Migration, transfert et développement : Gros risques de dépendance

20 décembre 2006 - 19h44 - Economie - Ecrit par : L.A

Les transferts de fonds peuvent-ils stimuler les investissements productifs dans les pays d’origine ? Peuvent-ils contribuer à leur développement économique et social ? Doivent-ils se substituer aux ressources de l’Etat pour l’investissement ? Comment canaliser ces flux et amoindrir les risques de voies illégales et tracer leurs destinations ? Quel doit être le rôle des systèmes bancaires et des autres institutions financières ?

C’est à toutes ces questions et à bien d’autres que les experts venus des pays du pourtour du bassin méditerranéen ont tenté de répondre. C’était lors du séminaire organisé, en marge de la visite au Maroc de la secrétaire d’Etat espagnole à l’Immigration, Consuelo Rumi, vendredi 15 décembre au siège d’Attijariwafa bank à Casablanca, sur le thème « L’Espagne, l’Europe et le Maroc : transfert et développement ». Une rencontre à l’initiative de l’Institut euro-méditerranée (IEMED) et de l’ONG Remasas.org d’Espagne, avec la participation du Comité Averroès, Attijariwafa bank, L’Economiste, l’Association des agences de transferts d’argent espagnoles (Anaed) et Santander.

Neuf heures de débats contradictoires, de comparaisons d’expérience, de propositions, de doléances, n’ont pas suffi à cerner de façon nette la problématique migration-transfert et développement.

D’ailleurs, l’entame du Pr Jean-Pierre Garson, chef de division des Economies non-membres et des migrations internationales à l’OCDE France, en dit long : « Il n’y a pas de réponses simples à un problème complexe ». Le total des transferts de fonds à destination des pays émetteurs d’immigration, en voie de développement (1.800 milliards de dirhams en 2006, selon le FMI), a dépassé les flux d’aide officielle pour le développement des pays de l’OCDE aux pays non-membres.

Les fonds envoyés par les immigrants établis en Espagne vers leur pays d’origine ont atteint en 2005 plus de 4,6 milliards d’euros. De cette manne, le Maroc a reçu 5,142 milliards de dirhams, soit environ 9% du PIB.

Pour le directeur des Etudes et des Prévisions financières du ministère des Finances, Mohamed Chafiki, cet apport « a favorisé un solde positif au Maroc dans sa balance bilatérale avec l’Espagne ». Et les statistiques livrées par le représentant de l’Office de changes, Omar Bakou, montrent comment cette quantité de transferts reflète l’importance de la communauté marocaine établie en Espagne. Elle est certes récente, mais de loin la première communauté étrangère avec près de 600.000 personnes, régulièrement établies.

Cet élan de satisfecit est remis en question par l’intervention de Mehdi Lahlou, professeur d’économie à l’institut des statistiques (INSEA). Pour lui, « il se dégage, du côté marocain, à l’issue des travaux de ce séminaire, une volonté de mieux faire ». Car, ajoute-t-il, « il n’est pas normal que le Maroc se complaise dans cette situation où le pays vit des transferts des émigrés à hauteur de 9% ». Avec ce pourcentage, poursuit le Pr Lahlou, « c’est non seulement une dépendance à la communauté, mais aux pays où elle est établie ». Sa crainte est claire : il ne faut pas que cet apport s’installe dans la durée, au point de se substituer aux vraies politiques économiques qui incombent à l’Etat. D’autant plus, de l’avis général, que ce n’est pas une ressource pérenne.

De pays récepteur à pays émetteur

L’exemple de l’Espagne, passée en peu de temps de pays récepteur de recettes de transferts de ses ressortissants à un pays émetteur, est maintes fois cité. En 1946, les transferts des émigrants espagnols ont représenté 21% de toute sa recette externe par compte courant. C’est dire que le souhait de Mehdi Lahlou, « voir le Maroc s’inspirer de cet exemple, en donnant à ces transferts leur vraie signification », est légitime. In fine, c’est l’Etat le seul agent central qui développe.

L’Economiste - Bachir Thiam

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Transferts des MRE - Politique économique - Développement

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : un semestre record pour le tourisme et les transferts des MRE

La trajectoire ascendante entamée par le tourisme marocain depuis janvier se poursuit à fin juin. En témoignent les recettes enregistrées. Il en est de même pour les transferts des Marocains résidant à l’étranger (MRE).

Transferts d’argent des MRE : une année 2024 record

L’année 2024 aura été faste pour les transferts d’argent des Marocains résidant à l’étranger (MRE), selon les derniers chiffres publiés par l’Office des changes.

Le Maroc, capitale mondiale de la chasse aux météorites

De 1999 à aujourd’hui, le Maroc est devenu la capitale mondiale de la chasse aux météorites. Plusieurs facteurs expliquent ce développement rapide.

Les transferts des Marocains du monde encore en forte hausse

Les transferts des Marocains résidant à l’étranger se maintiennent à la hausse, selon les derniers chiffres dévoilés par l’Office des changes.

Les transferts des MRE menacés : l’Europe suscite l’inquiétude des banques marocaines

Les banques marocaines présentes en Europe sont confrontées à de nouveaux défis avec la mise en vigueur annoncée d’une directive européenne visant à mettre fin aux transferts de fonds des étrangers vers leurs pays d’origine, dont les Marocains de la...

Internet au Maroc : des zones complètement oubliées

Certes, le Maroc a enregistré des avancées significatives pour garantir internet mais des défis majeurs restent à relever.

L’Europe veut bloquer les transferts des MRE

L’Union européenne veut mettre fin au transfert de fonds des Marocains résidant en Europe vers leur pays d’origine via les banques marocaines présentes sur le continent.

Les MRE : des acteurs économiques majeurs, oubliés par les institutions

Un récent rapport du Centre Al Hayat met en exergue la contribution significative des Marocains résidant à l’étranger (MRE) au développement de leur pays d’origine. Toutefois, ces derniers restent confrontés à des difficultés qui limitent leurs...

Mondial 2030 : le Maroc se dote de 18 TGV supplémentaires

Au Maroc, les projets de développement liés à la Coupe du monde 2030 avancent à bon rythme. Parmi eux figure l’extension du réseau de train à grande vitesse qui impactera 59 % d’usagers.

Transferts de fonds des MRE : un record et une bouffée d’air pour le Maroc

Les Marocains résidant à l’étranger (MRE) contribuent fortement à l’économie marocaine à travers les transferts de fonds qui vont crescendo ces dernières années. Ces flux sont passés de 22,96 milliards de dirhams en 2000 à 93,67 milliards en 2021.