Algérie, Italie (en canot) en passant par la Libye, où il a été envoyé en centre de rétention, Ahmed Qatib se retrouve coincé à Vintimille. « Je suis arrivé à Vintimille au mois de février, il y a cinq mois. J’ai tout de suite voulu passer en France pour rejoindre l’Allemagne. J’ai essayé six fois, je n’ai jamais réussi », raconte-t-il à Informigrants. Cet athée originaire de Beni Mellal justifie son envie de vivre en Allemagne par le fait qu’il ait connu « trop de problèmes avec les islamistes » au Maroc, où il était proche du Mouvement du 20-février. « La première fois, en février, j’ai traversé à pied, mais j’ai été arrêté à Menton [première ville côté français, NDLR]. La deuxième fois, j’ai pris un train. La troisième fois, j’ai tenté le Pas de la mort [sentier extrêmement périlleux entre l’Italie et la France, en contrebas duquel un migrant africain a été retrouvé mort en novembre dernier, NDLR] », continue le trentenaire.
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« Puis j’ai à nouveau tenté plusieurs fois en train. Lors de ma sixième et dernière tentative, j’ai été arrêté par les autorités françaises alors que je marchais dans la forêt, près de la ville de Latte. À chaque fois que j’ai été arrêté, les autorités françaises ont été méchantes ». Ahmed se plaint d’avoir subi de mauvais traitements de la part des policiers. « Parfois tu entends des insultes. Ils nous poussent dans les voitures, ils nous poussent dans des pièces où on dort sans couverture. » Il se résigne à rester en Italie et demander l’asile. Ahmed vit dans de mauvaises conditions. « À Vintimille, je mange grâce au collectif Progetto 20 K [une association qui vient en aide aux migrants dans la région, NDLR]. […] Pour dormir, j’ai trouvé un trou dans le pilier d’un pont près d’une rivière, à la sortie de la ville. C’est à côté d’une autoroute. C’est mon endroit. »
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En attendant des jours meilleurs, Ahmed travaille pour des exploitants agricoles. « Depuis un mois, j’ai trouvé un travail au noir dans la région de San Remo. Ce n’est pas loin de Vintimille, j’y vais en train. Je travaille dans les champs, pour des propriétaires italiens, toujours différents. On change d’endroit tout le temps. Il n’y a que des migrants sans-papiers qui travaillent là. En ce moment je travaille sur un terrain où il y a une maison abandonnée. Ceux qui nous paient nous cachent là pendant nos pauses pendant la journée, pour qu’on ne se fasse repérer. » Ahmed touche 30 euros par jour pour 10 heures de travail. « J’ai des traces de blessures sur ma peau, et mon poids diminue mois après mois. Je pèse 50 kg, pour 1m74. J’ai perdu 12 kg ces trois derniers mois à cause du travail et de ma situation », se lamente le trentenaire.