maison. Par exemple, les fils de polyester permettent de créer des effets de matière et de relief en phase avec l’air du temps. " Par ce biais, on va progressivement revenir aux tapis dessinés", prévoit Frédérique Lepers. Les tapis hautes mèches sont revenus en force l’année dernière, et des textiles très ras avec de nouveaux effets matières, genre béton ciré, devraient apparaître.
Au-delà de son aspect décoratif, le tapis structure l’espace. "Avant, le schéma était deux canapés face à face, avec entre les deux un tapis et une table basse, remarque Anne Sebaoun. Aujourd’hui, le tapis passe sous les deux canapés et unit l’ensemble."
Les fabricants les plus traditionnels s’adaptent à cette évolution, comme en témoigne la collection dessinée par le designer Eric Gizard pour Tisli (un nouveau label franco-marocain). Dans le cadre d’un plan de relance du tapis artisanal né d’une collaboration entre le ministère du tourisme du Maroc et l’association Valorisation et innovation de l’ameublement (VIA), Eric Gizard a été sollicité pour dessiner une large ligne de tapis noués et tissés main.
Cette collection a été imaginée autour de la réinterprétation de détails typiquement marocains. Chaque tapis suggère un paysage, sa lumière, son relief : le bleu du Rif, les nuances chaudes et ensoleillées de l’Atlas, le brun des moutons, ou des tons plus actuels et urbains. Une rencontre réussie entre des formes contemporaines et les matières traditionnelles.
Le Monde - Véronique Cauhapé
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